L’affrètement face aux renégociations des contrats

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Après deux années de pleins pouvoirs, les bailleurs de navires n’échappent pas à la crise des taux de fret. Les armateurs non-exploitants doivent faire face à leurs clients traditionnels, qui n’acceptent plus de payer cher et longtemps, et aux petits transporteurs, qui veulent restituer leurs navires avant échéance.

Nouvelle manifestation d’un retournement de conjoncture aussi rapide que subit. Les propriétaires de navires se retrouvent à gérer les conséquences du ralentissement économique beaucoup plus vite qu’ils ne l’avaient projeté. Alors que les tarifs des navires à l’affrètement ont longtemps résisté à la dégradation de l’environnement du marché, se repliant très lentement mais tout en se maintenant à un niveau élevé, les taux se sont brusquement détériorés à partir de la mi-septembre.

La chute a été particulièrement sévère pour le best-seller des porte-conteneurs, le panamax (4 000-5 299 EVP), dont le tarif journalier de 40 000 à 50 000 $ fixé en septembre aurait été négocié au double quelques semaines auparavant. En décembre, dans les mêmes conditions de contrats et de spécifications, il ne valait plus que 20 000 $/j pour des périodes de six mois.

Les mois de septembre et octobre ont été particulièrement critiques pour le marché. En un mois, selon les durées des contrats (six mois et deux ans) et les tonnages (1 100 à 6 500 EVP), les valeurs d’affrètement ont perdu entre 1 300 $ et plus de 50 000 $. Éloquent. Le 30 septembre, le taux d’affrètement pour un navire de 6 800 EVP négocié dans le cadre d’une durée de six à douze mois était de 62 000 $/j, soit près de 80 000 $/j de moins qu’un mois plus tôt, cependant encore 40 000 $/j de plus qu’en septembre 2020.

La vitesse à laquelle la situation s’est retournée a surpris les acteurs du marché, y compris le courtier Braemar, dont l’indice BOXi a plongé de 30 % entre fin juillet et début octobre. Les indicateurs de référence de ce marché – Contex, Harpex… –, se sont mis au diapason d’une demande de navires qui s’est éteinte d’un coup, traduisant un changement d’appréciation des armateurs pour leur environnement de marché.

Après avoir atteint un plafond de 4 586 points à la fin mars et s’y être ancré jusqu’à la fin juillet, l’indice Harpex, publié par la société de courtage Harper Petersen &Co, a atterri à 3 095 points en peu de temps.

Payer moins et moins longtemps

Mouvement pendulaire. Les propriétaires de flotte, qui ont imposé leur loi pendant des mois, dictant les prix et la durée des contrats, doivent aujourd’hui faire face à des armateurs susceptibles d’être à la peine pour honorer les affrètements coûteux et de longue durée qu’ils ont contractés durant la période euphorique. Le rapport de force s’est rapidement rééquilibré. La durée du contrat est revenue à un niveau plus bas, généralement de 12 mois contre jusqu’à 60 mois au plus fort du marché.

Les loueurs de navires se heurtent en outre à des demandes de renégociation des contrats et ce plus vite que prévu, notamment de la part des plus petits transporteurs.

L’effondrement des taux de fret rend de moins en moins viable l’exploitation de navires affrétés à des taux historiquement élevés, a fortiori pour ceux qui se sont lancés dans le trafic Est-Ouest de manière opportuniste en 2021 (cf. pages 32-33).

« Le nombre de cas où les affréteurs restituent par anticipation est en augmentation », confirme Alphaliner, mentionnant le cas de MPC Container Ships, qui a accepté de reprendre de façon anticipée deux de ses petits porte-conteneurs (2 700-2 800 EVP), les Carpathia et AS Carlotta, moyennant une compensation financière (non communiquée). Les deux navires avaient été fixés par la compagnie maritime américaine Pasha Hawai au prix de 42 000 $/j pour des périodes de 36 mois jusqu’en 2025.

Pour la petite histoire, ils avaient été contractés pour le compte du grossiste américain Costco, le premier des puissants détaillants américains (Walmart, Home Depot, Target, Ashley…) qui, au plus fort de la pandémie, s’étaient mis à affréter des navires pour sécuriser leurs stocks dans un contexte de boom inédit de la demande outre-Atlantique. Les compagnies ne pouvaient plus garantir espaces à bord et livraisons à temps faute de navires, exploités à pleine capacité ou immobilisés au large, et de conteneurs bloqués sur les quais.

Le géant américain a annoncé qu’il avait provisionné 93 M$ pour limiter ses frais d’affrètement.

Premières victimes

La situation a déjà fait ses premières victimes. Allseas, confrontée à un manque de liquidités, s’est retrouvée pour ces mêmes raisons sous administration judiciaire. La compagnie britannique, qui s’est aventurée à la faveur de la crise sur les grandes lignes avec un service Chine-Europe lancé en 2021, a été contrainte d’abandonner l’ensemble de sa flotte de cinq navires loués à grands frais.

La restitution anticipée de navires n’est pas courante, indiquent les opérateurs. Elle est en général motivée par de graves difficultés financières de l’affréteur, restructuration ou dépôt de bilan. Allseas n’est cependant pas un cas isolé. Le transporteur intra-asiatique chinois, CULines, première société à avoir affiché ses ambitions sur le trade Est-Ouest, d’abord en opérations ad hoc avant d’étendre ses activités à la route transpacifique et à l’Asie-Europe et de commander des navires, est aujourd’hui contrainte de reconsidérer son pavillon. « Pour arrêter les pertes dès que possible », fait-elle valoir. « Elle devra payer 67 M$ pour mettre fin à l’accord et compenser la résiliation anticipée de l’affrètement de douze panamax de 4 300 à 4 700 EVP qu’Antong affrétait à CULines à un tarif déclaré de 52 000 $/j », a confirmé Alphaliner.

CULines, qui a connu une croissance fulgurante, passant en deux ans du 95e au 20e rang du classement mondial des compagnies de la ligne régulière, s’était associée à Antong Holdings pour coopérer sur les lignes « majesté ». Le contrat avait été prolongé au début de l’année 2022 jusqu’au 31 mars 2025.

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