Après le naufrage, l’industrie du ro-pax espère un renflouement

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La vague scélérate du Covid-19 a frappé durement la filière aussi bien dans le nord Europe qu’en Méditerranée avec des licenciements et de lourdes pertes financière. L’approvisionnement en marchandises a permis de limiter la casse. Pour 2021, les clignotants restent plus ou moins au rouge selon les régions.

Spectacle désolant que ces cargos mixtes alignés à l’ancre durant les longs mois de 2020. « Le covid a vidé les caisses et stoppé des lignes! Les plus affectés ont été des navires à forte proportion de passagers. Certaines compagnies, comme l’ENTMV, ont suspendu leurs opérations depuis près de deux ans. L’entrée en flotte du Badji Mokhtar III semble compromise pour cette saison », réagit Bruno Jourdan-Barry, courtier en ro-pax chez BRS. Il y deux mois, poursuit-il, « P&O a vendu deux navires à GNV pour 12 M€ alors que la compagnie en réclamait initialement 14 M€ l’unité. Compte tenu des coûts d’exploitation journaliers de plusieurs milliers de dollars, la compagnie n’avait probablement d’autres choix. » Dans ce panorama, la République d’Irlande sort de la crise sanitaire et surtout du Brexit au coeur des enjeux avec l’ouverture de nouvelles lignes. Membre de l’UE, le pays a tout intérêt pour ses échanges avec le continent à contourner le Royaume-Uni, afin d’éviter les nouvelles formalités, les coûts élevés et les retards résultant du passage des marchandises par le Royaume-Uni.

Fret et passagers, un jeu d’équilibriste

Selon l’association des ports européens, l’activité passagers de lignes régulières a chuté en 2020 de 50 %, voire 70 % dans les ports de Méditerranée adhérents de l’association Medports. « Les ports italiens et espagnols ont particulièrement souffert. En Méditerranée, la diminution des rotations des ro-pax a eu un impact sur le fret, en recul de 21 % au deuxième trimestre 2021 et de 11 % en Baltique. Cette zone reste encore soumise à d’importantes restrictions en raison des quarantaines imposées au Danemark, en Norvège et Finlande », analyse Isabelle Ryckbost, déléguée générale de l’ESPO. Stena Line s’est concentrée sur le fret pendant la pandémie et a continué à naviguer sur toutes les routes à travers l’Europe, à l’exception d’Oslo-Frederikshavn et de Trelleborg-Sassnitz, fermées en 2020.

L’armateur suédois a joué les équilibristes pour ne pas sombrer. « Le fret nous a permis de nous maintenir à flot ». La compagnie a bénéficié du soutien public de la Suède, de l’Allemagne et la République d’Irlande pour garantir l’approvisionnement. « Dans l’ensemble, nous avons continué à naviguer. Le nombre de passagers était de 50 à 75 % inférieur à celui de 2019 selon les itinéraires. Les volumes de fret ont initialement diminué au pic de la pandémie (avril-mai 2020), mais depuis l’été 2020, nous avons constaté une forte demande et ce, dans toutes les régions », poursuit la direction de Stena Line. Malgré les 25 000 traversées assurées en 2020 sur 17 routes, la compagnie a dû licencier un quart de ses effectifs, soit 1 400 salariés.

Des situations très contrastées

Brittany Ferries a bénéficié du dispositif de chômage partiel en France et de son équivalent au britannique, « furlough ». Nénamoins, la situation demeure fragile pour la compagnie bretonne, qui après avoir été ballotée par les tergiversations du Brexit s’est vu infliger le couperet du Covid. Ses ferries à quai, il a dû compter sur le seul fret alors que 80 à 85 % de son chiffre d’affaires repose en temps normal sur l’activité passagers avec essentiellement une clientèle britannique. « L’an dernier, nous avons perdu la moitié de notre chiffre d’affaires et enregistré une perte de 140 M€. Nous avons eu recours au PGE pour nous aider à traverser cette période difficile, mais nous avons besoin de plus de soutien du gouvernement pour traverser une saison estivale qui s’annonce encore pire que l’année dernière », commente la compagnie.

C’est dans ce contexte d’incertitudes quant à l’évolution de la crise sanitaire que les ferries et cargo-mixtes ont repris la mer en mai 2021. Avec des situations très contrastés selon qu’ils opèrent au nord ou au Sud de l’Europe voire même selon les compagnies d’une même zone. Stena Lines peut compter sur une redressement du trafic passagers et table pour 2021 sur un taux de fréquentation de ses lignes 70 % par rapport à 2019, année de référence.

Pour Brittany Ferries, la reprise n’est pas au rendez-vous. « La France est toujours classée en liste orange par le Royaume-Uni, tout comme l’Espagne, notre second marché. Tant que ce sera le cas, les voyageurs britanniques resteront chez eux. D’autre part, Emmanuel Macron a invité les Français à passer leurs vacances en France cette année. Ces signaux de part et d’autre de la Manche exercent une pression supplémentaire sur la compagnie », souligne l’armement français.

Les compagnies sont de surcroît confrontées aux procédures sanitairess – contrôles des pass sanitaire, vérification de la validité des tests PCR et antigéniques etc., – qui ralentissent les opérations. « Nous avons redémarré très vite notamment à l’international sur l’Italie et la Sardaigne ce qui permet de rattraper le retard sur l’axe France-Italie. L’Espagne a rouvert plus tôt et nous avons avons enregistré du trafic fin avril », souligne Pierre Mattei, président de Corsica Ferries qui dessert Majorque et Minorque depuis Toulon. La compagnie a été l’une des rares à avoir acheté un car-ferry en cette période tourmentée. Elle aurait déboursé près de 20 M€ dans l’achat d’un navire datant de 1981 offrant une capacité de 2 500 passagers et 1 000 mètres linéaires.

Sète, tête de pont vers le Maroc

« En mars 2021, le gouvernement marocain a autorisé les rotations avec Gènes et Sète donc nous avons repris les liaisons sur Tanger et Nador, souligne le directeur commercial du port de Sète Arnaud Rieutord. Compte tenu de la fermeture de l’Espagne, nous avons bénéficié du report d’escales de GNV et Balearia ».

Historiquement positionnée sur la Corse, La Méridionale a ouvert en octobre 2020 un service Marseille-Tanger à raison de trois rotations par semaine assurées par le Girolata. « Nous avons connu des débuts prometteurs, les passagers et le fret étaient au rendez-vous. Mais, depuis le 1er février, les frontières sont fermées dans les deux sens et nous assurons pour l’instant des traversées de rapatriement du Maroc vers la France », explique la direction du groupe STEF.

Malgré la crise, les investissements dans la transition énergétique se poursuivent. Stena Lines a lancé trois navires économes en énergie E-Flexer en mer d’Irlande et annoncer d’ici à 2030, l’arrivée d’un navire entièrement alimenté par batterie. Corsica Linea attend pour 2022 son premier navire au GNL actuellement en construction chez Visentini.

L’activité ro-pax pourrait subir de nouvelles perturbations à compter de mai 2022, date d’entrée en vigueur de l’European Travel Information and Authorization System (ETIA) pour les non ressortissants de l’UE. Même s’il est électronique, ce dispositif ne dispensera pas de procédures à l’arrivée dans la zone Schengen.

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