Un bilan commun aux quatre missions parlementaires sur le devenir des axes Seine, Nord, Rhône-Saône et de la façade Atlantique

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Le 18 juillet, les huit parlementaires en mission sur le devenir de l’axe Seine, de l’axe Nord, du port de Marseille-Fos en lien avec l’axe Rhône-Saône, des grands ports de la façade atlantique ont rendu leurs quatre rapports respectifs au secrétaire d’État aux Transports, Alain Vidalies. Pour l’axe Seine, la députée Valérie Fourneyron et le sénateur Charles Revet ont conduit la mission. Pour l’axe Nord, les sénateurs Jérôme Bignon et René Vandierendonck. Pour le port de Marseille-Fos en lien avec l’axe Rhône-Saône, la sénatrice Élisabeth Lamure et le député François-Michel Lambert. Ces six parlementaires ont été désignés par le Premier ministre en janvier pour mener à bien ces trois missions conformément aux conclusions du Comité interministériel de la mer du mois d’octobre. La quatrième mission concernant les grands ports de la façade atlantique a été lancée en mars, et les sénateurs Gérard César et Yannick Vaugrenard ont été désignés pour l’accomplir. Pour la remise de leurs rapports à Alain Vidalies, les huit parlementaires ont collectivement dressé un bilan commun à leurs missions dont le texte figure à la fin de chacun des trois rapports déjà publiés sur le site Internet du ministère du Développement durable.

Voici le texte de cette conclusion commune.

Un constat unanime

Lorsque le Premier ministre a confié cette mission aux quatre binômes parlementaires formés sur les enjeux portuaires auxquels la France est confrontée, certains parmi nous ont pu craindre qu’il s’agisse d’une énième superposition de missions sur des infrastructures isolées, en silo, envisagées dans un biotope d’ingénieurs.

Pourtant, nous avons au contraire fait le pari de concevoir notre mission comme l’opportunité de cultiver le potentiel des ports français, en respectant la seule logique qui, selon nous, doit prévaloir: celle de l’intelligence des territoires. Nos sensibilités politiques, nos origines géographiques, nos parcours ne sont assurément pas les mêmes, mais pourtant, confrontés à la vitesse de la mondialisation et à la fulgurance des changements qui secouent tous les aspects de la vie économique et sociale, nous avons partagé globalement une même vision: la France a pris du retard dans la compétition, un retard dû au fait qu’elle ne s’approprie pas la vitesse à laquelle il faut aller pour aspirer à reprendre durablement la place qui devrait être la sienne sur ces sujets en Europe, un retard dû au fait qu’elle ne prend pas la pleine mesure de la vitalité économique qui pourrait la caractériser si elle tirait pleinement parti des atouts capitaux que représentent son positionnement géographique, ses infrastructures de transports et son potentiel en matière logistique.

La force de la France, ce n’est pas de posséder 564 ports ou 11 Mkm2 de souveraineté maritime. La force de la France, ce n’est pas de disposer du premier littoral européen et parmi les plus belles installations portuaires d’Europe. La force de la France, c’est son potentiel à faire en sorte qu’un jour enfin la mer, le fer, le fleuve, la route, s’appuyant sur les axes de transports majeurs et structurants, participent ensemble de la vitalité de nos territoires, des collectivités qui les structurent, des entreprises de toute nature qui les font vivre et bien sûr des hommes et femmes qui les habitent. Il est donc primordial que le gouvernement donne une suite à la stratégie “France Logistique 2025” adoptée en 2016.

Trois axes de transport majeurs – Nord, Seine et Rhône – et une façade Atlantique dont les complémentarités existent potentiellement mais qui, ne fonctionnant pas en synergie, n’apportent pas à l’ensemble une vraie valeur ajoutée collective, voilà le constat unanime que nous dressons d’une nation portuaire et maritime qui s’ignore. Certes, certaines analyses divergent entre les zones géographiques considérées. Au-delà de recommandations formulées, de façon pertinente, par les quatre binômes concernant les quatre axes, nous pouvons néanmoins, pour conclure, dresser un bilan commun autour de trois réalités structurantes pour les ports de France: la nécessité de simplification, la nécessité de dresser des perspectives, le besoin de convergence et de coopération.

