« Les acheteurs vont s’habituer à des prix qui ont déjà bien monté »

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Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur la production de céréales?

Jean-François Lépy: Plus les métiers sont proches du monde agricole, moins ils ont été impactés par la crise sanitaire. Les agriculteurs ont pu poursuivre les travaux des champs, dans des conditions climatiques favorables. Pour les organismes stockeurs et le négoce, les choses se sont bien passées. Mais ça a été plus compliqué pour la première transformation, la restauration hors foyer et la malterie. Leur activité s’est réduite de 15 à 20 % pendant le confinement du fait de la baisse de la consommation. La boulangerie industrielle a souffert davantage et la viennoiserie industrielle a été à l’arrêt complet.

Mais à l’export, c’est une autre histoire, dites-vous.

J-F.L.: Plusieurs phénomènes se sont conjugués. Nous avons eu une très belle campagne céréalière en volume. Avec 39 Mt de blé, c’est la deuxième récolte historique. En plus, elle était d’une belle qualité meunière avec un taux de protéine entre 11,5 et 12 %.

Le contexte d’offre et de demande a été porteur. Le marché intérieur était moins demandeur du fait du confinement. 5 % en moins sur le marché intérieur, c’est 50 000 t en plus pour le portuaire. Ce qui n’a pas été vendu en France est reparti à l’export.

Avec le confinement, en fin de campagne, il ne restait pas grand-chose à vendre sur le marché mondial. La Russie avait mis en place des quotas d’exportation. L’Ukraine avait presque tout vendu sur les 7 à 8 premiers mois de la campagne alors que la France avait encore du blé disponible. En mars, en plein confinement, la France a continué à fournir ses marchés habituels au Maghreb et en Afrique de l’ouest mais aussi au Proche-Orient, tandis que l’Asie commençait à pointer son nez.

Pas d’anicroches pour les expéditions?

J-F.L.: Nous avons eu des craintes concernant la logistique, sur le massifié et le camion. Mais finalement, l’interprofession céréalière a pleinement joué son rôle. Elle est intervenue auprès des ministères et en interministériel. Les choses se sont organisées. Prenons l’exemple de la gare de Saint-Pierre-des-Corps à Tours, qui est un nœud ferroviaire important et qui fonctionne habituellement 24 h/24. Tous les frets de céréales y transitent vers les ports de l’Atlantique, Nantes, La Rochelle, et vers les fabricants d’aliment bretons. SNCF Réseau a annoncé que, du fait du confinement, elle devait fermer 12 heures par jour, que les trains ne pourraient plus circuler que de 8 à 20 heures. Les représentants de l’interprofession ont réussi à négocier pour que la gare reste ouverte la nuit pour les trains de céréales. Le problème a été réglé en trois jours. C’est un bon exemple de la façon dont on a géré cette crise. Il y a eu une semaine de bazar, puis tous les flux ont repris. On peut même dire que ça n’a jamais aussi bien roulé que pendant le confinement.

Et une fois arrivés à destination, comment cela s’est-il passé pour les navires?

J-F.L.: Nous avons eu très peur aussi sur le déchargement des bateaux à destination. En principe, il faut remettre les documents originaux qui accompagnent les céréales. Mais comment faire quand les avions ne volent plus? Là aussi, la chaîne documentaire s’est mise en place. Les clients ont assoupli les règles, acceptant de décharger les bateaux sur la base de documents numériques. Enfin, on craignait que les équipages, arrivés aux pays de destination, soient placés en quatorzaine à l’ancre avant de pouvoir décharger. Mais les pays de réception ont mis en place des protocoles pour pouvoir accepter la marchandise. Les céréales ont été considérées comme vitales, au sens de la sécurité alimentaire.

Les moissons 2020 ne sont pas à la hauteur des précédentes.

J-F.L.: Nous sommes partis sur une récolte faible, avec une baisse des surfaces et des rendements. Sur la campagne 2019-2020, la sole de blé était annoncée à 5 millions d’hectares. Neuf mois après les semis, les surfaces n’étaient plus que de 4,3 à 4,4 millions d’hectares. Soit l’équivalent de 3 à 4 Mt en moins. Les rendements ont été corrects, même s’ils étaient hétérogènes et plutôt dans la fourchette basse. Mais ce qui a vraiment manqué, ce sont les surfaces. La récolte a aussi été décevante en orge. La production a été plus faible que l’année précédente, les orges d’hiver ont beaucoup souffert, peut-être plus encore que le blé.

Les exportations seront-elles considérablement impactées?

J-F.L.: Sur les mois de juillet à septembre, nous avons été hors cours sur les prix. Aujourd’hui, on exécute ce qu’on a vendu en août. Il n’y a rien dans les liners, pas de navires à charger. Il faut d’abord que les acheteurs s’habituent à des prix qui ont déjà bien monté. Et là on va redevenir compétitifs.

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