Organisées par la direction technique Eau, mer et fleuves (ex-Cetmef) du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), avec l’aide de l’Union des ports français et de divers pôles de compétitivités, ces assises permettent de faire le point sur différentes problématiques. Pour 2015, la conférence nationale de la logistique de juillet et la perspective de la COP 21 ont fourni le cadre des présentations. L’ouverture « prospective » du préfet François Philizot, délégué interministériel depuis deux ans et demi, au développement de la vallée de la Seine, a été franche et contrastée. Rien de vraiment nouveau mais rarement exprimé.
« Spécificité française, les systèmes portuaires sont au mieux de taille moyenne, à l’échelle mondiale. » Avec la baisse des vracs, les graves difficultés de Glencore, « l’euphorie » est terminée, il faut « revenir sur terre ». La faiblesse de la croissance mondiale ne peut pas de pas avoir de conséquences sur le développement portuaire. La croissance de la taille des navires (sauf pour le pétrole brut) et de celle des alliances armatoriales constitue une contrainte pour les ports. Philippe Philizot a invité le village portuaire français à raisonner en termes de systèmes de transport, hinterland lointain compris. Un concept que l’on croyait disparu depuis longtemps. La logistique évolue très vite, a souligné le délégué, et les entrepôts semblent de nouveau se déplacer au plus près des consommateurs finaux. Pour des problèmes de coût de l’immobilier, les entrepôts à étage reviennent.
Concernant les systèmes d’informations portuaires (Cargo Community System), « nous travaillons à une convergence des systèmes havrais, marseillais et de celui de l’aéroport de Roissy afin, notamment, de mieux intégrer les chargeurs et les commissionnaires de transport ». Philippe Philizot a semblé s’interroger sur l’absolue nécessité de fluidifier le passage portuaire alors que les porte-conteneurs sont passés au slow steaming depuis la crise de l’automne 2008. Une information sur la durée du « stationné à quai » des conteneurs import clarifierait le débat. Les réceptionnaires de conteneurs sont-ils aussi efficaces que cela?
Au sujet de la consolidation des flux portuaires, il a suggéré de ne pas négliger l’existant comme le pétrole brut et les produits pétrochimiques, tout en restant attentif aux nouvelles tendances représentées par l’économie circulaire.
Pertes estimées, gains incertains
Si, dans ses conclusions, Claude Gressier, représentant du ministère de l’Écologie, a bien repris le thème de la baisse hautement probable des importations du brut et du charbon et la nécessité de revenir sur terre, il a rappelé que les flux conteneurisés seraient en croissance, bien plus faible qu’avant 2008 mais en croissance tout de même. Idem pour les voitures. Les énergies marines renouvelables offrent de nouvelles opportunités pour les ports qui sont situés à proximité des futurs champs d’éoliennes ou d’hydroliennes. Cela dit, personne ne s’est risqué publiquement à prendre une calculette pour estimer les pertes de recettes liées à la baisse des importations des énergies fossiles (qui ont largement subventionné les flux conteneurisés, ndlr) et les gains résultant des hausses réelles ou espérées des autres flux de marchandises et des loyers versés par les occupants du domaine portuaire privé. Les conséquences sur les flux import de diesel du scandale Volkswagen restent à déterminer.
Claude Gressier a également fait part d’une confidence d’Hervé Martel, d.g. du GPM du Havre selon laquelle un certain pourcentage des flux de marchandises diverses destinées à la région parisienne arrivent en conteneurs à Anvers. Elles connaissent une certaine ouvraison dans des entrepôts logistiques belges avant de gagner leur destination finale, le plus souvent en camion. L’action principale de la place portuaire havraise concerne donc d’abord les grands logisticiens européens qui contrôlent les flux. La lecture du plus récent classement par le Forum économique mondial des États les plus performants du point de vue économique laisse penser qu’il y a de sérieuses marges de progression pour convaincre les grands logisticiens: 1re, la Suisse avec un score de 5,76, l’Allemagne 4e avec 5,53, les Pays-Bas 5e avec 5,50, la Belgique 19e avec 5,20, la France 22e avec 5,13.
