Le marché mondial se recompose

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La montée en puissance de la production de céréales des pays riverains de la mer Noire, à l’œuvre depuis plus de vingt ans, a abouti à faire de la Russie le premier exportateur mondial de blé avec 33 Mt expédiées par an en moyenne ces cinq dernières années. Le grenier à blé russe devrait proposer 38 Mt de céréales des 81,5 Mt moissonnées pour la campagne en cours. Cette production quasi record dépasse déjà les prévisions à cinq ans établies en mars 2019 par le Conseil mondial des céréales. Quoi qu’il en soit, la production russe va continuer à croître et ses exportations aussi. Le ministère russe de l’Agriculture a annoncé 6 millions d’hectares de grandes cultures supplémentaires en 2021. La qualité des blés russes et ukrainiens s’est en outre considérablement améliorée même si elle reste encore en-deçà de celle des blés français. Les blés russes sont aussi particulièrement touchés par les attaques de champignons ou d’insectes. « On va trouver le blé russe sur le marché des céréales de façon toujours plus importante et à destination d’un nombre croissant de pays », confirme François Gâtel, directeur de France Export Céréales, association de promotion de la filière à l’export. « Les exportations russes se tournent d’abord vers les destinations proches, l’Égypte, la Libye, le Proche et le Moyen-Orient, puis vers le Maroc et l’Afrique de l’Ouest. On va bientôt voir arriver l’origine russe en Algérie, pays dont le cahier des charges des achats de céréales l’excluait jusqu’à présent. » L’Europe assiste en outre à l’émergence de la Pologne et des Pays Baltes dont les qualités sont très proches des blés français.

Le réchauffement climatique en arbitre

Les bonnes récoltes en Pologne ou en Russie sont-elles le seul fait des changements climatiques? La question divise et il est difficile de faire la part des choses entre l’évolution de longue durée et les événements météorologiques des quelques mois précédant la moisson. François Gâtel s’en tient à la récurrence de plus en plus importante de phénomènes climatiques extrêmes: « Il ne serait pas honnête d’établir un lien direct entre l’abondance des récoltes dans tel ou tel pays et le changement climatique, mais on voit en Russie la montée en puissance de la culture du blé d’hiver, qui a un cycle de végétation plus long et des rendements plus élevés, au détriment du blé de printemps. » La production russe bénéficie aussi d’une amélioration continue des techniques de culture: variétés, fertilisation, lutte contre les maladies, etc. La consommation intérieure augmente mais le disponible exportable également, comme dans l’Ukraine voisine, pour le blé et surtout pour le maïs dont ce pays est grand producteur. Des progrès ont été réalisés en outre en matière de logistique intérieure mais beaucoup reste à faire pour l’acheminement des grains vers la mer Noire ou la Baltique ou le fonctionnement des terminaux portuaires.

Le retour de l’hémisphère Sud

Les effets climatiques sont encore plus visibles dans l’hémisphère Sud, et en particulier en Australie, pays soumis depuis très longtemps à des aléas de plus en plus difficiles à surmonter avec, depuis vingt ans, des variations interannuelles considérables dans la production céréalière. Guettée par la sécheresse à long terme, l’Australie, où la moisson s’annonce bonne, devrait marquer son retour en 2021. Favorisée par sa géographie, l’île-continent devrait placer ses productions auprès du marché Sud-Est asiatique, très gros importateur de blé: l’Indonésie, deuxième importateur mondial derrière l’Égypte, et les Philippines, par exemple, n’en produisent pas. L’Australie vise aussi les clients de l’Afrique de l’Est et du Moyen-Orient où l’Arabie saoudite est un gros acheteur pour l’alimentation de ses élevages ovins. L’Argentine, où l’incertitude politique pèse toujours sur les exportations de céréales, devrait aussi, à court terme, être plus présente sur les marchés. La récolte, qui va démarrer dans quelques semaines, devrait être exportée en priorité vers le géant brésilien, exportateur de maïs et d’oléagineux mais importateur net de blé. Les autres marchés visés sont l’Afrique subsaharienne et le Maghreb. Le pays latino-américain a par ailleurs adopté une loi validant la production de blé OGM, qui fait grand bruit dans le sérail. Le Brésil, son voisin et premier client pour certaines céréales, a d’ores et déjà annoncé son rejet de ces épis génétiquement modifiés pour sa meunerie.

Une production mondiale en hausse

Selon le Conseil mondial des céréales, la production de blé devrait augmenter de 5 % entre 2018 et 2023, pour atteindre 776 Mt, tandis que celle des huit principaux pays exportateurs (Russie, Union européenne, États-Unis, Canada, Ukraine, Australie, Argentine et Kazakhstan) progresserait de 10 %. Ils devraient aussi, à l’exception des États-Unis et du Kazakhstan, développer leur disponible exportable qui passera de 157 à 167 Mt.

Dans le même temps, les achats africains de blé devraient augmenter de 10 %, tant pour les pays situés au nord qu’au sud du Sahara. Mais c’est en Extrême-Orient que les importations vont le plus progresser, de 12 % pour atteindre 60 Mt, principalement portées par l’appétit de l’Indonésie.

La Chine, quant à elle, devrait réduire de 4 % par an d’ici 2023 sa surface cultivée en blé. Elle sera donc confrontée, selon le Conseil mondial des céréales, à la nécessité de maintenir à 4 Mt par an ses importations. Or, depuis le début de l’année, les achats massifs réalisés par les acteurs chinois sur le marché international laissent à penser que ces volumes seront largement dépassés.

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