Le 31 janvier 2020, Tournai a vu passer pour la première fois un bateau fluvial de classe Va, soit 110 m de long et 11,4 m de large. Le Samarkand, automoteur porte-conteneurs de type « grand rhénan », transportait 104 EVP, disposés sur deux hauteurs. Il les avait chargés au terminal MSC d’Anvers, à destination du terminal fluvial de Contargo situé à Bruay-sur-l’Escaut, près de Valenciennes. Il y a encore quelques semaines, un bateau de cette taille n’aurait pu remonter l’Escaut au-delà de Tournai. Il était arrêté au pont des Trous, un pont médiéval qui constituait le principal verrou à la mise à grand gabarit de la liaison Seine-Escaut. Car le canal Seine-Nord, qui doit en 2028 relier l’Oise au canal Dunkerque-Escaut, n’est qu’un tronçon de la liaison fluviale Seine-Escaut. Celle-ci permettra aux bateaux fluviaux de grand gabarit de naviguer entre Anvers et le bassin de la Seine et comprend la mise à grand gabarit de l’Oise, le nouveau canal Seine-Nord, puis deux itinéraires traversant la Belgique. L’un, entièrement flamand, emprunte la Deûle, via Lille, jusqu’à la frontière franco-belge, puis la Lys jusqu’à Gand et enfin l’Escaut jusqu’à Anvers. L’autre utilise l’Escaut, via Valenciennes, Tournai et Gand.
Les deux itinéraires sont prévus pour le passage de bateaux de 11,4 m de large. Mais c’est la Lys qui constitue l’itinéraire principal de la liaison Seine-Escaut: elle seule sera aménagée au gabarit Vb, soit 185 m de long, comme le canal Seine-Nord. L’aménagement de la Lys « mitoyenne », qui fait office de frontière entre le France et la Belgique, a été l’objet d’une convention entre la France, la Wallonie et la Flandre, signée à Bruxelles en novembre 2018.
30 Mt attendus sur Seine-Escaut
La convention internationale prévoit des travaux, d’un coût de 140 M€, pour passer de la classe IV (1 350 t) à la classe Vb (4 500 t) sur cette portion de 19 km. Ces aménagements s’achèveront en 2025. Sur les 71 km de la Lys flamande, jusqu’à Gand, quatre écluses ont déjà fait l’objet de travaux d’allongement pour atteindre 185 m. La dernière, celle de Sint-Baafs-Vijve, sera achevée fin 2020. Certains ponts ont déjà été rehaussés pour atteindre une hauteur libre de 7 m pour le passage des porte-conteneurs. D’autres doivent encore l’être, en particulier un pont ferroviaire à Courtrai.
La région flamande avait anticipé la mise à grand gabarit de la Lys ainsi que de canaux adjacents, au premier rang desquels la liaison fluviale entre Gand et les ports d’Ostende et Zeebrugge. Les travaux en traversée de Courtrai, en particulier, ont permis de faire passer, en quinze ans, le trafic fluvial sur la Lys de 5 à 9 Mt. De Vlaamse Waterweg, l’agence du gouvernement flamand chargée des voies navigables, prévoit d’atteindre 18 Mt de trafic sur la Lys en 2030. À cette date, le canal Seine-Nord devrait être en service et le trafic fluvial attendu sur la liaison Seine-Escaut devrait dépasser 30 Mt. C’est pourquoi l’axe secondaire, passant par le Haut-Escaut, via Valenciennes et Tournai, fait aussi l’objet de travaux. Tournai, qui voit passer chaque année 8 Mt en fluvial, en attend 13 Mt pour 2030.
Modernisation de la dorsale wallonne
La dorsale wallonne, qui relie les principales villes et centres industriels de Wallonie de Tournai à Liège en passant par Mons, La Louvière, Charleroi et Namur, fait aussi l’objet d’aménagements financés dans le cadre du projet européen Seine-Escaut. Il ne s’agit pas d’agrandir les écluses, puisque l’itinéraire est déjà au gabarit de 185 m par 11,4 m, mais de les rénover pour fiabiliser le réseau et réaliser de nouveaux aménagements en vue d’absorber davantage de trafic. L’objectif est d’être au rendez-vous de 2028. Des travaux sont aussi en cours depuis l’été 2018 sur le canal transfrontalier Condé-Pommerœul, qui avait été fermé à la navigation en 1992. Il doit rouvrir en 2022, évitant un long détour par Tournai pour les bateaux voulant naviguer, depuis Valenciennes, vers la vallée de la Meuse.
