Comment les compagnies maritimes peuvent éviter le naufrage?

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Gestion des capacités, envoi à la casse, ralentissement des navires, suppression des services, report des livraisons… les transporteurs pourraient (ab)user de tout ou partie de ces leviers pour gérer au mieux le retournement de leur marché

Selon le scénario dit de base de Drewry, les transporteurs maritimes de conteneurs afficheront des bénéfices consolidés avant intérêts et impôts (Ebit) de l’ordre 100 Md$ en 2023. Si tel est le cas, ils auront dévissé de 64 % par rapport niveau prévu pour 2022 tout en restant bien supérieur aux bénéfices réalisés avant la pandémie. Dans son hypothèse, le consultant britannique anticipe une croissance de la demande de 1,9 % en 2023 face à une capacité offerte qui aura gonflé de 34 %, si toutes les livraisons prévues sont respectées (2,6 MEVP dès 2023), si la congestion portuaire devient un vieux souvenir et si aucun navire n’est envoyé à la casse.

Cette dernière option parait peu probable alors que la transition énergétique se fait plus pressante. L’âge moyen de la flotte mondiale augmente, s’établissant à 14,2 ans pour les porte-conteneurs et en vertu du CII, norme sur l’intensité carbone des navires qui vient d’entrer en vigueur, environ 40 % des flottes de pétroliers, vraquiers et porte-conteneurs seront classés D ou E si les navires sont toujours en activité en 2026.

« Après des années sans démantèlements, nous pensons qu’il va y avoir un retour en force », admet Simon Heaney, responsable de la recherche sur les conteneurs chez Drewry, qui prévoit la démolition de 600 000 EVP l’année prochaine, soit 2,5 % de la capacité de la flotte. Un niveau comparable à celui de 2016, période de sinistre mémoire au cours de laquelle la guerre des prix, auquel le secteur s’était livré durant un an et demi, a précipité la faillite de Hanjin, pourtant septième transporteur de conteneurs mondial. En cause, surcapacité et focalisation sur les prix bas.

Les compagnies de transport par conteneurs pourraient être rattrapés par leurs vieux réflexes alors que le Nouvel An chinois, du 22 au 27 janvier 2023, coïncide avec la chute de la demande et l’arrivée de nouveaux navires.

« Comme les transporteurs ont récolté des bénéfices massifs pendant la pandémie, certains pourraient être tentés de baisser les prix afin de remplir leurs navires pendant une période difficile », estime Sea-Intelligence.

Or la situation n’est pas en tous points comparable. Á l’époque, Maersk, qui avait été le premier à défendre ses parts de marché, affichait des pertes de 376 M$.

Désarmer les navires

S’ils ne peuvent pas influencer la demande, les transporteurs sont en mesure de maintenir un équilibre serré entre l’offre et la demande de fret en ajustant les capacités. Pour l’ensemble de l’année 2023, Drewry table sur le fait que 5,8 % des porte-conteneurs seront hors ligne. L’immobilisation des navires avait été « l’un des principaux outils utilisés en 2009 pour faire face à l’effondrement de la demande », rappelle Simon Heaney. Durant cette année de crise financière, près de 10 % de la flotte mondiale était restée à quai. En 2016, autre année difficile, le taux de navires immobilisés avait été de l’ordre de 6,6 %.

Les transporteurs semblent résister cette fois. La capacité offerte dans la période encadrant le Nouvel An chinois (estimée à 1,35 MEVP) sera « plus élevée que la celle déployée en 2021, lorsque la demande était en plein essor », a calculé Sea-Intelligence. Le nombre de voyages à vide devrait être aussi plus faible par rapport à cette période. En fait, seules les routes entre l’Asie et la Méditerranée affichent une réduction de capacité similaire aux années normales d’avant la pandémie.

Pour l’instant, les blank sailing n’ont pas permis d’éviter la déroute des taux de fret. « Le défi est énorme pour faire disparaître cette surcapacité à moins d’un tour de magie », indique Patrik Berglund, le PDG de Xeneta, quand bien même les réglementations EEXI et CII pourraient absorber jusqu’à 10 % de la flotte en 2023, en envoyant un certain nombre à la casse.

Retarder les livraisons

Les transporteurs pourraient par ailleurs « jouer » avec l’agenda des livraisons. Entre 2008 et 2020, les livraisons réelles de porte-conteneurs n’auraient été conformes au calendrier prévu qu’à trois reprises. Le ratio n’a jamais dépassé 70 % sur la période 2009-2011 et a atteint son niveau le plus bas (59 %) en 2010. Drewry fait le pari que seuls 60 % des navires programmés seront mis à l’eau en 2023.

Quant à la limitation des vitesses, elle devrait être le grand joker de l’année, mais sans doute moins pour soutenir les taux de fret que pour se conformer aux nouvelles normes environnementales, l’indice d’efficacité énergétique des navires existants (EEXI) et l’indice d’intensité carbonique (CII) étant désormais en vigueur. Pour de nombreux analystes, la solution la plus rapide pour les respecter sera de limiter la vitesse. Le slow steaming, introduit par Maersk pendant la récession mondiale de 2008-2009, permettrait selon une étude de l’OMI de réduire d’environ 13 % les émissions.

Si l’ensemble de ces outils sont exploités, ils permettraient de faire tomber la croissance de l’offre des 34 % prévus à 11,3 %.

Quoi qu’il en soit, vouloir prédire le comportement de compagnies reste une science inexacte. Par le passé, elles se sont livrées à des stratégies contraires à leur intérêt et ce, de façon totalement consentie.

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