La nécessité de simplification

La simplification, d’abord, est un enjeu avancé dans toutes les politiques publiques. Le degré de complexité bureaucratique d’une escale portuaire en France n’a pas encore été pris en considération à sa juste mesure. La question de l’autoliquidation de la TVA vient de trouver son épilogue dans la loi relative à l’économie bleue. C’est le bon exemple d’un succès, pourtant difficilement acquis! Mais il en reste tant à régler. Un sujet emblématique: l’absence de Cargo Community System (CCS) unique. Un portail commun ne saurait suffire. Il faut d’urgence mettre en place une instance nationale collective associant les entreprises impliquées et les utilisateurs, c’est-à-dire les grands ports et, pourquoi pas, les aéroports. Il ne s’agit plus de tergiverser, cela a trop duré!

La direction nationale des Douanes a de bonnes pratiques sur le fonctionnement moderne des systèmes d’information à un niveau approprié. Elle pourrait utilement inspirer, voire animer les protagonistes. La BPI devrait elle aussi apporter un concours efficace sur l’ingénierie financière de la solution.

Une comptabilité analytique commune aux ports, une analyse à l’échelle nationale de la valeur du domaine public des ports maritimes et fluviaux, une évolution de son utilisation en fonction des nouvelles exigences des investisseurs et un inventaire tenu à jour des réserves foncières disponibles, un benchmark des droits de port navires et marchandises. Une connaissance fine et partagée de ces enjeux portuaires est impérative à bref délai pour mieux participer à la compétition européenne et mondiale. Ces chantiers doivent être engagés en urgence.

Plus généralement, simplifier devrait relever d’une contribution spéciale du programme d’investissements d’avenir (PIA): mettre en place des outils communs dans tous les GPM de France pour simplifier et fluidifier les process, favoriser un réinvestissement à hauteur des dividendes versés par les grands ports pour moderniser les contraintes environnementales, techniques ou administratives des GPM. L’État y trouverait rapidement son compte.

Accélérer la mutation numérique recommandée par “France Logistique 2025” permettra la montée en capacité de notre économie: rien ne sert d’être performant sur un maillon, fût-il majeur comme le passage portuaire, si l’ensemble de la chaîne logistique reste en deçà.

Dresser des perspectives

Dresser des perspectives d’avenir. Tout au long de notre histoire portuaire, la création de perspectives nouvelles s’est traduite dans les faits par la construction d’infrastructures. Si ces dernières doivent continuer à mailler le territoire, cela ne peut se faire au détriment de l’entretien des infrastructures existantes. La règle d’or de la SNCF, qui privilégie dorénavant l’entretien contre l’investissement, doit être adaptée au cas du portuaire.

Le capillaire n’est pas en reste puisque, alors que les ports aspirent à être des “architectes de solutions logistiques”, le fret ferroviaire semble être définitivement relégué au second rang, la SNCF avançant désormais que certaines opérations de fonctionnement sont subitement devenues des opérations d’investissement. Comme si les enjeux changeaient de nature à l’échelle portuaire. C’est le cas du port de Dunkerque, première gare de fret ferroviaire de France, qui fait actuellement les frais de ce revirement.

Dresser des perspectives, c’est également pouvoir compter sur l’engagement de la puissance publique en faveur des ports. La situation du dragage est, à cet égard, édifiante. L’État doit prendre en charge définitivement cette mission afin de ne pas laisser les ports seuls face à des arbitrages stratégiques, sans barguigner sur un sujet qui relève du premier niveau de compétitivité, et doit s’inscrire en cohérence avec les engagements environnementaux de la France.

Sur le même registre, il est notable que les encouragements au développement du report modal à destination du secteur privé relèvent davantage aujourd’hui de l’incantatoire que d’une vérité économique. Ainsi peut-on déplorer que les revendications légitimes pour que soit maintenue l’aide à la pince pour le transport combiné semblent être ignorées du politique. Parallèlement à ce débat, la question complexe de la Terminal Handling Charge (THC) continue d’être abordée de manière nationale alors qu’une analyse par axe montre clairement que ce ne sont pas les mêmes causes qui produisent l’effet connu d’un surcoût de chargement ou de déchargement par la manutention.

