Tenir une funeste comptabilité sur le nombre de décès finit par ne plus avoir de sens tant le bilan s’alourdit d’heure en heure. Au-delà, l’ampleur du phénomène tend un miroir déformant à l’économie mondiale: l’impossibilité de mettre en quarantaine un géant qui a pris une telle influence en deux décennies (16 % du PIB mondiale) qu’il est en mesure de placer sous cloche la production mondiale.
Les mesures prises par Pékin pour limiter la propagation – retarder le retour des vacances du Nouvel an Lunaire jusqu’au 10 février – ont eu pour effet quasi immédiat de perturber les chaînes d’approvisionnement dans l’automobile, mais aussi dans la chimie et l’électronique. En Corée du Sud, l’épidémie a mis en veilleuse les chaînes de montage de Hyundai, alimenté par le grand voisin en composants de câblage électronique. Le 7 février, Renault figeait également les lignes de production de sa filiale Renault Samsung Motors à Busan.
En première ligne, le pétrole. Selon Bloomberg, la demande chinoise en or noir a reculé de 20 % depuis les mesures décrétées par Pékin. Wood Mackenzie estime que la demande mondiale sera affectée de 100 000 barils par jour en moyenne sur l’ensemble de l’année. D’après les calculs de Sea-Intelligence, l’épidémie de pneumonie coûterait chaque semaine quelque 350 M$ aux transporteurs maritimes de conteneurs. Un calcul établi sur la base d’un manque à gagner hebdomadaire de 350 000 EVP et d’un tarif moyen d’environ 1 000 $/EVP.
Le spécialiste de la ligne régulière Alphaliner estime, pour sa part, la contraction du volume des conteneurs dans les ports chinois (y compris à Hong Kong) à plus de 6 MEVP au cours du premier trimestre.
Il y a aussi une problématique de personnels qui se pose, certes dans l’organisation des équipages à bord, mais aussi au sein des plus grands chantiers navals chinois. Ils sont au cœur d’une autre tempête: l’équipement en scrubbers pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation sur la teneur en soufre des carburants marins. Les vacances prolongées ont aggravé les plannings, qui avaient déjà dangereusement glissé en fin d’année dernière. Or les chantiers chinois ont accaparé 77 % du marché d’installation de ces dispositifs d’épuration des gaz (selon Clarkson Research). Le nombre de navires qui subissent un retard de livraison est estimé à 200 unités, sachant que les chantiers navals chinois présentent un carnet de commandes total de 1 235 navires, dont 852 sont prévus pour livraison cette année (VesselsValue).
Avisé, le gouvernement chinois a autorisé les chantiers navals à se déclarer en situation de « force majeure ». Une astuce qui affranchit les chantiers de sanctions et autres pénalités financières pour non livraison des travaux dans les temps. Du travail en perspective pour les spécialistes des contentieux…