La Commission « craint » que la pratique des compagnies conteneurisées, consistant à publier leurs intentions en matière d’augmentation future des prix, ne puisse nuire à la concurrence et aux « consommateurs » (les chargeurs sans doute), en augmentant les prix de leurs services, à destination et en provenance de l’Europe, et en violation des règles de concurrence de l’Union européenne.
Quinze compagnies de transport maritime régulier par conteneurs ont « régulièrement annoncé leurs intentions en matière d’augmentation future des prix sur leur site web, dans la presse ou par d’autres canaux ». Sont concernées: China Shipping, CMA CGM, Cosco, Evergreen, Hamburg Süd, Hanjin, Hapag Lloyd, HMM, Mærsk, MOL, MSC, NYK, OOCL, UASC et ZIM.
La pratique de l’annonce générale
Ces annonces de prix, connues sous le nom d’annonces d’augmentation générale des taux ou annonces GRI, ne mentionnent pas le tarif final fixe du service concerné, mais seulement le montant de l’augmentation en dollars US par EVP, la route commerciale concernée et la date de mise en œuvre envisagée. Il s’agit en général de hausses « considérables », s’élevant à plusieurs centaines de dollars par EVP.
Les annonces d’augmentation générale des taux ont lieu « habituellement trois à cinq semaines » avant la date à laquelle il est prévu de les mettre en œuvre, et pendant cette période, une partie ou l’ensemble des autres transporteurs annoncent des intentions similaires de hausse des taux, pour la même route ou une route semblable et pour la même date de mise en œuvre ou une date proche. Des annonces de hausse générale des taux ont parfois été reportées ou modifiées par certains transporteurs, « peut-être » pour les aligner sur les augmentations annoncées par d’autres transporteurs, suppose la Commission européenne qui ne s’interroge pas sur la faible utilité pratique de ces annonces. Elle « craint » que les annonces d’augmentation générale des taux ne fournissent pas une information complète sur les nouveaux prix aux « clients », mais permettent « seulement aux transporteurs d’étudier leurs intentions mutuelles en matière de tarification et de coordonner leurs comportements ».
De tels agissements « enfreindraient l’interdiction des pratiques concertées » entre entreprises, prévues par les règles de concurrence de l’Union européenne (UE) et de l’Espace économique européen (EEE) [article 101 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) et article 53 de l’accord EEE].
Les engagements proposés
Pour répondre aux préoccupations de la Commission, les transporteurs ont proposé les engagements suivants:
– ils cesseront de publier et de communiquer des annonces de hausse générale des taux, c’est-à-dire des adaptations de prix exprimées uniquement sous la forme d’un montant ou d’un pourcentage d’adaptation;
– pour que les « consommateurs » puissent comprendre les annonces de prix et s’y fier, les chiffres annoncés par les transporteurs bénéficieront d’une transparence accrue et incluront au moins les cinq éléments principaux du prix total (taux de base, surcharge combustible, surcharge sûreté, THC, et surcharge haute saison, le cas échéant);
– toutes les annonces de ce type que les transporteurs feront à l’avenir leur seront contraignantes, en tant que prix maximaux pour la période de validité annoncée (les transporteurs conservant cependant la possibilité de proposer des prix inférieurs à ces plafonds);
– les annonces de prix ne seront pas faites plus de 31 jours avant leur entrée en vigueur, c’est-à-dire habituellement le moment où les clients commencent à effectuer des réservations en quantités importantes;
– les engagements proposés par les parties incluent deux exceptions, dans des situations qui ne sont guère susceptibles de donner lieu à des problèmes de concurrence. Plus précisément, les engagements ne s’appliqueront pas: 1) aux communications avec des acheteurs qui ont conclu une convention de taux pour la route visée par la communication, pour autant que cette convention soit en vigueur à la date en question; et 2) aux communications faites au cours de négociations bilatérales ou aux communications conçues en fonction des besoins d’acheteurs spécifiques identifiés.
– les engagements s’appliqueraient pendant une période de trois ans.
Un résumé des engagements proposés a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 16 février (C60/7). Les parties intéressées disposent d’un délai d’un mois à compter de la date de leur publication pour formuler leurs observations. Le texte intégral des engagements sera disponible sur la page web consacrée à l’affaire; uniquement en anglais, qui n’est pas nécessairement la langue de tous les consommateurs…
Rappel de procédure
L’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et l’article 53 de l’accord EEE interdisent les accords et les pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter les échanges, d’empêcher ou de restreindre la concurrence. L’article 9 §1 du règlement n° 1/2003 permet aux entreprises concernées par une enquête de la Commission de proposer des engagements afin de répondre aux préoccupations de la Commission et l’habilite à rendre ces engagements obligatoires pour les entreprises par voie de décision.
En vertu de l’article 27 §4 dudit règlement, la Commission, avant d’adopter une telle décision, doit donner aux tiers intéressés la possibilité de présenter leurs observations sur les engagements proposés.
La Commission a ouvert une procédure formelle pour examiner la pratique consistant à publier des annonces d’augmentation générale des taux en novembre 2013. L’enquête avait débuté par des inspections inopinées en mai 2011.
S’il ressort de la consultation des acteurs du marché que les engagements sont de nature à répondre à ses préoccupations, la Commission pourrait adopter une décision rendant les engagements juridiquement contraignants pour les transporteurs (en vertu de l’article 9 du règlement n° 1/2003 de l’UE sur les ententes et les abus de position dominante). La décision conclut qu’il n’y a plus lieu que la Commission agisse sans établir s’il y a eu ou s’il y a toujours une infraction aux règles de concurrence de l’UE, mais contraint juridiquement les transporteurs à respecter les engagements qu’ils ont proposés.
Lorsqu’une entreprise manque à ses engagements, la Commission peut lui infliger une amende pouvant aller jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires annuel mondial, sans avoir à prouver l’existence d’une quelconque violation des règles de concurrence de l’U E.
De plus amples informations, dont la version intégrale des engagements, sont disponibles sur le site web de la Commission consacré à la concurrence, dans le registre public des affaires de concurrence, sous le numéro 39850, affirme la Commission. Le 16, il n’y avait que trois communiqués de presse à consulter.
Pas de reconnaissance de faute
Le JOCE du 16 février précise que les 15 compagnies concernées « contestent s’être livrées à la pratique » dénoncée par la Commission et « s’inscrivent en faux contre l’analyse juridique » faite dans un premier temps par la Commission.
Elles ont néanmoins proposé, sur le fondement de l’article 9 du règlement 1/2003, des engagements « de nature à répondre aux préoccupations » de la Commission relatives à des annonces concertées de hausses de prix. Les engagements de ces compagnies maritimes « ne sauraient être interprétés comme la reconnaissance d’une infraction » aux règles de concurrence.
La Commission ignore les rouliers
Si les transporteurs conteneurisés refusent toute reconnaissance de faute, la majorité des transporteurs de voitures a plaidé coupable au Japon, aux États-Unis, et, finalement, en Chine pour entente sur les prix et trucage des appels d’offres.
Des amendes de centaines de millions de dollars ont été payées. Seule la Commission européenne semble ne pas s’intéresser au dossier. Des visites inopinées avaient pourtant été effectuées en Europe, en septembre 2012.