Les ambitions du Maroc pour devenir un hub

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L’étude sur le transport maritime des marchandises au Maroc a été publiée le 15 mars par la direction des Études et des Prévisions financières, division du ministère de l’Économie et des Finances du Maroc. Elle analyse les flux maritimes du royaume entre 1993 et 2013, soit sur une période de 20 ans. Le rapport préconise plusieurs actions à mener pour les prochaines années.

Le Maroc dispose de douze ports de commerce qui ont réalisé environ 210 Mt en 2013. Quatre ports sortent du lot: Casablanca, Jorf Lasfar, Mohammedia et Safi. En 2008, Tanger Med est entré en fonction et s’est développé ces dernières années. Il représente à lui seul 108 Mt, soit 45 % de l’ensemble des ports du royaume. Au cours des dernières années, le trafic des ports marocains n’a cessé de croître. « Cette évolution, explique l’étude du ministère marocain, s’explique en grande partie par le dynamisme de l’économie marocaine entamé au cours de cette dernière décennie sous l’impulsion des différentes stratégies sectorielles (énergétique, OCP, Plan émergence, Plan Maroc vert, Halieutis), des réformes structurelles (libéralisation du secteur de la distribution des hydrocarbures) et du processus d’ouverture de l’économie nationale entamé par le Maroc. » Face aux projets de développement de l’industrie marocaine, et pour « mettre le Maroc au diapason de ses ambitions », une stratégie portuaire a été promulguée en 2012 afin d’augmenter les capacités des ports marocains pour répondre à l’augmentation de la demande nationale. Ainsi, à l’horizon 2030, les ports marocains devraient atteindre un trafic compris entre 290 Mt et 350 Mt.

Cette stratégie doit assurer un développement « harmonieux » des six pôles portuaires définis par le gouvernement: le pôle oriental avec le port de Nador, le pôle Nord-Ouest avec le port de Tanger et Tanger Med, le pôle de l’aire Kenitra-Casablanca, avec les ports de Cablanca, Mohammedia et Kenitra, le pôle Abda-Doukkala avec les ports de Jorf Lasfar et de Safi, le pôle du Souss-Tensift avec le port d’Agadir et le pôle des ports du Sud avec Tan Tan, Laâyoune et Dakhla. Au total, le gouvernement prévoit une enveloppe de 74 MdDHM (6,6 Md€). Cette régionalisation devrait permettre de créer une dynamique pour décongestionner les principaux ports et rééquilibrer les trafics avec les ports secondaires tout en restant sur des standards internationaux.

Quatre-vingt-six navires en 2015

Pour accompagner ce projet de développement, l’étude préconise une amélioration des services aux navires, du pilotage au lamanage sans oublier la manutention. L’étude montre aussi que le trafic conteneurisé s’est largement développé au cours des dernières années, passant de 561 000 EVP en 2004 à 2,5 MEVP en 2013. Un trafic qui s’est « essentiellement développé sur les courtes et les moyennes distances », continue l’étude du ministère marocain. Alors, la flotte nationale marchande revient sur la table. Avec une décroissance de 7 % par an en moyenne, la flotte marocaine représente 86 navires en 2015 pour 145 000 tpl. Parmi les causes de cette chute intervient la cession des vraquiers en 1994 mais aussi la fin de groupes armatoriaux marocains comme Comanav/Comarit ou encore le groupe IMTC. De ce fait, 93 % du trafic marocain est assuré par des compagnies étrangères. Les armateurs marocains n’ont pas su surmonter la concurrence des grands groupes internationaux maritimes comme Mærsk ou CMA CGM. Outre les questions du pavillon, l’effet social de la disparition de la flotte maritime marocaine a entraîné une partie importante des gens de mer vers le chômage. Parmi les pistes de solutions, l’étude préconise d’exporter des services maritimes au pavillon mondial. Elle suggère de modifier l’arsenal juridique pour faciliter la mobilité géographique des marins marocains.

