« Assez exceptionnelle », ce sont les termes mesurés qu’a utilisés FranceAgriMer pour qualifier la dernière campagne d’exportation du blé. À l’échelle européenne, les volumes de céréales ont représenté 49,5 Mt, dont 33,4 Mt pour le blé. Les importations ont été de 23,5 Mt, dont 18,7 Mt de maïs, ce qui a donné un solde de la balance commerciale de 25,9 Mt quand il n’avait été que de 2 Mt lors de la campagne précédente. Le bilan indique aussi que les exportations de blé vers les pays tiers ont progressé de 13 %, et même de 44 % par rapport à la moyenne quinquennale. Parmi les pays qui tirent le mieux leur épingle du jeu se trouve d’abord la France, qui pèse à elle seule de tout son poids dans les exportations avec 37 % du volume total, suivie de la Roumanie avec 15 %.
Chez les opérateurs français, l’enthousiasme est plus marqué encore. Ils ont traversé les chahuts de l’année, grèves de décembre et janvier, crise sanitaire à partir de mars, sans trop de dommages. Les flux se sont maintenus durant toute la durée du confinement. S’ils ont freiné dans les deux derniers mois, on ne peut, pour une fois, en rendre responsable le coronavirus. C’est simplement que les silos étaient quasiment vides, tout le blé français était déjà parti.
Des clients de retour
Ses clients traditionnels que sont les pays du Maghreb et ceux d’Afrique de l’Ouest ont fait un retour en force, après quelques années de moindre fidélité au cours desquelles ils sont allés chercher leur bonheur aussi du côté de la Russie et de l’Ukraine. Ainsi, les achats de l’Algérie ont progressé de 10 %, ceux de l’Afrique de l’Ouest de 72 %.
Les annonces des pays producteurs ces derniers mois ont encore redonné de l’intérêt à l’offre française et plus largement européenne. La Russie en effet, plus gros producteurs mondial de blé, a fait part, dès les premières semaines de l’expansion de la pandémie, de sa volonté de conserver pour son marché intérieur une part de ses récoltes. L’Inde ensuite a fait une annonce similaire, puis a annoncé que ses stocks allaient au-delà de ses besoins, puis a encore fait machine arrière. Face à ces incertitudes, l’offre régulière, abondante et de bonne qualité des opérateurs français a été d’autant plus sollicitée.
Mais avant même les crises, sociale et sanitaire, les exportations avaient le vent en poupe, l’écart de prix entre les blés français et leurs grands concurrents de la mer Noire étant plus réduit qu’à l’accoutumée. Le taux de protéine des blés, l’un des principaux critères retenus pour la panification, tenait la route face à ceux des concurrents.
Autre fait marquant de l’année, la Chine a acheté du blé très massivement. Ses démêlés avec les États-Unis et le Canada ainsi qu’une moindre production australienne l’ont poussée à se trouver d’autres fournisseurs. Avec près de 2 Mt importées, elle se place au troisième rang des pays acheteurs. L’Égypte s’est faite elle aussi plus présente, a un peu délaissé ses approvisionnements traditionnels auprès des pays de la mer Noire et a importé 1 Mt de blé français.
Les ports ont évidemment tiré profit de cette excellente campagne. Rouen a chargé près de 9 Mt, son meilleur résultat depuis vingt ans. La Rochelle a progressé de 24,8 % avec 4,6 Mt. Les chiffres sont encore plus frappants avec les ports de Dunkerque, Nantes Saint-Nazaire et Bordeaux qui voient leurs chargements de blé s’envoler, avec des augmentations de 45 % pour le premier et de près de 40 % pour les deux autres.
En berne
La nouvelle campagne s’annonce hélas moins performante. Les blés et les cultures d’hiver en général devraient se ressentir des mauvais conditions climatiques de l’année. La campagne devrait enregistrer son deuxième plus faible résultat des quinze dernières années après celui de 2016. Toutes les céréales sont touchées par les baisses de rendement.
Les exportations devraient évidemment s’en ressentir. À l’échelle européenne, FranceAgriMer prévoit une baisse de 30 %. Cependant, les incertitudes demeurent, notamment sur la tendance déjà amorcée par l’Algérie, premier client des céréales françaises, de diversifier ses approvisionnements, sur la poursuite des achats de la Chine, sur les récoltes de la Russie, de l’Ukraine et de l’Australie… Pour la Russie cependant, son ministre de l’Agriculture a d’ores et déjà annoncé que les flux reviendraient à la normale sur la première partie de la campagne, mais qu’ils souhaitaient, sur le second semestre, que la priorité soit à nouveau accordée au marché national.