Des entrepôts, des avions, des terminaux, des navires… L’armateur français de porte-conteneurs a les moyens financiers de faire feu de tout bois. Il investit tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement. L’ensemble de ses activités a soldé le troisième trimestre sur un chiffre d’affaires de 15,3 Md$ (dont 12,5 Md$ pour la seule activité maritime), en hausse de 89,4 % par rapport au troisième trimestre 2020, bien que les volumes transportés soient en baisse: 5,45 MEVP contre 5,69 MEVP au deuxième trimestre. Si ses volumes ont été sanctionnés par la congestion portuaire et les perturbations dans le transport maritime et terrestre, les taux de fret ont été à l’œuvre: le revenu moyen par EVP s’est établi à 2 293 $ alors même que ses coûts d’exploitation ont été grevés par les coûts de manutention portuaire et de soute qui se sont largement renchéris, l’un en lien avec la désorganisation des quais, l’autre avec la remontée du cours du brut.
CMA CGM fait partie des compagnies qui profitent le plus de la vigueur des prix du transport du fait de son positionnement sur le trade actuellement le plus lucratif des grandes lignes Est-Ouest. Sa capacité hebdomadaire moyenne sur le marché transpacifique était de 74 200 EVP en septembre avant même que la compagnie ne procède à des renforts. Elle se situait, à ce niveau, juste derrière Cosco/OOCL avec 89 050 EVP, son partenaire dans Ocean Alliance. De par leur antériorité sur ce marché, avec près de 25 % des capacités déployées, les numéros 3 et 4 mondiaux sont nettement avantagés. La française doit cette position à un héritage: le rachat du groupe singapourien Nol en 2015 qui comprenait la marque APL, compagnie spécialiste du marché américain.
Investir tous les maillons
Début décembre, le groupe de transport et logistique a annoncé le rachat au grossiste américain en matériel informatique Ingram Micro de ses activités d’e-commerce et de logistique contractuelle sur le continent américain, en Asie-Pacifique et en Europe. Avec le rachat de Commerce &Lifecycle Services, pour laquelle il a décaissé 3 Md$, le groupe français propulse sa filiale Ceva, selon ses déclarations, à la quatrième place mondiale de la logistique contractuelle. CMA CGM absorbe ainsi un ensemble de 1,7 Md$ de chiffre d’affaires, qui emploie 11 500 salariés et compte 59 entrepôts. Ensemble, Ceva et CLS vont totaliser 1 100 sites dans 160 pays et 90 000 emplois. Et le 3PL français étoffe ainsi son portefeuille dans les segments de la high tech, de la distribution et de la mode, l’entreprise américaine ayant récemment décroché un contrat avec Zalando pour lequel elle va gérer le centre de traitement des commandes de Bleiswijk, près de Rotterdam. Le redressement de Ceva est lent, mais cette société en pertes nettes avant son acquisition par le groupe marseillais est sur une trajectoire de croissance. Ainsi, l’Ebitda a progressé de 63 % au troisième trimestre pour s’établir à 274 $ contre 210 M$ au deuxième trimestre. Son chiffre d’affaires a bondi de 55 % (2,9 Md$) dans un contexte de marché hyper favorable.
À l’occasion de la publication des résultats financiers du troisième trimestre, le conseil d’administration a validé la commande de quatre A350F, le nouveau freighter d’Airbus qui sera exploité par CMA CGM Air cargo appelée à devenir une « vraie compagnie ». Le groupe a déposé une demande de Certificat de transporteur aérien (CTA) auprès de la Direction générale de l’aviation civile française (DGAC) et s’engage à immatriculer et à baser ses nouveaux avions en France. Lancée en février 2021, la filiale aérienne, qui dispose à ce jour d’une flotte de quatre A330-200F, complétée à partir du printemps 2022 par deux B777F neufs, annonce aussi le recrutement dans les prochaines semaines de ses cinquante premiers pilotes de ligne. Avec cette première version « native » d’Airbus (non basée sur des conversions), CMA CGM Air Cargo renforce son offre long-courrier et complète son offre pour pouvoir répondre à la demande de différents types de fret, fait-elle valoir.
Retour à Los Angeles
Face aux chaos de la chaîne d’approvisionnement mondial, la compagnie de transport de conteneurs déclare avoir renforcé les capacités de sa flotte de près de 6 % en un an, avec, depuis le début de l’année, les livraisons de dix navires neufs en propriété, de trois de 15 000 EVP en affrètement et de 49 acquisitions. Elle a également étoffé ses équipements avec 800 000 boîtes supplémentaires sur 15 mois, totalisant 4,8 MEVP.
L’année aura aussi été celle des investissements dans la manutention portuaire mondiale et de ses premiers pas dans le rail, notamment en Espagne, et par la grande porte. En juillet, la société marseillaise a fait l’acquisition de Continental Rail, l’un des principaux opérateurs ferroviaires espagnols privés avec traction, plutôt bien positionné dans le transport intermodal de conteneurs entre les principaux ports espagnols. Quant à ses assets dans la manutention portuaire, ils sont en ligne avec sa stratégie d’offre de porte-à-porte. L’armateur a ainsi récupéré, auprès du fonds d’investissement EQT Infrastructure, Fenix Marine Services, l’un des terminaux du port de Los Angeles (capacité de 2,3 MEVP) dont il était actionnaire à hauteur de 10 % et qu’il avait détenu dans le passé. Il a signé un chèque de 2,3 Md$ pour acquérir un terminal qu’il avait revendu pour 875 M$.