Dans sa conclusion, l’étude du ministère des Finances et de l’Économie marocain préconise le rapprochement entre chargeur et armateur pour optimiser l’exploitation du pavillon national. Elle propose aussi de pérenniser le cabotage national des hydrocarbures au pavillon national et de l’élargir à d’autres segments comme les matériaux de construction. Cette exclusivité pourrait se faire sur des produits comme le charbon, le pétrole raffiné, le soufre ou encore le blé tendre, avec un quota déterminé comme par exemple les deux tiers en tonne-miles.

Par ailleurs, face à la proportion réduite de la flotte marocaine dans le concert international, le rapport suggère de créer un second registre incluant d’une manière progressive des segments du transport comme par exemple les vracs solides, avant de l’étendre aux vracs liquides. Et dans le même filon, il est envisagé de passer à une taxe au tonnage plutôt qu’un impôt sur les sociétés.

Imposer la taxe au tonnage

Ensuite, avec le développement de la construction navale dominée par les pays asiatiques, « il serait judicieux d’encourager dans un premier temps l’émergence de services de réparation voire de construction navale, en plus de l’ensemble des services connexes comme le financement, les assurances, la gestion technique des navires et des ressources humaines », indique l’étude.

Pour dynamiser la politique maritime du royaume chérifien, l’étude appelle à profiter de la possibilité d’affréter coque nue des navires pour les inscrire au registre marocain et de renforcer les formations maritimes pour permettre aux personnels d’entrer dans des secteurs portuaires. Autre secteur à développer, celui des banques et du financement pour y créer des produits dédiés. Un système pour permettre aux armateurs de bénéficier de l’amortissement anticipé qui favorise les déductions fiscales. Enfin, pour faire face à l’absence d’une politique maritime et portuaire volontariste, l’étude préconise la négociation entre le gouvernement, les administrations concernées et le privé afin de mettre sur pied des partenariats public-privé pour inciter le secteur privé à s’intéresser au secteur.

Le royaume du Maroc ne part pas de rien. Sur la période d’étude, qui court de 1993 à 2013, le Maroc a vu ses échanges commerciaux s’accroître et, par voie de conséquence, ses infrastructures de transport s’étoffer. Il a vu ses importations passer de 19,5 Mt à 43 Mt, soit une augmentation de 120 %. Dans le même temps, les exportations ont augmenté de 48 % à 24,5 Mt.

Cette croissance des échanges s’est accompagnée de l’arrivée de nouveaux partenaires commerciaux. L’Union européenne, qui a représenté 77 % en 1990, n’entre aujourd’hui qu’à hauteur de 60 % dans les exportations. La même tendance se décline dans les importations où l’Union européenne est passée de 60 % à 51 %. « Cette diversification, certes bénéfique, implique des efforts supplémentaires en termes d’ouverture de nouvelles lignes maritimes à même de soutenir les ambitions du Maroc à s’ouvrir à de nouveaux marchés à fort potentiel de croissance », note l’étude du ministère.

Au cours des deux décennies, le trafic maritime marocain s’est à peu près calqué sur celui du trafic mondial. Depuis 2007, et notamment avec la crise économique de 2008, les effets de la crise se sont ressentis parfois plus durement au Maroc que dans le monde maritime. Ainsi, en 2010, la hausse du trafic a été plus forte au Maroc, à environ 16 %, alors qu’elle n’a été que de 7 % au niveau mondial. En sens inverse, la baisse de trafic mondial a été de 5 % en 2009 contre 12 % pour le Maroc sur la même année.

Du phosphate brut aux produits dérivés

En analysant en détail les trafics, il s’avère que les vracs solides représentent plus de 50 % des trafics des ports marocains. Le charbon, le phosphate et les engrais entrent aujourd’hui pour 67 % (contre 75 % en 1992). Les deux premiers courants ont enregistré des baisses au cours des dernières années. Principale ressource minérale au Maroc, le phosphate et ses dérivés ont vu leur structure de trafic se modifier au cours des dernières années. L’Office chérifien des phosphates (OCP) exporte de moins en moins de produits bruts pour privilégier les produits transformés. Ainsi, explique l’étude du ministère marocain, en 2013, les exportations de phosphate brut se sont élevées à 8,6 Mt, soit 33 % de la production et 40 % des exportations totales de l’OCP. Premier exportateur mondial de phosphate et troisième producteur derrière les États-Unis et la Chine, le Maroc a changé sa stratégie afin de réduire les effets de la cyclicité de ce produit. Désormais, l’OCP exporte plus de produits transformés que de brut et ancre son développement sur des marchés émergents comme le Brésil ou l’Inde.

