Ça n’a pas traîné. À peine l’épidémie de coronavirus a-t-elle commencé à donner des signes d’affaiblissement et l’économie mondiale un début de rebond, les États-Unis ont repris leur rôle de chef d’orchestre autoritaire du commerce mondial et imposé à nouveau leurs règles, distribuant bons et surtout mauvais points. Des sanctions étaient dans l’air en décembre dernier. Les mois suivants les avaient expédiées aux oubliettes. D’où elles sont ressorties aussi vite qu’elles avaient disparu à la faveur d’un début de reprise.
À cette volonté de contrôle s’ajoutent les différends de l’État nord-américain avec une liste, déjà connue, de pays de la planète en tête de laquelle figurent Chine, Iran et Venezuela. C’est donc sur eux que le gendarme du monde a aussitôt braqué son collimateur. D’abord sur l’Iran et le Venezuela qui ont profité du désordre pandémique pour monter une opération commando et envoyer de l’un vers l’autre cinq pétroliers chargés à ras bord d’un pétrole dont le Venezuela, pourtant producteur, manque pour relancer une économie exsangue. Ils ont traversé la mer Caraïbe cernés par des navires de la flotte militaire américaine. Pas d’intervention, mais une menace claire: « Vous passez outre l’interdiction. Si nous voulions… »
Tankers dans le viseur
Le 8 juin, le retour aux affaires des États-Unis est devenu encore plus manifeste avec la mise en application des sanctions décidées en décembre. Cette fois, c’est la compagnie iranienne IRISL, Islamic Republic of Iran Shipping Lines, et sa filiale E-Sail Shipping basée en Chine qui reviennent sur le devant de la scène. Déjà repérées depuis plusieurs années, elles sont désormais blacklistées. Quiconque veut faire affaire avec l’Iran est prié de trouver un autre transporteur maritime. Celui qui ne la respecte pas et choisit IRISL sera interdit de tout commerce avec les États-Unis, gronde l’administration américaine.
Le Venezuela partage avec l’Iran le même sort, la même liste noire, la même punition. À l’export, tout achat de pétrole vénézuélien est interdit par les États-Unis et quiconque brave l’interdit est poursuivi et à son tour pénalisé. Quatre armements de tankers présumés avoir chargé du pétrole au Venezuela viennent de l’apprendre à leurs dépens.
Irisl châtié
« Les États-Unis réaffirment que l’exploitation des actifs pétroliers du Venezuela au profit du régime illégitime du président Nicolas Maduro est inacceptable et que ceux qui facilitent une telle activité risquent de perdre l’accès au système financier américain », a alors rappelé Office of Foreign Assets Control. D’autres avaient subi le même sort ces mois derniers, comme le russe Rosneft, courtier en pétrole.
La Chine est elle aussi ciblée, et pas seulement par les attaques de Donald Trump quant à sa responsabilité de la pandémie. L’armement chinois IRISL est châtié, mais l’ensemble du pays l’est aussi à travers ses points faibles. Le président américain, habituellement peu féru de libertés individuelles, s’est soudainement pris d’intérêt pour la loi sur la sécurité nationale que la Chine impose à Hong Kong. Pour marquer sa subite désapprobation, il a décidé de mettre fin aux mesures préférentielles dont bénéficie Hong Kong dans ses échanges commerciaux avec son pays. Il aussi demandé une enquête sur les entreprises chinoises cotées aux États-Unis. Enfin, sans faire dans la demi-mesure, il a accusé la Chine de menacer « la liberté de navigation et de commerce international ».
Les tensions ne sont pas nouvelles. Fin 2018, les États-Unis avaient déjà jeté aux orties le pacte signé deux ans plus tôt pour ramener l’Iran au rang des nations fréquentables. Sans interdire directement les échanges avec l’Iran, ils se contentaient d’interdire de commerce avec eux toute entreprise qui aurait traité avec l’Iran. Ces mesures, toujours en vigueur, s’appliquent aussi aux opérations portuaires, au transport maritime, à la construction navale et au négoce de pétrole. CMA CGM et Maersk, pour préserver leurs bonnes relations avec les États-Unis, avaient aussitôt retiré leurs intérêts de la République islamique. Non sans regrets pour l’armateur franc¸ais qui avait signé en 2016 un VSA avec le transporteur national IRISL.