Dresser des perspectives exige également de pouvoir compter sur la stabilité sociale des ports dont dépend la fiabilité du transport. La dernière crise connue dans les ports de France ne peut ni ne doit se reproduire. Le dialogue social doit exister, mais il devient indispensable que la chaîne logistique puisse se parer de remparts utiles. Les ports ne peuvent pas, ne peuvent plus être les victimes collatérales premières des mouvements sociaux d’envergure nationale.

À bien des égards, le modèle portuaire français doit se réinventer en se concentrant sur ses enjeux propres pour ne pas laisser une logique bruxelloise, trop éloignée des enjeux économiques nationaux, s’imposer là où nos concurrents n’attendent plus pour mettre en œuvre des régimes alternatifs. Demain, il s’agit en particulier d’éviter la mise en place d’une taxation foncière ou d’un impôt sur les sociétés qui ignoreraient le manque à gagner économique ainsi généré.

Une attention maximale doit être apportée aux ports et à l’espace maritime par la création de zones franches portuaires visant à restaurer la dimension économique et industrielle des ports. Il s’agit ici de promouvoir un renouveau du dimensionnement industriel des places portuaires, pour les inscrire dans l’ADN de notre patrimoine économique national. Le soutien de l’État à la plate-forme Piicto à Fos-sur-Mer n’est ainsi, actuellement, pas assez marqué. C’est à ce prix que nous parviendrons, dans l’intelligence collective, à fidéliser sur l’ensemble des places portuaires les grands acteurs industriels de notre pays qui ont fait la richesse de nos régions et de leur hinterland direct européen.

Besoin de convergence et de coopération

Le besoin de convergence et de coopération accrue est également immense. Il est aujourd’hui pour le moins étonnant, si ce n’est inconcevable, de voir une interprofession portuaire qui pèse aussi peu. Il est regrettable que l’articulation entre attractivité portuaire et développement économique des territoires ne soit pas le fondement d’une politique d’aménagement du territoire. Il est inquiétant de découvrir sur certaines façades l’absence de coordination entre les différents ports marchands. Il est indispensable de reconnecter partout ports et territoires pour créer des projets communs de développement économique. Les ports sont des établissements publics, mais ils associent les places portuaires et, à ce titre, ils doivent bénéficier du recours à une représentation professionnelle spécialisée, véritablement acteur voire moteur dans le lobbying européen. Or, au cours de la mission, nous avons constaté que certains ports français se livraient à de rudes batailles sur le plan de la concurrence internationale, sans pour autant que soit envisagé le recours aux services de nos réseaux consulaires et diplomatiques et de nos opérateurs dédiés (en premier lieu Business France) pour les épauler.

Apporter la réponse adéquate à ces enjeux est, sans nul doute, un sujet politique, à l’échelle nationale, pour cultiver l’idée qu’il n’est pas de grande nation sans grands ports. Mais la puissance publique peut aller au-delà de ce premier niveau en confiant un mandat politique à l’échelle des axes de transport majeurs que sont les ports, afin de faire vivre les infrastructures entre elles et de participer à la mise en relation des territoires. Voilà qui constituerait une approche particulièrement innovante en matière de politique publique. La loi Notre a clarifié le couple stratégique État-Région en matière d’aménagement du territoire, en autorisant le recours au contrat multilatéral pour trouver une gouvernance adaptée à chaque grand territoire. Les parlementaires attendent des conférences territoriales de l’action publique et du Schéma régional d’aménagement et de développement durable des territoires le grand retour en France d’un aménagement concerté du territoire, conjuguant les échelles et adaptant la réglementation au projet du territoire.

Faire travailler ensemble et régulièrement les quatre Conférences régionales coiffant les quatre axes, cela permettrait progressivement de créer véritablement “une équipe de France du portuaire”, comme l’appelait de ses vœux le ministre Alain Vidalies devant l’association Seine-Nord Europe.

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