Le sujet du report modal inversé est désormais pris très au sérieux. Il est devenu une réalité depuis quelques semaines alors que certains commissionnaires de transport commencent à délaisser le ferroviaire au bénéfice de la route. La raison? Les prix ne cessent d’augmenter en raison de la hausse des prix de l’énergie facturée par SNCF Réseau aux tractionnaires.
Pour l’ensemble des opérateurs ferroviaires en France, le surcoût de l’énergie en 2023 va atteindre 150 M€, après une hausse de 50 M€ en 2022. S’ils ont pu bénéficier l’an passé du soutien de l’État, qui avait consenti un allègement de 50 M€ du prix des péages, rien n’est prévu en 2023. Selon nos sources, le dossier se trouve en haut de la pile de la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM). La géopolitique aurait-elle raison de la transition écologique dans les transports? Quand l’électricité flambe, au même moment le prix du diesel diminue.
« La France va à contre-courant de ses engagements en fragilisant un pilier de la transition énergétique de notre pays. Les conséquences sont déjà perceptibles sur les rails français: les trains électriques restent en gare, remplacés par des trains au diesel et par des camions sur nos routes. Le report modal inversé est enclenché, annulant tous les efforts pour développer le fret ferroviaire. Quelle aberration dans le contexte de sobriété énergétique et de transition écologique! », résume Alexandre Gallo, président de l’association française du rail (AFRA) et président directeur général de DB Cargo France. L’association professionnelle appelle à une renégociation immédiate des contrats pour revenir à un prix de l’énergie plus soutenable.
« C’est une aberration totale qui risque de compromette le plan de relance du fret ferroviaire. Nous négocions avec chaque client une augmentation des prix du fret. Ils ne sont pas prêts à assumer une hausse des prix de 20 %. Il faudrait que nous soyons autorisés, comme la route, à répercuter la hausse en pied de facture », avait réagi, le 17 février dernier, Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe à la SNCF.
« Nous alertons depuis des mois le ministère des Transports, mais le gouvernement regarde ailleurs: cette hausse du prix de l’énergie est insoutenable pour tous les acteurs du ferroviaire », indique à son tour Raphaël Doutrebente, président de la commission fret de l’AFRA (Association française du rail) et président d’Europorte. « Certains opérateurs nous font déjà remonter une situation financière préoccupante et craignent de ne rapidement plus être en mesure de payer leurs factures d’électricité à SNCF réseau. Nous appelons donc à une renégociation immédiate des contrats pour revenir à un prix de l’énergie soutenable. » L’énergie représentait déjà 20 % des coûts des opérateurs. Considéré comme un mode énergétiquement sobre (il consomme six fois moins d’énergie que la route), le principal atout du rail réside dans la traction électrique. Le gouvernement n’a pas prévu de dispositif d’aide adapté pour soutenir le ferroviaire dans cette crise conjoncturelle.
Au 1er janvier 2023, SNCF Réseau, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, a quadruplé le montant de la redevance pour la fourniture du courant de traction, passant de 111,95 à 473,51 € du mégawatt heure HT entre 2022 et 2023.