Transmanche: temps difficile et nouveautés pour le roulier français

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Les opérateurs du transport maritime se seraient bien contentés du seul Brexit sans avoir à gérer la crise sanitaire. La combinaison des deux a révélé les réelles fragilités du secteur. Le roulier des îles britanniques restera néanmoins un des piliers européens du marché transmanche avec une nouvelle donne: celle des connexions directes avec l’Irlande.

On savait que le Brexit, effectif au 31 janvier 2020, constituerait un cap pour le roulier transmanche. C’était sans compter avec le choc de la crise pandémique. On en connaît maintenant les effets, entre confinement et réouverture, en termes de trafic de fret (en léger recul) et de passagers (un effondrement).

Néanmoins, la crise du covid-19 reste un évènement que l’on qualifiera de conjoncturel alors que le Brexit établit une situation structurelle. Il ne peut être appréhendé à l’aune de l’arrivée du tunnel sous la Manche mais représente, à l’instar de la fin du duty-free en 2000, un élément perturbateur pour le secteur.

Paradoxalement, cette crise aura presque rendu invisible le cataclysme attendu dans le Kent et le Calaisis face à la nouvelle barrière continentalo-britannique. Depuis un an et demi, les deux pays s’affairent à adapter leur procédures dans une perspective post-Brexit et l’année 2021 sera celle de la livraison du nouveau grand port roulier de Calais.

Le Brexit ne devrait pas épargner les opérateurs d’un recul économique prévisible tant sur le passager que sur le fret. La crise s’en est chargée. Quoi qu’il en soit, le roulier sur le marché des îles britanniques va rester un des principaux marchés européens du secteur avec une nouvelle donne liée aux connexions directes avec l’Irlande.

« Strait for ever »

Le détroit garde sa totale pertinence comme passage le plus court, en concurrence (ou complémentarité) avec le tunnel sous la manche (40 % sur le fret). Depuis la disparition de SeaFrance puis de MyFerrylink, le détroit est le lieu d’un duel dano-britannique entre Stena et P&O Ferries. Le marché maritime de Douvres représente de 2 à 2,5 millions d’unités de fret (UF) selon la santé économique du royaume.

P&O Ferry est le leader historique du transport de marchandises comme du passager avec un seul service Douvres-Calais, les autres services sont à Zeebrugge et Rotterdam. La compagnie, passée comme tout le groupe P&O Ports dans le giron de DP World, doit recevoir en 2023 et 2024 deux nouveaux grands ferries de 230 m commandés en Chine. L’annonce a été perçue comme une confirmation de l’engagement de la maison-mère de Dubaï à un moment où l’on pouvait en douter, la crise sanitaire laminant le ferry.

L’autre grand acteur du détroit, DFDS, a acquis Norfolkline en 2005 pour devenir l’opérateur de Dunkerque puis, a repris la position « française » de Calais en 2015 voire l’épaulement sud de Dieppe où fonctionne encore la DSP du conseil général de Seine-Maritime. L’année 2021 sera sous le signe de la nouveauté avec l’ouverture du nouveau port de Calais, la mise en service du Côte d’Opale, un car-ferry fabriqué en Chine, propriété de Stena Roro, affrété à long terme par DFDS et sous registre tricolore, enfin le nouveau service Calais – Sheerness en non accompagné de l’armateur danois.

« Irish factor »

Les nouvelles lignes directes entre le continent et l’Irlande ont pour vocation de détourner du landbridge britannique, la fameuse route commerciale reliant l’Irlande au continent via les routes et ports britanniques, désormais astreinte à un retour des contrôles aux frontières et de procédures douanières après quarante-sept ans de transport sans coutures.

Irish Ferries (Irish Continental Group) a annoncé son arrivée sur le Douvres-Calais en juin 2021 avec une offre dite compétitive via ses services Pays de Galle-Irlande. L’idée doit faire ses preuves mais d’ores et déjà l’arrivée irlandaise inquiète les syndicats et a eu pour effet de provoquer une alliance entre P&O et DFDS sous la forme d’un affrètement de capacités.

L’offre en mer du Nord vers l’Irlande est désormais pléthorique avec Cobelfret à Rotterdam et Zeebrugge, Grimaldi à Anvers et DFDS à Dunkerque. Le groupe danois a débuté un service depuis le port nordiste vers Rosslare avec quatre navires en janvier 2021.

Cherbourg, le port historique vers l’Irlande, devient une pièce maîtresse de la recomposition des services. Le port normand suscite l’intérêt de trois opérateurs: Brittany Ferries (Rosslare), Irish Ferries (Dublin) et Stena qui a dédoublé son offre (Dublin, Rosslare). Le port breton Roscoff avait perdu en 2019 la ligne Irish Ferries pour Dublin mais conserve naturellement la ligne historique de Brittany Ferries sur Cork. En février, la compagnie bretonne a ajouté un service orienté fret entre Saint-Malo et Cork.

La base de trafic est simple, estimé à 1,2 million d’unités de fret roulant en 2019. Une grande part est due aux échanges de la République d’Irlande avec la Grande-Bretagne qui coexiste avec un trafic de landbridge via le Royaume-Uni entre l’Irlande et le continent. Selon une étude de l’Irish Maritime Development Office datant de 2018, il y aurait 150 000 UF à rapatrier entre Cherbourg, Dunkerque et les ports belgo-néerlandais.

« Atlantic system »

La ligne Bilbao-Roscoff-Rosslare apporte une nouvelle corde à l’arc atlantique qu’a construit dans le temps Brittany Ferries. Le groupe breton, chahuté par le Brexit et la crise pandémique, s’est néanmoins taillé une place d’opérateur roulier de l’ouest européen avec des ports français (cinq), anglais (trois), irlandais (deux) et espagnols (deux).

Historiquement implanté en Espagne à Santander, le port basque de Bilbao a été ajouté à son tableau de chasse en 2010. Avec le rachat de Condor Ferries (2020) pour les îles anglo-normandes et la connexion hispano-irlandaise, le réseau de Brittany Ferries s’est encore étendu.

Il est difficile de prévoir les évolutions futures sur un marché aussi mouvant. Beaucoup espèrent que l’estuaire de la Loire fera un jour figure de port du réseau d’autoroute de la mer de Brittany Ferries. Le Portugal (évoqué en mai 2021) et le Maroc pourraient également être connectés avec l’Europe du nord-ouest. Quoi qu’il arrive, l’européanisation est la voie de l’avenir pour la compagnie bretonne.

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