Quels sont les enseignements que vous tirez de cette crise du point de vue opérationnel?
Stéphane Defives: En tant qu’entreprise d’envergure mondiale, nous nous devons de tester régulièrement différents plans de continuité en fonction des scénarios de crise. Nos plans ont démontré leur pertinence pour garantir en premier lieu la sécurité et le bien-être de nos collaborateurs. Malgré l’ampleur inédite de cette crise, nous avons toujours été en capacité d’assurer une continuité de service et avons mis en œuvre des mesures spécifiques en fonction des niveaux d’alerte et de nos évaluations des risques.
Globalement, la situation est devenue plus stable et prévisible, et partout dans le monde, les effets du Covid diminuent de semaine en semaine. Dans le maritime, on remarque depuis le mois d’avril une reprise de l’import Asie. Mais même si les opérations tendent vers un retour à la normale, nous restons globalement dans un déficit en termes de volume par rapport à la même période l’an dernier.
Durant la crise, la faible capacité de l’aérien et son coût ont fortement impacté le transport maritime. Cette problématique a en effet engendré un report modal de l’aérien vers le maritime et le développement de système Sea-Air avec des départs en maritime depuis la Chine.
La problématique structurelle du reefer s’est posée de façon manifeste. Comment avez-vous géré la situation?
S.D.: Concernant le cas particulier du reefer, à l’export, les industriels se sont en effet heurtés au manque de conteneurs maritimes sous température dirigée durant la crise. Même si elle a été amplifiée par la pandémie, la gestion du reefer constitue en effet une problématique qui date d’avant la crise. Les raisons sont connues: un sur-stockage fin 2019 en Asie du fait de la grippe porcine mais plus généralement le manque d’investissement ces dernières années dans ces équipements sur un marché en croissance. Les contraintes de la réglementation IMO 2020 sont venues réduire encore les capacités existantes et accentuer le problème. Ces tendances ont créé un réel déséquilibre entre disponibilité et demande et un goulot d’étranglement sur les ports chinois à l’aube de la crise. À l’import, les capacités maritimes ont été réduites de manière historique. Globalement, on a observé une hausse de 11 % de blank sailing par rapport à l’année dernière. En effet, les armateurs ont été agiles pour s’adapter à la demande et maintenir un certain niveau de tarif. Nos bonnes relations avec eux nous ont permis de toujours trouver des capacités pour nos clients.
Pour vous, la crise sera-t-elle le catalyseur d’une nouvelle organisation ou d’une nouvelle façon d’appréhender les échanges internationaux?
S.D.: La crise a mis encore plus en valeur la nécessité de la proximité client, celle qui nous a permis d’être agiles et de trouver des solutions. L’équilibre entre digital et physique dans le travail et dans la relation avec les clients a également été modifié par cette expérience. Il faut maintenant trouver le bon dosage.
Y aura-t-il selon vous un avant et après-Covid 19 dans le transport maritime?
S.D.: Beaucoup le pensent en tout cas. Il est certain que la crise a été inédite et que son ampleur va faire évoluer notre secteur. C’est une certitude car c’est une nécessité. La logistique et le transport ont été en première ligne dans la chaîne de valeur des entreprises. Cette mise en valeur est une responsabilité forte et nous sommes prêts à l’assumer. Il est encore trop tôt pour connaître la nature des changements, mais ils devront être collectifs.
En dépit du contexte, les engagements pour l’environnement ne doivent pas être oubliés. La demande des entreprises pour des solutions neutres est forte et nous nous devons de les accompagner. Ainsi, comme annoncé en début d’année, dans le cadre du programme « Net Zero Carbon », toutes les émissions de CO2 des expéditions de groupage maritime de 2020 ont été compensées. Cet engagement s’accompagne pour notre part d’un développement technologique avec Sea Explorer, qui permet à nos clients de trouver le meilleur itinéraire (même en période de crise) en fonction de leur politique environnementale.