Zéro. Le trafic céréalier du port de Sète est au point mort cette année. En 2019, 8 175 t de céréales ont transité contre 24 638 t en 2018. « La dernière campagne a été catastrophique, avec seulement quatre ou cinq navires. Sète n’a pas d’hinterland pour le trafic de céréales », explique José Hernandez, responsable d’exploitation de Centre Grains à Sète. « Le canal de Rhône à Sète est de moins en moins praticable pour les péniches. Par ailleurs, la Russie et l’Ukraine proposent des céréales de meilleure qualité. » La nouvelle campagne? « Je ne vois pas trop ce qu’il y aura à l’export, face aux pays émergents, qui peuvent utiliser des produits dont nous ne pouvons plus faire usage en France. »
À Port-la-Nouvelle, les volumes ne sont pas non plus au rendez-vous, avec environ 200 000 t projetées cette année. Loin du tonnage exporté en 2011, à 800 000 t. Port-la-Nouvelle perd sa place de premier port céréalier français en Méditerranée et de port national exportateur de blé dur. Il est pourtant situé face à l’Afrique du Nord, dont les pays sont très demandeurs. Les dernières statistiques témoignent de l’accélération de l’érosion: 316 000 t en 2018, 247 000 t en 2019 et 165 000 t à fin octobre (– 35 % par rapport aux 10 premiers mois de 2019). Lors de la dernière campagne, des toxines sont apparues dans les céréales, les rendant impropres à la consommation humaine. « Beaucoup de blés ont été déclassés et routés vers l’alimentation animale. Les exportations ont pâti de ce problème de fusariose [maladie fongique des végétaux, NDLR] », indique Laurent Mouillie, directeur du port.
Concurrence et concentration
La concurrence des céréales ukrainiennes et russes et les aléas n’expliquent pas, à elles seules, le déclin des céréales dans les deux principaux ports de commerce d’Occitanie. « À une période, 200 000 t de céréales arrivaient chaque année par wagons du centre de la France. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ce trafic est dirigé vers Fos-sur-Mer [où Cérévia a doublé ses capacités de stockage en 2015, NDLR] et vers La Rochelle, où le groupe Soufflet s’est doté d’un terminal neuf de stockage, triplant sa capacité », analyse une source proche du port de Port-la-Nouvelle, qui souhaite conserver l’anonymat. « La concurrence de Fos et La Rochelle fait de plus en plus mal à Port-la-Nouvelle, qui a perdu la confiance de certains circuits commerciaux en raison de teneurs en protéines ne correspondant pas toujours aux commandes initiales. » La qualité et la performance logistique priment. « Un fabricant de pâtes alimentaires, dont le métier est de plus en plus compliqué en raison d’une traçabilité extrême, cherche avant tout de bons blés durs, des navires performants et des capacités de stockage. »
La concentration du marché céréalier, désormais aux mains de quelques mastodontes (Axéréal, InVivo, Cargill…) « fait que les grandes coopératives sont devenues des opérateurs financiers. Silos du Sud, opérateur à Port-la-Nouvelle, fait partie du groupe Axéréal. Peut-être que la maison-mère n’encourage pas vraiment sa filiale à se dépasser… »
Quel avenir pour ce terminal et ses trois silos d’une capacité totale de 75 600 t? L’extension du port, décidée par la Région Occitanie (propriétaire de l’infrastructure), pourrait faire émerger, à l’horizon 2025, « une nouvelle chaîne céréalière, indépendante, non liée à des grands groupes ». Le JMM n’a pu joindre dans les temps Hervé Cifai, dirigeant des Silos du Sud.
NDLR:
Dunkerque fait partie des ports céréaliers qui comptent en France. Mais il n’a pas été donné suite à nos demandes.