Dans l’ensemble, depuis le début de l’année, tous les vraquiers gagnent de l’argent, beaucoup d’argent, et cela faisait longtemps qu’ils n’avaient pas connu une telle fortune. Ils connaissent en cela une trajectoire diamétralement opposée à leurs homologues des vracs liquides, les pétroliers qui couvrent à peine leurs coûts d’exploitation.
Les plus grands navires du segment, les capesize qui transportent le plus souvent des cargaisons de 150 000 t telles que du minerai de fer et du charbon ont démarré dans l’euphorie. Ils s’arrachaient à 26 000 $/j à la mi-janvier avant de retomber à 10 300 $ à la mi-février mais de rebondir mi-avril à leur plus haut niveau pour atteindre 25 976 $. Les supramax (45 000 à 60 000 tpl) et les panamax (65 000 à 90 000 tpl) ont également été bien rétribués, à 20 700 et 18 800 $/j respectivement.
Bien orienté, le marché redonne de l’appétit et délie les bourses. Dans un de ses rapports hebdomadaires, le courtier Allied Shipbroking s’étonnait de la vigueur des commandes. « La hausse des taux de fret, l’équilibre plus sain entre l’offre et la demande et le sentiment qu’une grande partie des conséquences de la pandémie ont été épongées semblent avoir contribué au regain d’intérêt pour les nouvelles commandes ».
Quatre cent commandes de moins
La pandémie avait douché les intérêts. Seuls quelque 200 navires ont été commandés en 2020, soit bien moins que la moyenne annuelle de 600 navires observée sur la période 2010-2019.
Le BIMCO, organisation maritime qui représente les armateurs de tous les segments du marché, s’attend à ce que la livraison de nouveaux navires atteigne cette année le niveau le plus élevé depuis 2016. Parallèlement, près de 12,5 Mtpl ont été retirées du marché. La croissance nette du tonnage devrait donc se stabiliser à un peu moins de 4 %. Plus de la moitié des navires envoyés à la casse sont parmi les plus grands: 24 VLOC pour une capacité totale de 6,7 Mtpl.
« Ce qui a été livré en 2020 a fait l’objet de contrats signés entre 2017 et 2019 et ce, dans un marché où tous les chantiers navals ont commencé à enregistrer moins de commandes. Ils ont été signés avec des conditions financières laissant à l’armateur le soin de régler à la livraison », explique Peter Sand, l’économiste du BIMCO. Or, les chantiers n’ayant reçu que peu de commandes l’an dernier et pour lesquels les armateurs n’ont eu à payer que 10 à 20 % de la valeur du contrat à la signature, « ont accéléré les livraisons pour empocher les montants dus. D’où des livraisons en nombre ». Le BIMCO estime que le carnet de commandes s’élève actuellement à près de 50 millions de tpl dont la moitié sera livrée en 2021.
« Dans le secteur du vrac sec, le sentiment positif qui domine le marché, soutenu par la hausse des revenus du fret, a stimulé l’intérêt des acheteurs. Début mars, nous avons noté un appétit très intense pour les capesize mais étant donné le coût élevé et le manque de flexibilité des unités de cette taille, nous ne nous attendons pas à ce que l’activité se maintienne à ces niveaux », prévoit Allied Shipbroking. Pour le courtier, les ultramax et les kamsarmax devraient conserver leur position d»option de construction neuve préférée dans ce secteur.
« Les perspectives du marché restent encourageantes mais le nombre croissant de nouvelles commandes suscite quelques inquiétudes quant à l’équilibre futur entre l’offre et la demande. La hausse des prix des nouvelles constructions devrait cependant finir par freiner les appétits », se rassure le courtier.