La première qualité d’un blé reste son prix

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Deux grands types de céréales sont exportés à travers le monde, celles qui sont achetées pour nourrir le bétail et celles destinées à l’alimentation humaine. Pour les fourragères, c’est-à-dire le maïs, l’orge et plus marginalement le blé tendre, le premier critère qui régit le marché est le prix, avec éventuellement d’autres paramètres, tels que la présence d’humidité ou d’impuretés. En ce qui concerne l’alimentation humaine, les arbitrages sont plus sophistiqués: le poids spécifique, l’aptitude de la céréale à tel ou tel type de transformation, la présence de grains abîmés par les insectes ou les champignons, en fonction de sa destination… peuvent être déterminants.

La céréale la plus échangée dans le monde reste le blé tendre à usage meunier, pour laquelle des caractéristiques techniques différentes vont être recherchées pour chaque type de transformation. Sur la scène internationale, le blé français, sélectionné pour la fabrication de baguettes à la française (mie alvéolée et croûte croustillante), est recherché en France, en Europe du Sud, au Maghreb et en Afrique subsaharienne francophone. Il ne conviendra pas à la fabrication de pain de mie à l’anglaise. Les pains plats arabes, les pains vapeur chinois ou les nouilles chinoises peuvent être fabriqués à partir d’une grande diversité de blés.

« Toutes les destinations, hors Europe, vers lesquelles la France exporte sont des pays où la population continue d’augmenter. Dans dix à vingt ans, compte tenu de l’évolution démographique en Afrique et en Asie, tout le blé disponible trouvera preneur. Donc la question de savoir s’il y aura une place à l’avenir pour le blé français sur le marché ne se pose pas », assure François Gâtel, directeur de France Export Céréales, qui représente la filière céréalière française à l’international. « La qualité de notre logistique à l’export est aussi reconnue par les acheteurs de notre blé: les bateaux sont chargés en temps et en heure avec la qualité demandée et homogène tout au long de la campagne. C’est une sécurité pour l’importateur. » Mais il convient que la première qualité d’un blé reste… son prix. Le défi pour l’épi français réside donc dans sa capacité à offrir « un rapport qualité-prix compétitif par rapport à nos concurrents, qu’ils soient situés sur la Baltique ou la mer Noire ».

Variabilité des volumes

En Europe de l’Ouest, le niveau de production n’évolue plus, les rendements ont atteint leurs limites: les épis de blé, pas plus que les arbres, ne montent jusqu’au ciel! On observe même depuis cinq à six ans des récoltes de plus en plus erratiques. Cette variabilité des volumes est liée à des aléas climatiques de plus en plus fréquents. C’était le cas, auparavant, de pays continentaux, comme la Russie ou l’Ukraine, mais pas de ceux au climat tempéré. « Quand on perd des marchés une année, faute de quantité ou de qualité comme ce fut le cas en 2016, il est difficile de les reconquérir ensuite », observe-t-on chez FranceAgriMer.« Lorsqu’un acheteur, qui s’est approvisionné auprès d’un autre pays, est satisfait, pourquoi reviendrait-il en arrière? » La France, avec une petite récolte cette année, sera moins présente à l’export au cours de la campagne en cours. L’hiver doux et le printemps sec expliquent la faiblesse des rendements. Les surfaces cultivées en blé ont été en outre en baisse par rapport à l’année précédente car des semis ont été repoussés ou annulés en raison des pluies importantes de l’automne 2019. « La baisse des surfaces cultivées et des rendements est conjoncturelle », souligne François Gâtel. « De fait, on sera moins présents hors de nos frontières. C’est le jeu mondial des marchés et il faudra y revenir vite après la prochaine récolte. Mais il existe cependant une tendance de fond: les épisodes de pluies abondantes ou de sécheresse sont de plus en plus fréquents et nous n’avons pas forcément les variétés et les modes de production adaptés pour y faire face. » La baisse conjuguée des surfaces (– 15 %) et des rendements (– 13 %) se solde par une production de blé tendre de 29,5 Mt, soit 26 % de moins que lors de la moisson 2019. La France est plus familière d’un tonnage autour de 35 à 38 Mt. Selon les prévisions de FranceAgriMer, les exports hexagonaux de blé tendre en 2020-2021 ne devraient guère dépasser de beaucoup les 13 Mt. Les ventes aux pays membres de l’UE (6,4 Mt) ne devraient baisser que de 13 % alors que celles destinées à des pays tiers devraient être divisées par deux par rapport à la campagne précédente, à 6,7 Mt.

Destinations moins captives

Parmi les bouleversements du marché au départ de la France, on note l’essor des expéditions vers la Chine, devenue très exigeante sur qualité. Mais, dans le même temps, les destinations du continent africain, qui constituent traditionnellement sa clientèle privilégiée, sont moins captives, alléchées par les blés de la mer Noire. « La Russie s’est largement ouverte au commerce mondial et a investi massivement dans la logistique des céréales », souligne un agent maritime spécialisé. « Avec l’Ukraine, la Russie est devenue le principal concurrent de la France sur le grand export. Le réchauffement climatique apporte aux pays de la mer Noire de bons rendements. Ils arrivent à produire en grands volumes une marchandise d’aussi bonne qualité que celle de l’Europe de l’Ouest, avec des coûts de production moindres. » Les évolutions dans le cahier des charges des achats algériens agitent par ailleurs le commerce international des céréales depuis quelques mois. « La Russie a déployé beaucoup de moyens pour pénétrer le marché algérien », explique-t-on à FranceAgriMer. « L’augmentation à 0,5 % du seuil de blé punaisé accepté par l’Algérie se limite cependant aux grains présentant un taux de protéine de 12,5 %. Or pour les blés à 11 % de protéine, qui sont majoritaires dans les exportations françaises, le seuil demeure à 0,1 % de grains attaqués par les insectes. La Russie ne peut pas atteindre ce niveau pour les blés à 11 %. Cela ne va donc pas changer beaucoup la donne pour les exportations de céréales françaises. »

La crainte des exportateurs français est donc levée alors qu’ils redoutaient qu’une évolution drastique de la qualité exigée par l’Algérie évince la France. D’ailleurs, les prix des blés de mer Noire ayant rejoint les prix internationaux, l’Hexagone est de nouveau compétitif sur l’Algérie grâce à la proximité géographique des deux pays. Car, s’ajoutant à celui de la qualité intrinsèque du grain, le prix de la mise à bord de la marchandise et surtout celui du trajet maritime sont des critères tout aussi déterminants.

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