La deuxième recommandation de la Cour des comptes adressée à la tutelle, en clair à la ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, porte sur la nécessité de « réformer la gouvernance du PAP en limitant le nombre de membres du conseil d’administration (pas plus de 20) en en retranchant les représentants des clients et en instituant un conseil de développement représentant les milieux professionnels, sociaux et associatifs ». Dès le deuxième paragraphe de sa synthèse, la 7e chambre de la Cour note qu’« alors que les raisons qui avaient motivé la modification de la gouvernance des Ports autonomes maritimes par la réforme portuaire de 2008 (trop grand nombre de membres du conseil d’administration et risques de conflits d’intérêts) valaient tout autant pour le PAP, ce dernier conserve, huit années plus tard, une gouvernance obsolète avec un conseil d’administration au format excessif (32 membres) et auquel siègent des représentants des clients du Port. On peut en outre noter la participation au conseil d’administration durant la période contrôlée de personnes dont la nomination n’a pas été faite selon les formes requises, et le respect insuffisant d’un certain nombre de ses règles de fonctionnement interne. Tout en conservant au PAP son statut de Port autonome, sa gouvernance doit être réformée ».
Elle estime également que les règles visant à prévenir les conflits d’intérêts (déclarations d’intérêts et conventions réglementées) sont « insuffisamment appliquées alors que la composition du conseil d’administration aurait dû conduire le commissaire du gouvernement et la tutelle à une vigilance renforcée. La tutelle devrait s’investir davantage pour les faire respecter, en particulier par l’élaboration de documents types applicables à tous les ports concernés, ainsi que dans la stratégie de l’établissement, par l’envoi d’une lettre de mission au directeur général et la signature d’un contrat d’objectifs et de performance (COP), qui aujourd’hui n’existent pas ».
Dispositif de suivi
Huit autres recommandations concernent uniquement le PAP. Ce qui n’empêche pas la ministre de tutelle de répondre à certaines. Ainsi la Cour invite-t-elle le PAP à mettre en place un dispositif de suivi de la performance du GIE Haropa pour Ports de Paris. Le « vrai succès d’image » ne fait pas tout et il reste toujours difficile d’identifier l’apport réel du GIE en termes de trafics par rapport aux dépenses engagées. La ministre répond au président de la Cour que des « indicateurs d’évaluation de la performance du GIE et des ports ont été présentés aux conseils de surveillance et d’administration de chacun des ports cette année. Les chiffres de 2015 constitueront une base pour observer l’évolution future du GIE ».
Ristournes
La Cour recommande à la direction du PAP « d’évaluer l’efficacité des ristournes pour trafic et réexaminer le principe de ristourne forfaitaire pour les plates-formes multimodales ». En effet, leur efficacité en matière de transfert modal au bénéfice du fluvial est « difficile à mesurer ». Entre le BTP, quasiment captif du fluvial, le conteneur pour lequel les ristournes semblent inopérantes et les 50 % forfaitaires accordés aux plates-formes multimodales, « sans effet incitatif », il y a matière à réfléchir.
Une réflexion est en cours pour les ristournes accordées aux plates-formes, a répondu le PAP. Si celui-ci a fait des efforts en matière de gestion de ses ressources humaines (202 salariés), il reste encore beaucoup à faire pour les « dynamiser », estime la Cour. Notamment en matière « d’organisation-cible » à cinq ans, de contrôle effectif du temps de travail (34 h 12 min réparties sur quatre jours), du nombre de jours de travail et de l’utilisation optimisée des voitures de fonction. La dernière recommandation est adressée aux ports du Havre, Paris et Rouen: mutualiser « certains » achats. Sans autre précision.
Possible mise en péril du système portuaire
La Cour n’oublie pas le possible prochain problème du PAP et de tous les autres ports de l’État: la remise en cause par la Commission européenne de l’exonération de l’impôt sur les sociétés concernant leurs activités commerciales. La Commission a ouvert une enquête approfondie pour les ports belges et français compte tenu du refus de leurs tutelles d’accepter les propositions de la Commissions (JMM du 22/7, p. 12). Si cette exonération venait à disparaître, cela serait « susceptible de modifier le modèle économique » du PAP, souligne la Cour.
