Hiver en pente raide

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L’âge d’or est révolu. La fête est terminée. Exit la belle époque. Fin de partie. Avis d’expulsion… Le registre est infini pour signifier la finitude des choses. Pour les transporteurs maritimes de conteneurs, l’année 2023 a pris place, escortée par les mauvais vents.

Après avoir tissé avec un fil d’or une histoire décousue en bleu pendant près de deux ans, le secteur doit à nouveau se jeter à la mer sans boussole et sans virer à l’amer pour ne pas finir sur le flanc. Ce qui est peu probable en 2023 au regard de belles marges arrimées à l’avant. Les compagnies doivent néanmoins un peu se sentir comme sur le pont d’un navire sur lest par houle croisée. Vogue l’incertitude et l’inconnu.

2022 n’aura pas été, loin de là, aussi rocambolesque que 2021, année hautement improbable avec des ports aux allures de Far West et un « porte-conteneurs géant » qui a coincé son bulbe d’étrave dans la rive d’un canal aussi essentiel à la libre circulation de la marchandise que l’ont été les produits de première nécessité cette année-là.

En démissionnant, 2021 a laissé sur le bureau un dossier non traité: l’inflation alors que la satanée fratrie des perturbateurs covidiens – Delta, Omicron et consorts – paraissait enfin sous contrôle. Vu du pont, l’affaire 2022 paraît bipolaire avec une première partie témoignant d’une lente dégradation et une seconde en descente en piqué. En réalité, l’an dernier a essaimé tout du long ses petits cailloux après avoir rencontré un menhir, l’agression de l’Ukraine par la Russie.

En France, pays qui n’a pas vu naître Marx sur son sol mais qui a un vieux fond communard pas tout à fait liquidé, le profit, fût-il exceptionnel, est rarement flatteur. Le climat a été polaire pour le seul transporteur maritime que la France compte dans le Top 5 mondial et qui s’est vu érigé en « profiteur de guerre ». Notre pays ne déteste pas détester ce qui brille mais aime convoquer une flopée de grands philosophes et penseurs classiques pour donner des leçons. Jamais Pascal, Descartes, Rousseau, Nietzsche, Plutarque, Sénèque… n’auront été autant assignés à comparaître ces derniers temps pour repenser un monde qui ne tourne plus rond. Vraiment plus. Moscou et Pékin ont usé d’un narratif historique et politique similaire pour se livrer à de vieilles dispositions belligérantes, plaçant la mer Noire et la mer de Chine méridionale au cœur des tensions.

« May you live in interesting times ». La formule dont la paternité revient au cynisme britannique mais que la légende prête à la sagesse chinoise n’est pas à prendre au pied de la lettre française. Car les Britanniques s’en servent surtout pour souhaiter le pire. Est-ce un temps qui s’ouvre pour le conteneur? Les indicateurs viennent en effet se cogner à une nouvelle réalité. L’« atterrissage en douceur » tant promis s’est davantage apparenté à un appontage en force majeure qu’à un amerrissage sur une mer d’huile.

Par chance, les armateurs ont « mis un peu d’argent de côté » pour affronter le gros temps.

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