Vous êtes connu pour avoir des revendications précises quant à la politique maritime et portuaire du pays. Qu’allez-vous défendre en priorité?
Michel Segain: Nous attendons que l’État dévoile ses véritables intentions. Il enjoint les ports à passer d’un rôle d’aménageur à celui d’entrepreneur. Qu’entend-on par un port entrepreneur? S’agit-il de faire nos métiers? Emmanuel Macron a annoncé récemment à La Réunion que l’État devait s’impliquer fortement dans les ports. S’agissait-il d’une déclaration en lien avec une situation locale ou de portée nationale? On a besoin de clarification. Notre souhait est d’intégrer les Umep au sein des conseils de surveillance des Grands Ports maritimes avec une voix délibérative. Nous ne sommes toujours pas fixés. Nous attendons aussi des précisions sur le régime qui encadrera l’activité des terminaux: concession ou convention de terminal. Le choix de la concession sera clairement un retour en arrière avec le risque de brider l’entrepreneuriat. Autant nationaliser dans ce cas!
Comment expliquez-vous le retour de la mainmise de l’État
M.S.: Les politiques passent mais les hauts fonctionnaires restent et eux font du lobbying mais pour un retour en arrière. In fine, les réformes de 1992 et de 2008-2009, qui confèrent une part plus importante au privé, ne sont toujours pas assimilées. Nous reposons la question: qu’est-ce qu’un port entrepreneur?
Quelle marge de manœuvre dispose une organisation professionnelle pour influer sur ces sujets?
M.S.: Tout d’abord, nous nous sommes invités et imposés dans l’élaboration de la stratégie nationale portuaire. Nous n’étions pas conviés à l’origine aux sept ateliers de travail. Il a fallu « batailler » pour disposer des rapports, sans pouvoir obtenir celui de la gouvernance par exemple. J’ai dû intervenir auprès du ministère des Transports. Je dois rencontrer début novembre le chargé de mission de la stratégie nationale portuaire à ce sujet. L’État sollicite notre expertise mais ne nous associe pas aux décisions. L’idée d’une gestion par une société d’économie mixte public-privé et collectivités locales nous paraissait acceptable. Mais ce n’est pas envisageable sans la régionalisation et avec un État aussi pesant. Le secteur privé doit être enfin reconnu et non méprisé.
C’est pour peser sur les choix que l’Umep du Havre assure une telle présence à Bruxelles?
M.S.: Nous travaillons à monter une task force maritime et portuaire française. Nous étions par exemple présent aux Journées du transport numérique qui se sont déroulées du 7 au 9 octobre dernier à Helsinki. C’est d’autant plus important que la nouvelle mandature européenne va s’intéresser au numérique portuaire. La formation et la transition énergétique sont aussi des sujets que nous souhaitons investir au niveau européen.
Sur des sujets comme la domanialité, la fiscalité, la multimodalité comment faire bouger les lignes?
M.S.: Pour être efficace sur ces dossiers, il ne faut pas se disperser et travailler de concert avec l’Unim, le cluster maritime… Sur la multimodalité, nous militons pour que les ports français soient présents dans les conseils d’administration de VNF et de la SNCF et vice et versa. On y gagnera en cohérence. Très clairement, la gouvernance reste le sujet prioritaire car beaucoup de choses en découlent.
L’organisation professionnelle se muscle
Être plus représentative à l’égard des autorités et en particulier de l’État. L’organisation professionnelle, forte de sept représentations en métropole (1 600 entreprises en France et quelque 80 000 salariés), vient d’accueillir les Unions maritimes et portuaires de Mayotte, Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Nouvelle Calédonie. « Nous allons faire en sorte que les Dom Tom soient tous représentés ».