La chinoise Cosco Shipping Specialized Carriers, la sino-polonaise Chipolbrok (basée à Shanghai et Gdynia en Pologne), la singapourienne AAL Shipping et une autre chinoise, Swire Shipping, trustent les premières places du classement mondial par la capacité, occupant respectivement les deuxième, quatrième, cinquième et septième rangs.
Chipolbrok et AAL s’offrent le luxe de s’échanger les quatrième et cinquième rangs mondiaux ces dernières années, avec les Européens au balcon, en observateurs. Propriétaire d’une flotte de 24 navires de 19 000 à 33 000 tpl, AAL a en commande six unités de 32 000 tpl, ce qui devrait porter sa capacité consolidée à 872 000 tpl.
Les quatre compagnies asiatiques de l’élite mondiale du colis lourd exploitent certes moins de navires que les armateurs européens, mais la capacité de levage est nettement supérieure, ayant de toute évidence misé sur des gros-porteurs, jusqu’à 60 000 tpl. C’est particulièrement notable pour Chipolbrok, dont la charge de levage moyenne est supérieure à 500 t. En comparaison, avec ses 145 navires, un cœur de flotte dans la tranche des 12 000-17 000 tpl et seuls quelque 40 000 tpl pour ses plus grands navires conventionnels, le leader mondial BBC Chartering affiche une charge moyenne de 360 t. Par le tonnage, l’Allemand surplombe encore avec quelque 1,7 Mtpl.
Mais CoscoSSC, qui opère une flotte extrêmement diversifiée avec des semi-submersibles de construction récente, des conventionnels pour des charges lourdes et des polyvalents pour du fret divers, a dépassé BBC pour la première fois en 2018.
L’opérateur, basé à Guangzhou, a fait du transport de pâte à papier une spécialité, filière pour laquelle il a commandé douze navires, qu’il a fini de réceptionner en fin d’année 2022. Tous les navires sont affrétés pour une durée de quinze ans par Cosco Shipping Development dans le cadre d’un accord de vente et de cession-bail.
Il a par ailleurs reçu cet été le Green Kemi, unité d’une autre série de commandes pour le même usage. À ceci près que ce nature possède des cales de différentes tailles, dont une jusqu’à 36 m de long, tandis que le deuxième pont pourra charger non seulement de la pâte à papier, mais aussi des cargaisons lourdes et surdimensionnées comme des équipements éoliens et des locomotives.
Les armateurs européens n’ont pas pour autant déserté le marché. Derrière BBC et CoscoSSC, le néerlandais Spliethoff a gagné sa troisième place à coups d’acquisitions, à l’instar de la société en faillite Hansa Heavy Lift. Outre le fait de gagner du lest en mettant la main sur ses 11 navires, il a gagné en capacité chargement (+ 189 140 tpl), mais a aussi élargi la gamme de marchandises qu’il peut traiter. Alors que la capacité moyenne de levage de sa flotte se situait entre 160 et 300 t, celle des navires de Hansa Heavy est nettement supérieure, entre 800 et 1 400 t.
L’armateur, qui a tous ses navires enregistrés sous le pavillon néerlandais (50 unités de 12 000 à 23 000 tpl, dont 12 pour les produits forestiers), a réceptionné en août le Bloemgracht, navire de ravitaillement offshore (12 500 tpl), sistership du Brouwersgracht, livré en avril par le chantier Fuzhou Mawei. Le duo a été équipé de deux grues Huisman à la capacité de levage de 500 t, spécifiquement conçues pour acheminer les gabarits XXL. Spliethoff se défend avec son tonnage proche du million de tonnes de port en lourd.
Dans cette zone d’influence résistent aussi le suédois Wagenborg et le transporteur hambourgeois UHL (numéro 11 mondial). Alors qu’il a été livré entre 2019 et 2022 de dix-neuf F900 ECO, sans doute l’une des flottes les plus efficientes sur un plan énergétique, il a commandé deux unités supplémentaires en mai 2022 pour livraison en 2024. UHL, dont la flotte comprend actuellement 21 gros-porteurs avec des capacités de charge jusqu’à 900 t, indiquait avoir ses tonnages entièrement réservés pour 2023. Tout en ne boudant pas l’actuel rebond dans les énergies du passé – pétrole et gaz –, il place une grande confiance dans le marché de l’éolien, qu’il considère au plus long cours. L’armateur allemand a étoffé sa flotte, notamment pour rassurer ses clients Vestas, Siemens Gamesa et General Electric sur sa capacité à transporter les plus grandes pales d’éoliennes actuellement sur le marché (jusqu’à 120 m).
En revanche, quelques ressortissants européens, autrefois dominants, sont en perte de vitesse. Ainsi de l’allemand Macs, éjecté des dix premiers pour être relégué en bout de classement du top 20. Quant au groupe danois Thorco, numéro quatre mondial en 2018, il a été balayé, mais l’entrée en juin dans son capital de Norden pourrait raviver certaines ambitions.