L’improbable révolte des ports
Olaf Merk, administrateur de l’OCDE et co-auteur du rapport de l’ITF/OCDE sur les impacts positifs et négatifs des très grands porte-conteneurs (JMM du 5/6, p. 12 et 13) en a rappelé les principales conclusions. Les différentes subventions dont bénéficient, dans le monde, les chantiers navals et les ports font que le transport maritime est « trop peu cher ». Il existe des surcapacités en matière de transport maritime et d’offres portuaires. Les économies d’échelle des très grands navires diminuent au fur et à mesure que la taille augmente. Cette taille est imposée aux ports qui doivent adapter leurs infrastructures et faire en sorte que les dessertes massifiées vers les hinterlands soient à même de traiter les pics de trafics. Il a donc invité les ports à « prendre conscience de leur puissance dans le rapport de force face aux armateurs » et à coopérer. Olaf Merk n’a pas précisé l’horizon raisonnable pour que des ports municipaux (Los Angeles, Long Beach, Anvers ou Rotterdam), régionaux (Hambourg) et nationaux arrivent à trouver une position commune vis-à-vis de Mærsk, MSC, CMA CGM et tous les autres (voir p. 15). En matière de lutte contre les subventions abusives versées à la construction navale, les premières discussions entre les membres de l’OCDE et la Corée ont commencé à l’automne 1989. L’accord s’est appliqué le 1er janvier 1996.
Dans l’après-midi, Éric Banel, délégué général d’Armateurs de France, a « répondu » à Olaf Merk: « Le gigantisme des navires est une donnée mondiale. Les ports doivent accepter cette réalité. » Par ailleurs, « les ports ne peuvent être qu’en concurrence ».
Olaf Merk n’a pas évoqué la table ronde organisée par l’OCDE en décembre 2014 sur la concurrence entre les ports et les liaisons terrestres avec l’arrière-pays, ni l’importance des émissions nocives générées par le transport maritime et le passage portuaire, importance estimée dans un « discussion paper » 2014-2020 rédigé par lui-même.
Plusieurs intervenants ont cru comprendre que les ports de Hambourg et Anvers ont commencé à faire entendre une petite voix s’opposant au gigantisme des porte-conteneurs. La Commission européenne pourrait judicieusement prendre en charge ce dossier en faisant bien attention à ne pas le « polluer » avec un sous-dossier comme la libéralisation des métiers portuaires.
La forte probable obligation, pour les Grands ports maritimes, de s’acquitter de la taxe foncière dont ils étaient exonérés depuis 1942 préoccupe beaucoup. En juillet 2014, le Conseil d’État a validé la position de l’administration fiscale qui avait exigé son paiement de la part du GPM de La Rochelle pour 2010 et 2011 (JMMdu 12/12/2014, p. 10 et 11). Quand la 2e puissance maritime s’apprête à se tirer une nouvelle balle dans le pied.
À la fin des assises, le préfet Claude Morel, depuis début juin nouveau directeur de cabinet du secrétaire d’État chargé des Transports, a rappelé que les contrats de plan État-régions 2016-2020 prévoyaient un accroissement de l’accessibilité portuaire ainsi que les nouvelles filières d’activités à soutenir. Le compte-rendu officiel des 5e assises seront lues avec attention, a-t-il ajouté. L’avenir s’éclaircit.
La centrale électrique flottante de Hambourg
Alors que, fin octobre, le GPM de Marseille-Fos devrait annoncer à grands renforts de communiqués que les trois postes à quai de La Méridionale disposent de leur branchement électrique, dans le Nord lointain, à Hambourg, circule depuis le 18 octobre 2014 le Bourdon. La barge Hummel (bourdon, en allemand) butine un paquebot de la compagnie Aida afin de lui fournir l’électricité nécessaire à chacune de ses escales estivales. Les cinq générateurs électriques sont entraînés par des moteurs Caterpillar qui brûlent tout ou partie des 15 t de GNL embarquées. La puissance maximale est de 7,5 MW en 11 kV, 50 Hz ou 60 Hz. Les émissions des moteurs sont très faiblement polluantes. En hiver, la barge fournit de la chaleur à qui voudra bien. Hummel est exploitée par la PME allemande Becker Marine Systems, mondialement connue pour ses volets articulés installés le long du bord de fuite des safrans. Le Bureau Veritas classe la barge autrement désignée LNG Hybrid. En septembre, son exploitant a signé un accord avec le port de Rotterdam afin qu’une nouvelle barge vienne fournir de l’électricité aux navires en escale en 2017.
Du 7 au 25 octobre, Hummel sera en représentation commerciale dans les ports de Copenhague, Rostock et Kiel.
Ses dimensions sont les suivantes: 76,7 m de long pour 11,4 m de large et environ 1,7 m de tirant d’eau. Elle n’est pas automotrice.
L’alimentation électrique du futur existe déjà en Allemagne.