Entre 3,5 et 14,5 Md$ dès 2024 en fonction du choix des carburants alternatifs et du coût des quotas de CO2. Selon Drewry, la facture de la transition énergétique pourrait coûter cher aux compagnies maritimes. Le coût climatique vient grever des comptes d’exploitation déjà plombés par l’inflation généralisée.
Une partie de l’année a été marquée par l’explosion des prix des carburants maritimes avec un baril qui a pu monter à 140 $. Le VLSFO, fuel le plus vendu, a franchi en mars 2022 la barre des 1 000 $. Ni la Russie ni l’Ukraine ne sont des marchés clés pour les armateurs de porte-conteneurs. En revanche, la guerre entre les deux belligérants a mis les marchés de l’énergie sens dessus dessous.
Les soutes se sont embrasées même si les transporteurs de conteneurs y sont bien moins exposés que les exploitants de vraquiers et de tankers qui n’ont pas, eux, la possibilité de répercuter les surcoûts sur le client via le facteur d’ajustement du bunker (BAF). Les premières BAF ont été distribuées dès le second trimestre de l’année 2022.
Le carburant reste une des principales composantes de la structure des coûts des compagnies. Sa part dans les dépenses d’exploitation peut ainsi atteindre 40 à 60 % pour les plus grands navires.
Pour les 30 % de la flotte mondiale de porte-conteneurs équipés de scrubbers, l’ardoise a été moins salée. Les prix du HFO (fuel à haute teneur en soufre) ont été gagnés par la fièvre du Brent, mais dans une bien plus faible mesure que leurs équivalents moins soufrés.
7 474 $ par jour
Dans une étude qui a passé en revue 47 types et tailles de navires, Drewry estime que les coûts d’exploitation journaliers moyens des transporteurs maritimes ont augmenté pour la cinquième année consécutive en 2022 pour atteindre 7 474 $, soit une hausse de 2,2 % après celle de 1,3 % en 2021.
En cause, le prix élevé du pétrole mais pas seulement. « Les coûts d’assurance maritime ont également augmenté, de 8 % en moyenne, après une progression de 7 % en 2021, en raison d’une hausse des primes et de la valeur des navires dans certains secteurs », indique le rapport.
Au-delà, naviguer coûtera davantage demain. Et plus vite que ce que les armateurs avaient prévu lorsqu’ils se croyaient assujettis aux seuls règlements de l’Organisation maritime internationale. L’Union européenne sera en effet la première région à imposer une taxation carbone au transport maritime.
Á compter du 1er janvier 2023, le système d’échange communautaire de quotas d’émission (ETS ou SCEQE) sera appliqué à l’ensemble des navires de plus de 5 000 de jauge brute naviguant dans les eaux européennes, quel que soit leur pavillon. Les exigences (20 % des émissions prises en compte en 2023) seront ensuite renforcées jusqu’en 2026, date à laquelle les transporteurs devront payer pour 100 % des émissions émises entre les ports européens et 50 % entre un port européen et un d’un État tiers, avant de devoir également régler 100 % à partir de 2027.
Surcharge climatique
Dans le cas où les dépenses d’exploitation devaient s’établir dans la fourchette haute (14,5 Md$) des projections de Drewry, elles se matérialiseraient par un coût supplémentaire de 234 $ par EVP. Les simulations du consultant britannique, qui a développé en interne un outil de prévision des coûts spécifiques à la décarbonation et au marché carbone, se fondent sur la base de trois scénarios de taxes sur le carbone et pour les trois carburants verts les plus probables à ce stade (GNL, méthanol vert et ammoniac vert).
MSC et Maersk ont déjà annoncé que le coût climatique serait répercuté. Ainsi, l’armateur danois exigera une surcharge de 184 € par conteneur de 40 pieds acheminé depuis l’Europe du Nord vers les États-Unis et de 276 € sur le même trajet pour un conteneur frigorifique. La hausse la plus importante concerne la route reliant la côte ouest de l’Amérique du Sud à l’Europe, où le surcoût est estimé à 213 € pour un conteneur dry et de 319 € pour un reefer.
Chez MSC également, chaque trade aura sa propre tarification. Sur la base d’un prix de 90 € appliqué à la tonne de CO2 avec une obligation visant 100 % des émissions émises, le leader mondial estime le prix à payer climatique sur la ligne de l’Asie vers l’Europe du Nord à 69 €/EVP pour les conteneurs dry et de 208 €/EVP pour les frigorifiques. De l’Europe du Nord vers l’Asie, il est estimé à 37 € et 110 €/EVP respectivement. Sur certaines routes, l’addition peut être salée, jusqu’à 500 € par conteneur.
À l’avenir, les compagnies devront aussi s’attendre à des coûts salariaux plus élevés, compte tenu de la pénurie d’officiers qui se profile.