L’appétit de la Chine pour le blé mondial est en forte hausse. Les céréaliers français et est-européens s’en frottent les mains depuis quelques mois mais ils ne sont pas les seuls. Le 10 septembre, le géant asiatique en avait déjà acheté 1,47 Mt aux fermiers américains, soit une augmentation de 2 357 % par rapport à 2019 et pratiquement autant que les 1,6 Mt acquis durant toute la campagne 2016-2017 avant que n’éclate la guerre commerciale entre les deux pays. Et ce n’est sans doute pas fini. D’une part parce qu’à la fin septembre, la Chine n’avait encore importé que pour 23,6 Md$ de produits agricoles américains sur l’année alors qu’elle s’est engagée sur un montant de 36,6 milliards dans le cadre de l’accord conclu en janvier. Mais aussi et surtout parce qu’elle en a besoin. Premier producteur et consommateur de blé au monde, la Chine voit en effet sa récolte se réduire car les autorités incitent les fermiers des régions arides du Nord à se tourner vers d’autres cultures afin de préserver les nappes phréatiques. Par ailleurs, d’autres paysans se reconvertissent vers les productions légumières plus rémunératrices. Les données du département américain de l’Agriculture (USDA) et du China National Grain and Oils Information Center se recoupent: la Chine importera 6 Mt de blé sur la campagne 2020-2021. La précédente s’était soldée par un volume de 4 Mt, atteignant ainsi le plus haut niveau depuis 2013-2014. L’Europe, la Russie, le Kazakhstan et l’Amérique du Sud en profiteront a fortiori si le boycott du blé australien se poursuit.
Entorse à l’autosuffisance
Cette forte demande chinoise n’est pas étrangère à l’évolution des prix du maïs, qui grimpent en Chine en raison de la restauration des cheptels de porcs et de volailles et d’une récolte affectée par les typhons et la sécheresse. Dans certaines régions, il est même plus cher que le blé alors privilégié par les éleveurs. Au point que le blé d’alimentation animale pourrait augmenter de 4,5 Mt pour atteindre 20 Mt.
Alerté par la hausse du prix et la réduction sensible de ses stocks dits stratégiques, Pékin réfléchirait à augmenter son quota d’importation de maïs à droits de douanes réduits de 7,2 Mt actuellement à 30 Mt pour la campagne 2020-2021. La Chine deviendra alors le premier importateur mondial. Une entorse à sa stratégie d’autosuffisance. Dans un rapport en date d’octobre, le représentant du département américain de l’Agriculture à Pékin confirmait cette hypothèse en affirmant que la National development and reference Commission, chargée de définir les quotas d’importations, recommandait bel et bien une hausse de 20 Mt. Sans attendre, les importateurs chinois ont déjà réservé pour 12 Mt aux États-Unis, dont 3,7 Mt déjà exportés, et pour 5 Mt ailleurs, en particulier en Ukraine.
La Chine a faim et son appétit se porte aussi sur les viandes. Le géant asiatique est sur le point de conclure un accord avec l’Argentine pour y investir 3,8 Md$ en six ans dans 25 élevages géants de porcs, dont elle achèterait la totalité de la production de viandes congelées, estimée à 900 000 t par an. Pour l’heure, la production argentine de porc est de l’ordre de 60 000 t dont 18 000 t sont exportées à 60 % vers la Chine.