Ainsi les engrais, issus de la production de phosphates, ont vu leur trafic croître régulièrement ces dernières années. De 2008 à 2013, ce courant a progressé de 13 % à 4,3 Mt. Une tendance qui ne devrait pas s’arrêter puisque les pays émergents comme l’Inde ou le Brésil restent encore demandeurs, mais aussi les États-Unis. La croissance de la population mondiale portera celle des engrais sur le long terme pour permettre à l’agriculture de répondre aux plus grand nombre.

Les céréales dépendent surtout de la production nationale. Sur les dernières années, la production céréalière s’établie en moyenne aux environs de 7,1 Mt. Pour répondre à la demande, le Maroc importe un peu plus de 5 Mt par an avec une part importante de blé et d’orge. Au cours des années passées, si le blé demeure le principal produit importé, le maïs est celui qui progresse le plus en proportion. Cette performance du maïs au Maroc tient à l’augmentation de la filière aviaire et notamment de l’aviculture. Et pour s’approvisionner, les opérateurs marocains se fournissent auprès de la France, de l’Argentine et du Brésil principalement.

Les importations de charbon ont enregistré la plus forte progression des vracs solides. Après une hausse annuelle moyenne de 15 % sur la fin des années 1990, de 9,8 % sur les années 2000, les importations de charbon ont baissé de 1 % sur la période de 2006 à 2013. Ces dernières années, les importations de charbon ont eu tendance à se réduire. Après avoir fait face à une demande exponentielle d’électricité, dont le charbon a été une source majeure, le gouvernement du royaume chérifien a sensiblement revu sa politique en mettant en place un mix énergétique où les énergies renouvelables prennent de l’essor.

Les effets du mix énergétique sur les trafics de charbon

Les importations de soufre, liées à la production d’acide phosphorique par l’OCP, ont atteint leur pic en 2010. Depuis lors ce courant régresse, mais les investissements prévus dans le complexe chimique de Jorf Lasfar et de Safi Phosphate pourrait redynamiser ce trafic.

Toujours dans les importations, les trafics d’hydrocarbures ont progressé de 3,7 % en moyenne sur les deux dernières décennies. Sur les cinq dernières années, les importations de produits pétroliers ont dépassé celles de pétrole brut. La libéralisation des importations de produits pétroliers en 2005 et les difficultés de la Samir (Société anonyme marocaine d’importation et de raffinage) ont fait plonger les importations de brut de 45 %. A contrario, l’essence a augmenté de 140 % sur la même période. Si la structure de ces flux a changé, la demande domestique en produits pétroliers a continué de croître avec l’économie nationale. Si les exportations marocaines de lubrifiants et de combustibles conservent les mêmes destinataires (États-Unis, France et Italie), l’industrie pétrolière marocaine se tourne plus facilement vers des pays comme le Sénégal, le Nigeria, les Pays-Bas, l’Espagne et Gibraltar. De nouveaux liens avec les pays africains comme le Sénégal et le Nigeria tendent à mettre le Maroc en avant sur le continent africain.

Enfin, dernier grand courant du trafic maritime marocain, les exportations d’acide phosphorique et les importations d’ammoniac. L’acide phosphorique, produit depuis le phosphate de l’OCP, constitue une des grandes richesses minérales du Maroc. Sur le plan mondial, le Maroc est le troisième producteur mondial. En 2013, ce flux a représenté 3,8 Mt, soit 18 % des trafics de vracs liquides, avec un taux de progression moyen annuel de 2 % sur les vingt dernières années. Dans le même temps, les importations d’ammoniac, entrant dans la composition des engrais, a augmenté régulièrement au cours des deux décennies. Ce flux provient essentiellement d’Ukraine, de Russie et d’Égypte.

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