Le décret « fixant les conditions dans lesquelles est acquittée l’obligation de capacité de transport établie par l’article L 631-1 du code de l’énergie » a été publié le 23 février. Ce texte marque l’aboutissement de la réforme de la loi de 1992 sur les approvisionnements énergétiques en discussion depuis au moins 2010 et réellement mise en œuvre par l’article 60 de la loi sur la transition énergétique du 17 août 2015. L’une des décisions principales de cet article porte sur l’extension de l’obligation de pavillon aux produits pétroliers raffinés et non plus seulement au pétrole brut. Une évolution que les parties prenantes comprenant les partenaires sociaux et les représentants du secteur pétrolier – ceux-ci étant les assujettis à l’obligation de pavillon – ont finalement acceptée dans le cadre des discussions menées au cours des années avec l’État. Même si du côté des organisations syndicales, le regret demeure de ne pas voir figurer le gaz ou le charbon dans les produits concernés par l’obligation du pavillon. Une fois la réforme de la loi de décembre 1992 réalisée par cet article 60 de la loi sur la transition énergétique, il revenait au secrétariat d’État aux Transports de rédiger et de présenter un décret d’application. Une première version a fait l’unanimité contre elle la veille de la réunion d’un Conseil supérieur de la marine marchande, fin septembre, avec une lettre commune des partenaires sociaux aussi bien du côté patronal que syndical (voir JMM n° 4999). Le secrétaire d’État aux Transports avait alors décidé de surseoir à statuer sur le texte et annoncé une nouvelle phase de discussions. Celle-ci n’a visiblement pas permis d’évolution puisque lors du Conseil supérieur de la marine marchande du 17 décembre, l’ensemble des partenaires sociaux, syndicats de marins et d’employeurs, se sont formellement opposés au texte proposé. Cela n’a visiblement pas suffi et le décret finalement publié le 23 février, après une ultime version présentée en janvier, n’emporte définitivement pas l’adhésion des partenaires sociaux. Dans un communiqué diffusé le 26 février, Armateurs de France « déplore que le décret relatif à l’obligation de transport maritime et à la sécurité des approvisionnements énergétiques français ne réponde pas aux ambitions initialement affichées lors du vote de la loi sur la transition énergétique. Malgré nos demandes répétées, le texte ne contient aucune garantie sur le nombre de navires et d’emplois. Le texte ne permet ni de maintenir l’emploi ni d’accroître la flotte sous pavillon français comme initialement prévu ».
Rien sur la flotte stratégique
Pour la CGT, ce décret signe « l’enterrement complet des emplois de la filière pour les officiers et les personnels d’exécution ayant les compétences pour naviguer sur des navires pétroliers. Il ne comporte ni obligation d’emplois de marins français, ni sur le nombre de navires pour le transport de produits pétroliers raffinés, ni sur le pavillon français. Cela va amener la France vers une dépendance totale vis-à-vis d’autres pays pour son approvisionnement en produits énergétiques et stratégiques ». Du côté de la FGTE-CFDT, Joël Jouault explique que « pour les navires et les marins français, tout va maintenant dépendre des négociations entre armateurs et assujettis dans le cadre du contrat-cadre. Celui-ci relèvera toutefois du droit privé, ce qui n’est pas satisfaisant. Nous sommes loin des objectifs initiaux de la réforme de la loi de 1992: accord sur une révision à condition de voir figurer des garanties sur les emplois de marins français et les navires sous pavillon français. Rien non plus sur une flotte stratégique ». Sur ce dernier point, les deux syndicats fondent de derniers espoirs sur la loi pour l’économie bleue d’Arnaud Leroy adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 16 février. Programmée en lecture au Sénat à partir du 10 mars, cette loi pourrait se voir ajouter un amendement concernant la flotte stratégique. Si tel est le cas, il devra passer le cap de la deuxième lecture à l’Assemblée.