Le principe selon lequel le silence de l’autorité administrative valait rejet d’une demande a été inversé par le législateur pour valoir aujourd’hui acceptation, mais on regrettera que plusieurs décrets aient instauré un nombre important d’exceptions parmi lesquelles les demandes d’autorisations d’occupation du domaine public.
En raison de la diversité des activités et situations auxquelles ils sont confrontés, les gestionnaires de ports sont souvent préoccupés par la complexité des règles de droit, craignant la remise en cause d’un projet, l’annulation d’un tarif, la responsabilité de leur établissement, voire leur responsabilité personnelle. Sous le régime des Ports autonomes, la présence d’un représentant du Conseil d’État était prévue dans chaque conseil d’administration. Ce n’est plus le cas à présent au sein du conseil de surveillance des Grands ports maritimes. Certes, il est toujours possible de proposer au préfet de solliciter l’avis du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel sur une question de droit, mais cette faculté est peu utilisée en pratique.
Le droit de l’environnement constitue une branche du droit délicate à appréhender, eu égard à l’application des principes de prévention et de précaution, ainsi que des règles à la fois nationales et européennes. S’agissant des ports maritimes, leur implantation sur le littoral ou dans les estuaires ne fait que renforcer l’incertitude quant à la légalité des projets tant leur opportunité dépend d’une appréciation subjective de normes imprécises.
Le droit commun n’est pas toujours applicable aux ports maritimes, car les normes qu’il impose aux installations impliquant une autorisation administrative ne sauraient s’appliquer aux navires en particulier transportant des hydrocarbures ou du gaz, sous peine de leur interdire l’accès aux plans d’eau portuaires. Le Conseil d’État a adopté une doctrine libérale en considérant qu’un aérodrome pris dans sa globalité ne constituait pas en tant que tel une installation classée. Le même principe semble applicable aux ports, mais il faut attendre que la jurisprudence se prononce.
Caractère normatif et assouplissement
On évoque souvent la rigueur de la loi prise dans son sens générique, pourtant tous les textes législatifs et réglementaires n’ont pas une valeur normative. C’est le cas de la loi relative au « Grenelle 2 » de l’environnement prévoyant que l’État « accordera, en matière d’infrastructures, une priorité aux investissements ferroviaires, fluviaux et portuaires tout en tenant compte des enjeux liés au développement économique, à l’aménagement et à la compétitivité des territoires ». Il ne s’agit que d’un objectif ne comportant aucune sanction s’il n’est pas atteint.
Même lorsqu’une procédure résulte d’un texte normatif, en cas de contentieux se rapportant à son application, le juge a la possibilité de ne censurer la décision en cause que si le vice procédural est « substantiel ». Ainsi, la circonstance faisant qu’une étude d’impact est incomplète n’entraîne pas automatiquement l’annulation de la décision autorisant la réalisation d’un projet.
La pluralité d’autorités compétentes
Tandis que jusqu’en 2004 il n’existait qu’une autorité de police portuaire, sans que l’intérêt pratique soit établi, les pouvoirs publics ont estimé qu’il y avait lieu, dans les ports gérés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, d’instituer deux autorités: d’une part l’autorité portuaire, et d’autre part l’autorité investie du pouvoir de police portuaire, sachant que sur le terrain ce sont pourtant les mêmes agents qui accomplissent les deux missions.
L’existence d’une police portuaire n’exclut pas la compétence des autorités chargées de la police générale. C’est ainsi que le maire exerce la police de la sécurité publique sur l’ensemble du territoire communal, notamment s’agissant de la lutte contre l’incendie, et ce, y compris dans les ports quel que soit leur statut juridique. Par ailleurs, l’évacuation de manifestants bloquant les accès d’un port relève de la police de l’ordre public assurée par l’État.
Le service public, une notion insaisissable
Pour faciliter l’interprétation de certains textes et en particulier des conventions internationales, les principaux termes utilisés donnent lieu à une définition. Ce n’est pas le cas pour le service public, il s’agit d’une expression relevant pour une large part du pouvoir d’appréciation discrétionnaire des pouvoirs publics. Pour le professeur Pierre Delvolvé, le service public est ce que l’autorité administrative a désigné comme tel.
Selon la jurisprudence, les activités portuaires concernent à la fois des missions de service public à caractère administratif (gestion du domaine public, exercice de la police, protection de l’environnement, réalisation des aménagements portuaires) et à caractère industriel et commercial (exploitation des outillages publics, pilotage et remorquage portuaires). À propos de l’intérêt de la distinction concernant la nature juridique des relations entre le gestionnaire du service et les usagers, on citera comme exemple la détermination de l’ordre juridictionnel compétent en cas de contentieux. Il y a une particularité concernant la distinction entre la notion d’usager du service public et celle de client d’une activité commerciale. Ce dernier a en principe une relation contractuelle avec le fournisseur d’une prestation, ce qui n’est pas systématiquement le cas pour l’usager.
Tandis qu’en 1944 le Conseil d’État avait qualifié la manutention portuaire d’élément du service public portuaire, il a fallu attendre 65 ans pour que la section des travaux publics de cette haute institution considère, de manière furtive, qu’il ne s’agit que d’une activité industrielle et commerciale.
En cas d’imprécision ou de silence des textes, le pouvoir d’appréciation des faits par le juge est particulièrement étendu. Le degré de connaissance qu’il peut avoir des activités portuaires est parfois déterminant pour la solution des litiges. La presse spécialisée est un précieux allié pour les magistrats et les avocats. La clarté et la consistance de l’information peuvent être de sérieux atouts pour le règlement des litiges, mais si ces critères contribuent à un procès équitable, les parties n’en tirent pas nécessairement le même intérêt.
Le code de la mer annoncé dans le dernier article de la loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue pourrait constituer un instrument de simplification du droit portuaire. Après tout, la naïveté peut être porteuse d’espoir.