Deux nouvelles du front portuaire britannique se sont percutées ces derniers temps de manière amusante. Les problèmes de congestion du port de Felixstowe sont remontés à la surface de l’eau lorsque les compagnies de transport ont fait savoir que le port à conteneurs le plus fréquenté du Royaume-Uni n’acceptera plus le retour des boîtes vides pour le moment, faute d’espaces. Il n’y a rien de drôle à cela, pourriez-vous penser. Mais la même semaine, la presse a révélé que l’ancien secrétaire d’État britannique aux transports, Chris Grayling, avait été engagé par le propriétaire de Felixstowe, Hutchison Ports, en tant que conseiller à temps partiel – deux jours par semaine –, pour un salaire annuel de 100 000 £ (110 000 €). Or c’est Chris Grayling qui, alors secrétaire d’État aux Transports, avait supervisé un certain nombre de décisions fort coûteuses qui ont viré au fiasco. En vue de s’assurer des liaisons maritimes suffisantes pour pallier tout éventuel engorgement des ports britanniques une fois le Royaume-Uni sorti de l’UE et en cas de non accord entre les deux parties, le représentant du gouvernement avait alloué fin 2018 des contrats à trois compagnies, dont une, Seaborne Freight, s’est révélée être « fantôme », sans navires ni personnels. Ils ont été annulés quelques mois plus tard, pour un coût de quelque 50 M£ pour le contribuable britannique.
L’attribution de 13,8 M£ à cette société sans ferries avait valu au secrétaire d’État le surnom de « failing Grayling ». Cette débâcle a largement contribué à sa non reconduction lorsque Boris Johnson est devenu Premier ministre en juillet 2019.
Il semble que la malchance dans le domaine du transport maritime de Chris Grayling le poursuive. Felixstowe – le principal investissement de Hutchison au Royaume-Uni – est de nouveau affecté par un problème qui avait surgi à l’été 2018 lorsque le port était passé à un nouveau système d’exploitation que Hutchison était en train d’installer dans tous les terminaux qu’il exploite.
Le fonctionnement optimal du nouveau TOS repose sur le stationnement de conteneurs selon des positions prédéterminées, par rangées et par piles. Toute perturbation des plans d’arrivée des navires et de déchargement des conteneurs peut donc facilement entraîner des retards et des encombrements.
Cela semble avoir été le cas en septembre, lorsque le pic saisonnier des transits avant la Golden Week chinoise, associée à des départs retardés par de violentes tempêtes en Asie, a conduit à un empilement de boîtes dans le port britannique et à sa paralysie. Le confinement des personnels portuaires pendant la pandémie n’a pas aidé non plus. C’est pourquoi il a été décidé de ne plus décharger les conteneurs avant que les embouteillages ne disparaissent. Il reste à voir si Chris Grayling peut gagner son pain – et contribuer à restaurer sa réputation en lambeaux – en trouvant un moyen de contourner le problème récurrent de Felixstowe.
Robert Jaques