Les ports et la conciliation des intérêts économiques, sociaux et environnementaux

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Plusieurs catégories de contraintes pèsent sur les gestionnaires de ports quant à la structure institutionnelle dont ils dépendent, aux prescriptions légales et réglementaires et aux intérêts économiques, sociaux et environnementaux. La réforme portuaire de 2008 a permis de clarifier les compétences au sein des Grands ports maritimes. Ainsi, selon la loi, le directoire est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de l’établissement public. Il les exerce sous réserve de ceux attribués au conseil de surveillance. Le contrôle et la tutelle de l’État s’exercent sous différentes formes.

Ajoutons qu’à l’exception de certains établissements (Dunkerque, Marseille et La Réunion), les Grands ports maritimes doivent se concerter au sein d’un conseil de coordination interportuaire, dont la force contraignante des décisions n’est pas précisée dans les textes.

Le transfert de l’administration des ports à gestion décentralisée intervient parfois de manière autoritaire, c’est le cas des ports municipaux confiés par l’effet de la loi aux « métropoles » ou des ports départementaux transférés par une décision préfectorale à d’autres collectivités territoriales qui en font la demande.

Indépendamment de toute tutelle, les aménagements portuaires doivent être compatibles avec les documents d’urbanisme. Il a été jugé qu’un document d’urbanisme peut prévoir une affectation non portuaire pour des terrains appartenant à un établissement public portuaire, dès lors que ceux-ci n’ont pas de destination précise lors de l’élaboration dudit document et qu’aucun projet portuaire n’est envisagé pour leur occupation. C’est-à-dire que dans certaines circonstances, des intérêts portuaires peuvent être écartés au profit d’autres objectifs économiques ou environnementaux.

Les contraintes légales

Les règles inhérentes à la domanialité publique et aux services publics sont pour une large part dérogatoires du droit commun. Les usagers des ports éprouvent parfois des difficultés à appréhender le contexte juridique dans lequel ils se situent. Ainsi, l’occupation du domaine public portuaire est toujours précaire et révocable, elle ne peut pas faire l’objet d’un bail commercial. Des obligations de service public peuvent être imposées aux opérateurs fournissant des prestations à leurs clients. Parmi ces sujétions, il y a l’obligation de respecter des horaires d’ouverture, d’appliquer des tarifs non discriminatoires, de faire preuve de transparence dans les pratiques professionnelles, etc.

Si le gestionnaire d’un port dispose d’une liberté de choix du régime d’occupation du domaine public et qu’il a la faculté de refuser sous réserve de motivation d’intérêt général toute occupation privative, il doit respecter les règles d’appel à candidatures prescrites quant à la sélection des titulaires de conventions de terminal et des concessionnaires d’outillage public ou de port de plaisance. Si la rédaction des conventions de terminal n’est pas soumise à une convention type approuvée par décret, en revanche, un arrêté ministériel énumère les rubriques qui doivent être obligatoirement développées dans le contrat.

L’exercice de la police portuaire implique pour les usagers le respect de règles contraignantes qui encadrent l’accueil des navires dans les ports et l’exercice des activités sur le territoire du port. Hormis le cas où il existe un réel motif d’intérêt général, les auteurs d’infractions à la police de la grande voirie doivent être obligatoirement poursuivis. L’engagement d’un armateur de prendre en charge le nettoyage d’un site littoral que son navire a pollué constitue un tel motif justifiant l’abandon des poursuites.

Certaines situations socialement sensibles sont peu encadrées par un texte. C’est le cas de la grève, laquelle, malgré sa protection constitutionnelle, ne constitue pas un droit absolu. Le Conseil constitutionnel a jugé à diverses reprises qu’il doit se concilier avec la continuité du service public qui constitue également un principe de valeur constitutionnelle. Dans le silence de la loi sur l’exercice du droit de grève, la jurisprudence considère qu’il appartient à l’autorité administrative de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la continuité du service public dans des conditions conciliables avec la défense des intérêts professionnels. Ainsi peut-elle exiger qu’un nombre suffisant d’éclusiers soit présent, à certaines heures, pour permettre l’entrée d’un navire chargé de « dangereux ». Des portiqueurs affectés aux outillages publics de ports d’outre-mer ou de ports de commerce métropolitains dépendant de collectivités territoriales peuvent être « invités » à décharger un navire pour, par exemple, des motifs de sécurité, de protection de l’environnement ou d’approvisionnement de la région. Dans tous les cas, l’autorité portuaire doit être capable de justifier la nécessité d’assurer la continuité du service public.

La protection de ’environnement face aux autres intérêts

Bien que l’objectif principal était la protection de l’environnement, le législateur a encouragé la conciliation des intérêts avec la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral du 3 janvier 1986. Les ports maritimes de commerce et de pêche n’entraient pas pleinement dans le champ des prescriptions relatives au littoral du code de l’urbanisme. À propos de la construction d’une route d’accès au port de Cherbourg, le Conseil d’État a admis la compatibilité de cet aménagement avec la protection de cette zone.

Quant à la réalisation de dragages en mer, la loi relative au littoral permet de les interdire lorsqu’ils compromettent directement ou indirectement l’intégrité des plages, dunes, falaises etc. Toutefois, cette prescription ne peut pas faire obstacle aux travaux de dragage effectués dans les ports et leurs chenaux.

Tous les grands aménagements portuaires ont donné lieu à des rapports de force parfois rudes avec les élus locaux et les associations de défense de l’environnement. Contrairement à la Cour de Justice de l’Union européenne qui a fait preuve d’une grande sévérité à l’égard de projets d’extension des ports britanniques de Bristol et de Sheerness, en jugeant que les considérations économiques et sociales ne sauraient primer la protection des oiseaux sauvages et des habitats naturels, les juridictions françaises se sont montrées plus conciliantes à l’égard des autres intérêts en présence. Cette approche trouve aujourd’hui un écho dans l’article 6 de la Charte de l’environnement ayant une valeur constitutionnelle. Selon ce texte, « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

Récemment, la Cour de Justice de l’Union européenne a adopté une position moins rigide à propos de l’extension par l’autorité portuaire d’Anvers d’une zone située dans l’estuaire de l’Escaut. Elle a admis la réalisation des travaux d’importance communautaire dans une zone classée Natura 2000 sous réserve de la réalisation préalable d’une étude d’impact sur l’environnement et de l’instauration de mesures compensatoires.

Afin d’apprécier l’importance des intérêts concernés par un projet et de déterminer si celui-ci présente un caractère d’utilité publique, le Conseil d’État a élaboré la théorie du bilan permettant de prendre une décision en faveur ou non dudit projet au regard des avantages et des inconvénients qu’il présente. Certes, elle n’élimine pas la part significative de subjectivité dans l’appréciation de la situation, mais il s’agit d’une méthode qui fait ses preuves depuis 45 ans.

Au regard des enjeux économiques et sociaux, nationaux et internationaux que représentent les ports maritimes, la conciliation des intérêts est une nécessité incontournable afin de répondre à l’objectif de développement durable.

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