Située à la croisée des axes shortsea nord/sud et est/ouest européens, la partie sud de la mer du Nord est une zone très fréquentée par les services rouliers ro-pax et pur fret. La liaison la plus directe entre les îles britanniques et le continent, qui passe par la Belgique et les Pays-Bas, ne fait pas exception à la règle. Ensemble, les quatre grands que sont Stena Line, P&O Ferries, DFDS et CLdN/Cobelfret, ainsi que des acteurs moins actifs sur cette liaison comme Transfennica, Finnlines et Grimaldi assurent chaque semaine plusieurs dizaines de traversées – le plus souvent en mode roulier pur fret – dans cette zone. Ils relient ainsi Zeebrugge, Anvers, Rotterdam/Hoek van Holland et Amsterdam/IJmuiden avec Harwich, Purfleet, Teesport, Tilbury, Felixstowe, Killingholme, Newcastle et Immingham au Royaume-Uni, Cork et Dublin en Irlande.
Zeebrugge et Rotterdam, dominants
Parmi ces trafics rouliers, Zeebrugge et Rotterdam occupent les positions dominantes. Amsterdam figure dans la liste uniquement en raison de la liaison ro-pax journalière assurée par DFDS sur Newcastle. Depuis Anvers, le Royaume-Uni n’était desservi en roulier qu’une fois par semaine jusqu’il y a peu, par Transfennica et Finnlines dans le cadre de services triangulaires axés principalement sur la Scandinavie. À Anvers, le roulier n’a représenté l’an dernier que 137 000 t sur un trafic total de 15 Mt avec le Royaume-Uni. À Zeebrugge, les échanges avec ce pays représentent près de 40 % du transbordement total, et le roulier y occupe une place prépondérante.
CLdN et P&O Ferries jouent la double carte de Rotterdam et Zeebrugge de manière intensive. Stena Line, quant à elle, n’est présente qu’à Rotterdam. Depuis l’arrêt de la liaison sur l’Écosse en 2018, pour ce qui concerne la desserte du marché britannique, DFDS n’est plus actif à Zeebrugge que par le biais d’un service avec des navires non-rouliers sur Immingham.
Offre globalement stable
Malgré le Brexit et la crise sanitaire, l’offre en termes de services n’a finalement que peu bougé au cours de l’année écoulée, ce qui s’explique notamment par le regain sensible des volumes de fret après un creux prononcé (mais finalement relativement bref) au deuxième trimestre 2020. La plupart des routes sont restées en opération. Et si les rotations n’ont pas été modifiées, les capacités et les fréquences ont souvent été augmentées.
DFDS, par exemple, aligne désormais deux de ses nouveaux navires de 6 700 mètres linéaires entre Rotterdam et Immingham. Stena Line avait déjà développé sa capacité sur Killingholme début 2020, un service qui va passer l’an prochain au port voisin d’Immingham. Sur Dublin, CLdN est passé à cinq départs exclusivement rouliers par semaine depuis Rotterdam et à trois depuis Zeebrugge. D’autres services du groupe ont connu eux aussi une montée en puissance.
La principale victime du coronavirus a été le ro-pax que P&O Ferries exploitait entre Zeebrugge et Hull qui a cessé d’exister à la fin 2020 du fait de l’impact de la pandémie sur les flux de passagers. Le port côtier belge assure vouloir lui trouver un successeur mais la recherche d’un opérateur intéressé n’a pas encore abouti. La disparition du service signifie que, contrairement à Rotterdam avec Stena Line et P&O Ferries, Zeebrugge n’offre plus pour l’heure de liaisons passagers avec le Royaume-Uni.
Nouveaux services sur l’Irlande
À l’inverse, le Brexit a suscité l’apparition de deux nouveaux services sur l’Irlande. Ceux-ci sont le fait d’armements qui n’opèrent ni sur le transmanche, ni sur la mer d’Irlande (dans le prolongement du pont terrestre qui traverse l’Angleterre depuis les ports de sa côte orientale), ni sur des liaisons entre l’Irlande et la France. CLdN a lancé en mai 2020 un nouveau service entre Zeebrugge et le port de Cork sur la côte sud de l’Irlande. Sa fréquence a été doublée en début d’année. En mai dernier, Grimaldi a démarré un service roulier depuis sa plaque tournante d’Anvers vers Cork au rythme de deux rotations par semaine avec un navire d’une capacité de 3 850 mètres linéaires. Le groupe italien a annoncé dès le départ son intention de renforcer à terme la capacité et la fréquence de ce service feeder, ce qui impliquerait un deuxième navire.
Essor du trafic non-accompagné
Malgré le Brexit et la pandémie, les volumes sont en nette hausse. Le trafic accompagné fait figure de moteur de cette croissance, souligne notamment Florent Maes le PDG de CLdN. Mario Vanlancker, sales manager chez Transfennica, fait état entre Anvers et Tilbury d’une hausse notable des volumes « third party » qui ne constituent qu’un appoint aux trafics de base pour la compagnie scandinave.
Kell Robdrup, qui dirige la division North Sea South de DFDS Ferry, ne peut que confirmer cette tendance: « La prévision d’un glissement de volumes vers les routes non-accompagnées s’est vérifiée. »
Il est désormais question selon lui d’une augmentation significative qui devrait encore se renforcer quand entreront en vigueur les nouvelles règles douanières entre l’UE et le Royaume-Uni en date du 1er janvier prochain. En outre, la situation du côté du transport routier accompagné va encore se compliquer du fait des mesures décidées par l’Europe en matière de mobilité. « Elles se traduiront par une flexibilité réduite pour le trafic accompagné et par un renchérissement des temps de conduite », estime-t-il. À ses yeux, la principale pierre d’achoppement à l’essor du trafic réside dans la capacité de traitement des terminaux dans les ports britanniques. « Beaucoup sont déjà à la limite de la congestion. Cela met aussi un frein au développement de nouveaux services. »
Chez Stena Line, le porte-parole Simon Palmer se dit quant à lui convaincu que le pont terrestre via l’Angleterre n’a pas dit son dernier mot, surtout pour le trafic intracommunautaire entre l’Irlande et les autres pays de l’Union européenne. Un grand chargeur irlandais serait déjà repassé à cette route avec tous ses volumes après avoir constaté que les exigences à remplir en matière de documentation et de procédures pour le transit via le Royaume-Uni ne pose pas de grands problèmes.