La dépression jusqu’à la fin de l’année

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Pas un jour ne passe sans que l’on ne promette au roi des océans, le porte-conteneur, un temps de grosse mer et, à ceux qui les opèrent, des difficultés d’une très haute magnitude. Le trafic devrait s’inscrire en baisse de 10 % pour l’ensemble de l’année 2020 et en cela, déclassera le précédent traumatisme de 2008, où les volumes transportés avaient chuté de 7 à 8 %, assure Clarkson Research.

La flotte de porte-conteneurs inactifs est estimée par le prestataire de services maritimes à 11 % de la capacité mondiale. Il rejoint Alphaliner, qui estimait la capacité retirée du marché à 2,72 MEVP fin mai, soit 551 unités (les 64 porte-conteneurs en retrofit inclus). Mais après un pic à la fin mai, la tendance serait en train de s’inverser, indique le spécialiste des lignes maritimes. Entre le 25 mai et le 8 juin, la capacité retirée a reflué, passant à 521 navires pour 2,61 MEVP. La situation devrait perdurer, selon Alphaliner, car les transporteurs continuent de rétablir progressivement les services qui avaient été suspendus.

Une éclaircie temporaire

Mais tous ne sont pas d’accord sur les raisons de cet apparent reflux qui concerne principalement les trafics transpacifique.

En mai, les armements de porte-conteneurs ont en effet réintroduit des services, laissant penser à une embellie. Une fausse alerte, avaient vite réagi quelques analystes dont Sea-Intelligence, les considérant comme un excès de discipline. En clair, les compagnies auraient eu la main lourde sur les retraits par rapport aux volumes réels à transporter, générant un retard de cargaisons à transporter.

« Une fois cette question réglée, le niveau des traversées en blanc devrait à nouveau augmenter », projettent les analystes.

La suite leur donne raison. Arrêtées au 25 juin, les données délivrées par les compagnies concernant leurs annulations de services pour le 3e trimestre indiquaient une nouvelle tendance à la hausse, avec 82 traversées supplémentaires entre Asie et Amérique du nord. Il y a six semaines, le troisième trimestre semblait moins affecté puisque seules 13 annulations de départs étaient prévues, selon la comptabilité établie par Sea-Intelligence.

Affrètement à plat

L’affrètement n’est pas plus en joie. La surcapacité, qui reste élevée dans de nombreux segments, maintient les taux d’affrètement sous pression. Ils peuvent accuser des baisses jusqu’à 50 % selon la taille des navires. « Les plus grands navires, qui ont été les plus exposés aux réductions de capacité sur les routes commerciales les plus longues et aux suspensions de service, ont été les plus lourdement touchés », indique Alphaliner.

Les taux d’affrètement ont baissé de 45 % pour les unités standard de 8 500 EVP et de 50 % pour les porte-conteneurs de la classe des 6 500 EVP. Les panamax classiques ont également vu leur taux s’éroder de 35 à 40 % selon le type de navire.

Ainsi, le taux d’affrètement à temps de 6 à 12 mois pour un porte-conteneurs de 8 500 EVP se négociait à 16 000 $/j en juin, la moitié de ce qu’il valait fin janvier. Le moment reste toutefois propice aux affréteurs opportunistes pour acquérir des navires de qualité à des prix attractifs.

Pour Trevor Crowe, directeur des études de marché chez Clarksons Research, le secteur aurait atteint la maturité, après avoir connu une croissance moyenne de 9,9 % par an dans les années 1980, de 9,1 % dans la décennie 1990, de 7,3 % entre 2000 et 2010 et de 4 à 6 % ces dernières années.

« Les prévisions de croissance du transport maritime par conteneurs dépendent des tendances et contre-tendances », expliquait-il dans un webinaire en juin. Le représentant de Clarksons fait notamment référence aux « nearshoring, reshoring et autres multi-sourcing » des chaînes d’approvisionnement. En clair, le premier vise le transfert d’installations de production vers un territoire plus proche du marché final. Cela réduit la demande en tonnes/km et les coûts de fret. Le second consiste à relocaliser en interne, solution offrant une supply chain plus courte et plus souple dans le sens où elle permet d’exploiter différents moyens de transport. Quant au dernier, il consiste à diversifier son sourcing. À la lumière du retour d’expérience Covid, nul doute que les industriels vont affiner leur stratégie d’approvisionnement.

Dépression jusqu’à la fin de l’année

Pour Tiemen Meester, le directeur d’exploitation de DP World for Ports & Terminals, le Covid reste un scénario « qui n’avait pas été écrit ». Le représentant de l’opérateur portuaire émirati estime que la reprise n’aura pas lieu en 2020 mais sera « l’ histoire d’une, deux et peut-être trois années ». En attendant, « les entreprises vont adopter une approche disciplinée dans leurs choix d’investissement ».

Un point de vue partagé par Jonathan Beard, associé au sein d’EY – Infrastructure Advisory: « les investissements seront incroyablement limités pour les deux ou trois prochaines années ». Le consultant considère que les dépenses à court terme dans les ports pourraient être fléchées vers une numérisation et automatisation des process.

Plus optimiste, Wim Dillen, responsable du développement international du port d’Anvers, estime que l’événement Covid a jeté tous ses feux. Le port flamand, l’un des six ports européens desservis par les trois alliances maritimes, est particulièrement concerné par les suppressions de services. Le cadre dirigeant estime par ailleurs que les flux de conteneurs vont rester « déprimés toute l’année » et ne s’attend pas à une reprise avant « le milieu ou la fin de l’année prochaine ».

Wim Dillen voit dans la crise du Covid une expérience dont il faudra tirer les enseignements de façon à mieux réagir face à la prochaine « tempête parfaite » (« perfect storm ») ou « cygne noir ». Les deux expressions colonisent ces dernières semaines les propos dans le secteur, traduisant toutes deux une situation où des éléments se cumulent pour produire un bouleversement inédit. Pour y faire face, la numérisation et la coopération au sein de l’écosystème portuaire et maritime apparaissent comme une partie de la réponse à un éventuel autre événement qui, si imprévisible soit-il, ne paraît plus cette fois improbable…

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