« Cette question fait l’objet d’une vigilance forte de nos services », lui répond Ségolène Royal, en ajoutant: « Au-delà du PAP qui doit conserver sa spécificité, les évolutions en cours nécessitent d’être accompagnées par l’État, au risque de mettre en péril le système économique portuaire français, déjà mis à mal par une conjoncture peu favorable. »
Le modèle des ports maritimes n’est pas le seul
Dans un courrier de plus de trois pages, Ségolène Royal, ministre de tutelle, répond que son ministère souscrit « entièrement à la recommandation » de la Cour de « recueillir les déclarations d’intérêts selon les délais et critères prévus, sous un format en permettant l’analyse ». Difficile d’écrire le contraire, d’autant qu’il s’agit là de la première recommandation de la Cour adressée à la tutelle. Par contre, « si […] le schéma de gouvernance des Grands ports maritimes métropolitains constitue une référence utile, notamment en matière de représentation des clients, il ne peut toutefois constituer le seul modèle pour repenser la gouvernance de ce port intérieur fluvial. Aussi, afin de retrouver une gestion plus dynamique de l’établissement, une modernisation de sa gouvernance pourrait être examinée dans les prochains mois sans qu’il soit nécessaire de procéder à des modifications législatives », répond Ségolène Royal. Elle assure la Cour de la forte mobilisation de l’État dans les réflexions stratégiques du PAP.
La réponse du Port autonome de Paris
La direction générale du Port autonome de Paris (PAP) a répondu par lettre au rapport de la Cour des comptes, fin juillet.
Régine Brehier, directrice du PAP, souligne « l’intérêt dont la Cour témoigne, en divers points de son rapport, pour les efforts engagés par l’établissement pour améliorer sa gouvernance et dynamiser sa gestion: élaboration du vademecum des administrateurs, amélioration du pilotage des investissements, adoption d’une nouvelle doctrine en matière de conventions domaniales, passage à un nouvel accord d’entreprise permettant notamment de mieux valoriser la performance individuelle des salariés, redéfinition des critères d’intéressement, amélioration de la structuration de la politique d’achat et efforts de mutualisation des marchés en interne, par exemple ».
Selon Régine Brehier, les recommandations de la Cour permettent d’identifier « des points d’amélioration sur lesquels le port s’attachera, pour ce qui le concerne, à apporter une réponse appropriée ». Il en va ainsi du « besoin de clarification du rôle et des responsabilités des agences territoriales ». Il en va de même du « besoin de suivi de la performance du GIE Haropa »: un programme de travail pour 2016 prévoit un effort de définition d’indicateurs à cette fin. Le port rappelle qu’Haropa a marqué le début d’une nouvelle coopération interportuaire le long de l’axe Seine. « Il en a résulté une meilleure articulation de la stratégie des ports et un travail de développement d’une offre commune. Cette démarche s’appuie sur un projet commun au bénéfice de l’axe Seine et du développement des modes alternatifs à la route. Si la situation des ports est différenciée, notamment au plan financier, il convient de préserver cette approche globale, facteur de réussite, au contraire d’une approche qui serait structurellement dissymétrique et déstabiliserait le projet. » Enfin, l’expression de la Cour des comptes qualifiant de « rente » les revenus de Ports de Paris, n’est pas acceptée par la direction du Port. Pour celle-ci, « c’est oublier le travail mené par le Port et ses équipes afin de valoriser le domaine et répondre aux missions qui lui sont dévolues. La bonne intégration des sites portuaires au sein des villes qui les accueillent est un enjeu vital pour Ports de Paris, comme le souligne la Cour. Cette obligation de pouvoir évoluer au rythme de la métropole parisienne crée une charge sur Ports de Paris qui doit être prise en compte dans l’appréciation qui est faite des recettes du Port. Le programme pluriannuel d’investissements de Ports de Paris est destiné à utiliser de manière active son savoir-faire et ses capacités d’investissement pour faire évoluer les zones portuaires ou développer de nouvelles zones sur le fleuve, et favoriser ainsi le report modal. […] L’appréciation de la pertinence des ristournes est un exercice difficile: elles sont probablement décisives pour empêcher un report modal à rebours, car sans les ristournes, les grands acteurs du BTP pourraient beaucoup plus difficilement être présents dans le cœur de l’agglomération parisienne et seraient rejetés vers ses franges sans autre possibilité que la route pour l’approvisionner ».
Sur la partie concernant les ressources humaines, la direction du PAP indique que le travail va se poursuivre concernant la GPEC. Quant à « l’ouverture d’un chantier « temps de travail » pour assouplir le fonctionnement des équipes et corriger un certain nombre de défauts », la direction précise que « ce travail, sur ce qui est perçu comme un acquis social fondamental du Port, ne peut être engagé que dans un climat de confiance avec les IRP, gage de la poursuite d’un dialogue social constructif ».