Pourquoi la conteneurisation est-elle à la peine en France?

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La conteneurisation en France est une aventure économique frustrante. L’équipement portuaire n’est pas en cause. Il ne s’agit pas davantage d’une problématique de compagnies, mais du socle même de l’activité: les échanges. La deuxième économie continentale devrait générer un volume d’activité proportionnel à son commerce extérieur. Le premier regard statistique est à porter sur le rapport entre la population et le volume annuel de conteneurs. Selon des données de 2016 fournies par l’entité britannique CTS, l’Italie portuaire, avec 61 millions d’habitants, représentait 4,2 MEVP pleins, l’Espagne 3,6 MEVP avec 47 millions. En proportion, l’Hexagone affiche seulement 3 MEVP pour 66 millions d’habitants. Il manque en théorie un à deux millions de conteneurs pleins équivalents vingt pieds.

L’idée d’un détournement de trafic via les ports belges et néerlandais est plus ancienne que la conteneurisation. À la fin du XIXe siècle, on trouvait déjà des constats dans ce sens. Des trafics français passés par Anvers ont fait naître des deux côtés du Quiévrain la légende que le port de l’Escaut serait le premier des ports français. C’est bien une légende. Il y a une quinzaine d’années, l’Isemar avait estimé, en croisant les statistiques, à 500 000 EVP les conteneurs « français » confisqués par Anvers et à 100 000, ceux captés par Rotterdam, un reliquat se trouvant à Zeebrugge.

Si l’on reprend l’idée selon laquelle il y aurait 1 à 2 millions de conteneurs fantômes, la plus grande probabilité serait qu’autour d’un million de conteneurs transiterait par le Benelux… mais aussi qu’un autre million y serait dépoté vers l’économie française. Interrogé par l’Isemar sur le volume des conteneurs français transitant par Anvers, CTS a fourni un chiffre très faible, car les statistiques sont d’abord construites sur les flux des armateurs. Or l’essentiel du passage par le nord est géré par les transitaires pour les importateurs.

Déséquilibre

Grossièrement, les exportations se font très majoritairement par les ports français. Pour leurs expéditions de biens manufacturés et alimentaires, les industriels privilégient des contrats de proximité portuaire et en carrier haulage (intégré) pour le transport terrestre. À l’inverse, les flux d’importation de la distribution et des grossistes ont la réputation d’être « détournés ». Les transitaires utilisent alors les manutentionnaires, logisticiens et transporteurs belges en merchant haulage. Ainsi, la France exportatrice peut imposer des circuits rapides via les ports français. La France importatrice privilégie le prix via les ports du range nord. Pendant des années, des facilités sur la TVA à l’importation et surtout des présupposés sociaux sur nos ports ont en plus favorisé ce choix déterminé des ports étrangers.

Reste un point des statistiques de CTS. En France, en Italie et en Espagne, les importations représentent de 1,5 à 1,8 MEVP pleins. Alors que les exportations sont de 2 MEVP pour l’Espagne et de 2,5 MEVP pour l’Italie, elles ne sont que de 1,5 MEVP en France, expéditions vers l’Outre-Mer incluses. Il y a une raison de fond à la faiblesse comparée de nos ports: la France exporte peu en proportion de ses voisins, nonobstant nos pneus, alcools et alimentaires.

Comme il y a peu de chance que la structure de l’économie tricolore change, la France portuaire a surtout des gains de marché – de 0,5 à 1 MEVP – à faire, notamment en Île-de-France et dans le Grand-Est. Cela doit être le sens du développement des pôles logistiques lancés par les Grands Ports maritimes, de l’intermodalité ferroviaire et fluviale et des plus politiques stratégies d’axes.

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