Un champignon « exotique » est ainsi responsable de l’extermination de milliards de châtaigniers américains au début du XXe siècle. Aujourd’hui, l’agrile du frêne menace de faire la même chose avec un arbre utilisé depuis longtemps par les hommes pour fabriquer des manches d’outils, des guitares et du mobilier de bureau, note la FAO dans un communiqué publié le 17 août.
Autre exemple, celui d’une espèce proche du crapaud géant, très répandue en Australie, qui s’est récemment enfuie d’un conteneur importé à Madagascar (haut lieu de la biodiversité). « Quarante mille œufs par femelle et par année représentent non seulement une menace pour les oiseaux et lémuriens locaux, mais aussi pour l’habitat de nombreux animaux et végétaux », souligne-t-elle.
Tous les pays du monde se sont réunis il y a six ans pour établir la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) afin d’empêcher le commerce international de contribuer à la propagation de ravageurs et maladies des plantes, et de protéger les agriculteurs, les exploitants forestiers, la biodiversité, l’environnement et les consommateurs. « Les pertes de récoltes et les frais de contrôle engendrés par les maladies exotiques pèsent énormément sur la production alimentaire, la production de fibre et la production fourragère, » indique Craig Fedchock, coordonnateur du secrétariat de la CIPV au sein de la FAO.
Le transport maritime est le principal vecteur
Les espèces envahissantes arrivent dans de nouveaux habitats par divers moyens, mais le transport maritime est « le principal ».
Aujourd’hui, chaque année, près de 527 millions de voyages maritimes sont réalisés à l’aide de conteneurs, note la FAO.
« Les rapports d’inspection en provenance des États-Unis, d’Australie, de Chine et de Nouvelle-Zélande indiquent que des milliers d’organismes de grande diversité se déplacent sans le vouloir avec les conteneurs maritimes », souligne Eckehard Brockerhoff de l’Institut de recherche forestière de Nouvelle-Zélande, qui s’exprimait lors d’une réunion de la Commission des mesures phytosanitaires (CPM) à la FAO, l’organe directeur de la CIPV.
Selon une étude, les invasions biologiques entraînent des dégâts estimés à près de 5 % de l’activité économique mondiale annuelle. Aujourd’hui, près de 90 % du commerce mondial se fait par voie maritime, avec une large panoplie de différentes logistiques, et en se basant sur une méthode d’inspection « plutôt vague ».
La Nouvelle-Zélande, qui dépend beaucoup des exportations agricoles, a appliqué un système associant des techniques de biosécurité de dernier cri à des mesures portant sur la propreté des conteneurs dans le but de repousser les espèces envahissantes. Le système « dépend de la collaboration de l’industrie du transport maritime et des inspections réalisées dans plusieurs ports du Pacifique ». La FAO semble oublier l’obligation de fumiger un conteneur empoté, qui pèse sur l’exportateur.
De gré ou de force
En 2015, la CPM a adopté une recommandation encourageant les organisations nationales pour la protection des végétaux à reconnaître et à faire connaître les risques posés par les conteneurs, mais aussi à soutenir la mise en place de certains points du code des bonnes pratiques pour l’empotage des conteneurs, un guide « non réglementaire » sur l’industrie. Il s’agit du chapitre viii, annexes 5 et surtout 6. Cette dernière vise à la « réduction au minimum des risques de contamination ».
Pour le moment, les principaux acteurs du secteur disposent d’un peu de temps pour mettre en place ces mesures « non contraignantes et volontaires. En fonction du succès de ces efforts, la Commission examinera l’éventuel développement d’une norme internationale à l’avenir ».
Quand on se souvient de l’épopée de la mise en place de la vérification, avant embarquement, du poids total du conteneur empoté, on a du mal à envisager une mobilisation spontanée de tous les acteurs du secteur.
Une chaîne de responsabilité
La FAO a omis de préciser que l’intérieur des conteneurs empotés doit être fumigé, selon la nature de la marchandise, sa provenance et sa destination. L’exportateur est responsable de l’opération. Et il ne suffit pas de lancer une bombe de fumigation dans le conteneur avant la fermeture des portes pour être efficace, rappelle l’annexe 9 du code de bonne conduite pour l’empotage des conteneurs. Grâce à la CGT des Douanes et au quotidien Le Monde, les autorités sanitaires françaises savent qu’à l’arrivée, la ventilation des boîtes doit être particulièrement soignée (JMM du 28/11/2014). Mais les nuisibles peuvent également voyager en étant « collés » sur les parois extérieures du conteneur. Alors tout devient plus compliqué. Le terminal conteneur ne doit pas attirer les nuisibles et doit être équipé de pièges.