Rouen a réalisé une campagne d’exportation 2019-2020 exceptionnelle pour les céréales avec 9,87 Mt chargés en sortie des silos portuaires. Le port normand, avec ce tonnage dépassant de plus d’1 Mt son précédent record, confirme sa place de premier exportateur de céréales pour la France, devant La Rochelle et Dunkerque, totalisant à lui seul 49 % des exportations maritimes françaises. Il est également le second port de l’UE derrière le roumain Constana tandis que dans le reste de l’Europe, les ukrainiens Odessa et Marioupol et le russe Novorossiisk totalisent chaque année 8 à 9 Mt d’exportations. Premier opérateur portuaire céréalier de Rouen, Senalia a chargé à lui seul 5,28 Mt de céréales au cours de la campagne 2019-2020. Il s’agit d’un nouveau record, après celui de 2015-2016 où Senalia avait expédié 5,21 Mt.
« La récolte française 2019, d’un bon niveau en qualité comme en quantité, a répondu à une demande mondiale forte, renforcée en deuxième partie de campagne par la volonté de stocker à cause de la crise sanitaire », explique Manuel Gaborieau, responsable commercial de la filière agroalimentaire pour Haropa. Les prix très compétitifs des céréales françaises ont permis à Rouen d’exporter de forts volumes vers ses destinations historiques: 3,9 Mt vers l’Algérie, 2,2 Mt vers le Maroc, 1,2 Mt vers l’Afrique de l’Ouest ou encore 900 000 t vers la Chine. Les exportations ont en revanche été faibles vers l’UE, où les récoltes avaient aussi été abondantes dans l’ensemble. La campagne a été marquée par les importantes exportations de blé vers la Chine, alors que 80 à 90 % des expéditions rouennaises vers ce pays concernaient précédemment de l’orge de brasserie.
Les blés russes en embuscade
Du fait de la faible récolte française de l’été 2020, l’activité est réduite: de début juillet à fin septembre, seulement 1,37 Mt d’orges et de blé a été chargée à Rouen, soit 25 % de moins que l’année précédente. La Chine confirme son appétit pour les céréales françaises et a remplacé en début de campagne l’Algérie en tant que client numéro un du port normand. Avec 720 000 t expédiées à fin septembre, la Chine concentre à elle seule plus de la moitié des exportations rouennaises. « L’orge représente près des deux tiers de ces chargements à destination de la Chine mais c’est en train de changer car, depuis septembre, nous chargeons beaucoup de blé », précise Manuel Gaborieau. « Fin 2020, nous aurons probablement expédié plus de blé que d’orge vers la Chine. » L’Algérie, avec seulement 250 000 t de blé chargées en trois mois, devient le deuxième client de Rouen, tandis que les volumes sont aussi en retrait vers les autres destinations, européennes ou extra-européennes. Les blés baltiques en début de campagne ont fait de l’ombre à Rouen. Mais étant limités par les capacités, ce sont surtout les origines russes qui seront présents en Algérie et en Afrique de l’Ouest, deux destinations privilégiées des céréales sortant du port normand. « Nous espérons reprendre des parts de marché dans les mois qui viennent, le blé français redevenant compétitif par rapport à la mer Noire, dont le prix a fortement augmenté ces dernières semaines », explique Manuel Gaborieau. « Notre force est d’avoir des zones de production céréalière proches des ports: pour Rouen comme pour La Rochelle ou Dunkerque, les champs sont à moins de 300 km. En Russie, même s’ils ont aujourd’hui des équipements portuaires très performants pour le chargement des navires, l’acheminement terrestre pose encore problème. »
Des accès nautiques améliorés
La massification du pré-acheminement des céréales vers les silos portuaires est un des points forts de Rouen. Le fluvial gagne du terrain, sa part modale atteignant aujourd’hui 25 % grâce à des investissements réalisés en amont, sur le bassin de la Seine, pour l’embranchement fluvial des silos coopératifs. Des investissements ont aussi été réalisés par les exploitants de silos maritimes pour décharger plus rapidement les bateaux fluviaux. Le recours au transport fluvial, passé de 10 à 25 % de part modale en vingt ans, s’est fait en partie au détriment de la route, dont la part a perdu cinq points (65 %) mais surtout du ferroviaire qui n’achemine plus que 10 % des céréales. Port de fond d’estuaire, Rouen a engagé depuis de nombreuses années un ambitieux programme d’approfondissement de la Seine pour améliorer ses accès nautiques et porter son tirant d’eau de 10,3 m à 11,3 m. Il accueillait déjà des panamax mais ne pouvait les charger qu’à 42 000 ou 43 000 t. Le chargement maximal atteint désormais 53 000 t, selon la forme du navire, ce qui n’évite pas aux vraquiers de compéter leur chargement à Dunkerque ou à La Rochelle. Les quais aussi nécessitent des travaux pour être au gabarit du chenal. Cela a été réalisé début 2019 pour les installations Senalia. C’est en cours actuellement pour les silos Soufflet. Les opérateurs, dans ces deux cas, en profitent pour moderniser leurs installations et s’équiper de nouveaux portiques. Avec des cadences de chargement de 800 à 3 000 t/h selon les sites, les six terminaux portuaires céréaliers de Rouen peuvent charger jusqu’à 100 000 t par jour.