Certaines notions n’ont pas de définition juridique précise, c’est le cas du terminal portuaire
Le choix du régime domanial
Dans les Grands ports maritimes, les terminaux sont exploités par des opérateurs privés, avec lesquels ces établissements publics passent des conventions de terminal. Hormis l’interdiction pour ces établissements publics métropolitains d’exploiter des outillages publics, le législateur n’impose pas le recours à ce régime juridique pour toutes les activités de manutention se déroulant régulièrement dans les ports.
Les conventions d’occupation temporaire du domaine public peuvent toujours être conclues entre l’autorité gestionnaire d’un port, quel que soit son statut, et des entreprises de manutention. Encore faut-il dans ce cas que l’encadrement et le contrôle des activités de celles-ci par ladite autorité ne soient pas trop rigoureux sous peine de qualifier le contrat de délégation de service public.
La Cour de justice de l’Union européenne considère que la manutention portuaire ne constitue pas un service d’intérêt économique général, tandis qu’aujourd’hui la section des travaux publics du Conseil d’État estime qu’en principe cette activité n’a pas le caractère d’une mission de service public. Cette doctrine permet de soutenir que les Grands ports maritimes disposent encore du choix du régime domanial pour la gestion de leur patrimoine foncier, et qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne porte atteinte à la liberté des prestations de services consacrée par le Traité de fonctionnement de l’Union européenne. En tout état de cause, l’exercice de la manutention portuaire est soumis au droit de la concurrence. D’ailleurs, l’Autorité qui est chargée d’en contrôler le respect est intervenue à diverses reprises pour rappeler cette obligation.
Le partenariat dans l’exploitation des terminaux
Il est expressément prévu par la loi que les Grands ports maritimes peuvent, sous certaines conditions, créer des sociétés filiales ou prendre des participations minoritaires dans des personnes morales de droit privé. La mise en œuvre de cette faculté résultant des pouvoirs de ces établissements publics peut rencontrer une opposition lorsqu’elle est confrontée à la compétence de l’Agence des participations de l’État.
La participation d’une Autorité portuaire dans le capital d’une entreprise exploitant un terminal peut donner lieu à un pacte d’actionnaires ayant pour objet de définir les relations entre ces derniers. Selon la Cour de cassation, ce type de convention est légal dès lors qu’il n’est pas contraire à l’ordre public. Toute atteinte à celui-ci suppose l’existence d’un trouble pour l’ordre social que constitue toute infraction à la loi. Ainsi, ce pacte ne saurait affecter les compétences de l’Autorité portuaire, ni porter atteinte aux règles de la domanialité publique, ou aux principes inhérents aux services publics. Par ailleurs, il doit être compatible avec le droit de la concurrence et les principes fondamentaux du droit de l’Union européenne comme la liberté des prestations de services, d’établissement, de circulation des capitaux…
La circonstance qu’un établissement public portuaire soit actionnaire d’une société commerciale n’a pas pour effet de qualifier de « in house » les contrats que celle-ci conclut avec lui. C’est-à-dire lorsque l’autorité publique exerce sur l’entité en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services, et si ladite entité réalise l’essentiel de son activité avec l’autorité qui la détient.
À propos de la manutention, même dans le cas de filiales de Grands ports maritimes, les activités sont exercées dans le cadre de relations contractuelles avec les chargeurs et les armateurs.
Dès lors, les conventions de terminal ou d’autres contrats comme les marchés de partenariat doivent faire l’objet d’une publicité préalable et d’un appel à candidatures. L’Autorité portuaire actionnaire d’une société candidate, en qualité de gestionnaire du service public portuaire, doit faire preuve de neutralité.
Dans l’hypothèse de la cession des outillages publics, si la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire a envisagé le transfert du personnel chargé de leur exploitation et de leur maintenance, les dispositions en cause ne sauraient s’étendre au personnel des Grands ports maritimes d’outre-mer, lesquels n’ont pas l’obligation de céder leurs outillages publics aux entreprises privées. Dans ce cas, il faut se reporter au droit commun. Les ports maritimes relevant des collectivités territoriales ou de leurs groupements ne sont pas non plus soumis à cette contrainte. Lorsqu’une Autorité portuaire est actionnaire d’une société de manutention, le pacte d’actionnaires ne pourrait, semble-t-il, avoir pour objet de traiter de la prise en charge ou de la remise à disposition de salariés.
Si le partenariat entre les Autorités portuaires et les opérateurs de terminaux peut, à certains égards, paraître souhaitable, il est cependant exposé à la confrontation entre le droit public et le droit privé. En outre, lorsque c’est le cas, il peut être soumis, pour la réalisation d’aménagements, à l’arbitrage du conseil de coordination interportuaire qui veille à la cohérence des projets des Grands ports maritimes. Le partenariat avec les Autorités portuaires demeure en liberté surveillée.
1) « Le cadre juridique de l’exploitation des terminaux pétroliers », L. Frédi, thèse Aix-Marseille 2006