L’année 2022 a introduit des remous dans le long fleuve tranquille qu’est la croissance linéaire de la flotte mondiale de navires marchands.
À la fin de 2016, la capacité de transport de marchandises des navires marchands était de 1 201 millions de tonnes brutes. À la fin 2021, elle s’est établie à 1 374 millions de tonnes brutes, selon les données de Clarksons Research. Le taux de croissance annuel a ainsi varié entre 3,1 et 4,2 %, confirmant la relative stabilité.
Les choses pourraient toutefois changer pour les trois années à venir tant les commandes enregistrées de porte-conteneurs, de vraquiers et de méthaniers sont impressionnantes.
Toutes catégories confondues, les contrats engrangés par les trois principaux pays constructeurs – Chine, Corée du Sud et Japon – représentaient un peu moins de 10 % de la capacité de la flotte mondiale à la fin octobre 2022. En revanche, cette part a atteint 26 % pour les porte-conteneurs et 46 % pour les méthaniers.
5 % au vert
Le moment est particulier. Cette déferlante annoncée d’EVP sur le marché accroît certes la pression sur l’offre dans un contexte économique au bord de la récession. Mais plus encore, elle questionne dans la mesure où le choix d’une motorisation à base de combustibles fossiles prime toujours dans les nouvelles commandes, même si le GNL a considérablement élargi sa zone d’influence et le méthanol gagné de l’intérêt, principalement dans le secteur des conteneurs.
Si les armateurs ne sont manifestement pas convaincus par les garanties offertes par les carburants alternatifs, tant en termes d’acceptabilité par les régulateurs que d’exploitation, ils se sont engagés dans des investissements qui les embarquent en principe pour vingt ans au moins. Du moins dans la perspective d’un amortissement de leurs actifs.
« L’obsolescence avant terme devient critique », explique Richard Scott, directeur général de Bulk Shipping Analysis dans un long développement sur les changements majeurs de la flotte au cours de ces dernières années. « L’incertitude quant aux changements de réglementation freine les commandes de navires utilisant des carburants alternatifs et ce casse-tête pourrait persister pendant un certain temps ».
Si certaines entreprises se sont aventurées (Maersk avec le méthanol), la majorité des nouvelles commandes concernent en effet des navires se shootant encore aux combustibles fossiles.
Pour l’heure, le GNL profite des incertitudes qui entourent les autres options. Sous sa forme standard (car il évolue aussi très vite), le gaz naturel liquéfié reste un carburant de transition, la réduction des émissions de dioxyde de carbone étant limitée à 20 ou 25 %. Selon les données de Clarksons, arrêtées en octobre 2022, plus d’un tiers des nouveaux porte-conteneurs commandés seront au GNL contre seulement 24 unités au méthanol et 6 à l’hydrogène.
Á l’heure actuelle, seuls 5 % de la flotte mondiale peuvent naviguer avec des alternatives plus vertes alors que 23 % des émissions totales du transport maritime proviennent du seul segment des conteneurs.
Parmi les solutions les plus crédibles pour les armateurs figurent les biocarburants (aux ressources limitées), qui promettent des réductions des émissions de 19 à 88 % selon la matière première utilisée et, à plus long terme, l’hydrogène et l’ammoniac, qui pourraient être utilisés en outre dans des piles à combustible. Mais onéreuses, ces énergies ne seront pas disponibles avant un certain temps et seront concurrencées par d’autres secteurs qui subissent également des pressions réglementaires, comme l’aviation.