À l’image des géants de l’internet Google, Apple, Facebook et Amazon, regroupés sous l’appellation GAFA, les acteurs majeurs du négoce de céréales ont aussi leur acronyme, ABCD, comme pour dire qu’ils sont en nombre restreint. Trois d’entre eux sont états-uniens. À commencer, par ordre d’importance de l’activité et non par ordre alphabétique, par Cargill, la plus connue des quatre, avec en 2019 un chiffre d’affaires estimé à 113 M$, loin devant Archer Daniels Midland et Bunge (65 et 41 Md$, respectivement). Un seul est européen (franco-suisse), Louis Dreyfus Company (36 Md$ en 2019).
La domination de ces « big four » est encore plus écrasante sur le marché des céréales que celle des GAFA sur celui de l’internet, puisqu’on estime qu’elles voyaient transiter il y a encore quelques années 70 à 90 % des céréales produites dans le monde. Mais cette part tend à s’amenuiser, les quatre géants du négoce de matières premières agricoles étant confrontés depuis une décennie à une diminution de leur chiffre d’affaires, sur fond de baisse du cours de matières premières.
Intégration verticale
« S’ils restent d’indispensables maillons dans la chaîne de valeur grâce à leur empreinte internationale et leur capacité à gérer les risques, les ABCD ont dû entrer dans une phase de réinvention profonde pour restaurer leur rentabilité », indique ainsi Unigrains, le bras armé financier de la filière céréalière française. « Cette mutation se traduit par une intégration vers l’aval de plus en plus poussée. Les ABCD cherchent à s’assurer des débouchés pour leurs commodités, à se positionner sur des segments intégrant plus de valeur ajoutée et à renforcer leur pouvoir de marché avec des produits qui pallient la volatilité de leurs profits. » Les investissements sont le reflet de leurs choix stratégiques en matière d’intégration verticale. « On observe une nette accélération de leur croissance externe sur les cinq dernière années », ajoute l’organisme.
Cela se traduit par le développement de marchés différents: produits à destination du consommateur pour Archer Daniel Midland, huiles alimentaires pour Bunge, nutrition animale pour Cargill, ou trituration en Chine pour Louis-Dreyfus. « Bien qu’en théorie l’intégration aval des négociants ait pour limite la nécessité de ne pas concurrencer leurs clients, la porosité des frontières entre les ABCD et les grands groupes de l’agroalimentaire est vouée à s’accroître », prévoit Unigrains.
Le quatuor est en revanche peu présents en France dans la collecte des céréales qui est aux mains, comme une grande partie des expéditions maritimes, des coopératives agricoles ou d’entreprises de négoce indépendantes comme Soufflet. Les ABCD sont cependant d’importants clients des céréales françaises en sortie de silos portuaires