Parler de la route de la soie dans le monde actuel peut paraître déconnecté de la réalité économique. Le développement économique de la Chine est tel qu’aujourd’hui, l’empire du Milieu exporte des volumes gigantesques. Concevoir une voie ferroviaire qui pourrait supplanter le maritime n’a pas de sens pour les analystes. Pour le président et fondateur de la Chambre internationale de commerce de la route de la soie, Jianzhong Lu, « la route de la soie est une voie d’échange du commerce sino-européen ».
Les bases sont là
Plus qu’une véritable infrastructure ferroviaire, la route de la soie, présentée lors du Club des ports du Crans Montana Forum le 30 juin à Vienne, doit être appréhendée comme un concept de connectivité des continents. « La route arctique intéresse le monde des transports. Le passage du Nord-Est pourra devenir une réalité dans quelques années. Cette nouvelle route Nord doit s’accompagner d’une autre solution multimodale avec la route de la soie », a souligné Jianzhong Lu. Il imagine que demain, des produits pourront transiter de l’Asie vers l’Europe par le ferroviaire en utilisant les différents réseaux en place. Un système qui existe déjà. Mircea Ciopraga, secrétaire général du corridor de transport entre l’Europe, le Caucase et l’Asie (Traceca), a rappelé que le concept de liaison entre les pays d’Extrême Orient, d’Asie centrale et d’Europe est en route depuis la signature en 1998 de l’accord de Bakou qui intègre 13 pays depuis la Bulgarie jusqu’à la frontière chinoise. « Notre objectif est de fournir une solution multimodale sûre et efficace », explique Mircea Ciopraga. En 2015, ce corridor a transporté 18 Mt. Sur le papier, cette solution paraît avenante. « Il faut néanmoins relativiser ce système ferroviaire. Il faut envisager une approche plus globale de ce corridor et l’Europe doit intervenir comme un membre dans Traceca », a souligné Maria-Magdalena Grigore, secrétaire d’État aux transports de la Roumanie. « Certes, a-t-elle continué, la Roumanie est membre de Traceca, mais il faut que les projets autour de Traceca deviennent une réalité. Il faut faire de ce corridor un espace où les barrières administratives sont levées. »
Un point de vue partagé par Siddique Khan, président de Globalink Logistics group. « Après l’explosion de l’URSS, les républiques d’Asie centrale se sont retrouvées dans la situation des pays enclavés avec les difficultés qui en découlent. Nous avons décidé de créer Globalinks Logistics Group au Kazakhstan afin de trouver des solutions de transport pour les industries de ces pays. »
Perte de temps administrative
En 2010, les premiers essais de trains entre l’Europe et la Chine ont été réalisés avec le concours de la Deutsche Bahn. Le premier train a mis 22 jours pour relier la Chine à l’Europe. Aujourd’hui, le temps de transport est réduit à 14 jours. « Nous avons dû régler un problème de taille: arrêter de perdre du temps pour les documents administratifs. La moitié de notre temps de transport était consacrée aux relations avec l’administration des différents pays traversés. » Si une partie de ces attentes est résolue, il reste encore des points à améliorer. « La route de la soie est un concept de transport ferroviaire et routier pour relier par la terre l’Asie et l’Europe en utilisant les différentes sociétés ferroviaires des pays traversés », continue Siddique Khan. Un concept qui ne viendra jamais en substitution du maritime. « La philosophie de ce projet est de proposer une solution où l’interopérabilité et l’intermodalité des transports ferroviaires régneront », a indiqué Jean-Pierre Loubinoux, directeur général de l’UIC (Union internationale des chemins de fer). Destinée à répondre à une attente des chargeurs pour les biens à forte valeur ajoutée, la route de la soie ne vient pas en concurrence du maritime.
Pour les différents intervenants, sur la route de la soie imaginée aujourd’hui, de nombreux investissements sont réalisés dans les infrastructures. « Les gouvernements ont beaucoup investi sur les infrastructures classiques. Il faut désormais prévoir des sommes pour développer la dématérialisation des documents et accélérer les processus douaniers pour la fluidité du commerce », ont reconnu les acteurs du projet.
« L’homme a trop souvent construit des murs et pas assez de ponts », a rappelé Jean-Pierre Loubinoux en citant Newton. Et pour Mohammed Saeidi, président de Irisl, compagnie maritime iranienne, le poids de l’Iran dans cette route de la soie prend une nouvelle dimension. « Nous pouvons être une porte d’entrée pour les pays enclavés d’Asie centrale, mais aussi un point nodal dans le cadre de cette route de la soie. »