Une centrale pétrochimique au Mexique, l’aménagement d’un fleuve pour le rendre navigable en Colombie, de nouveaux quais pour les minerais au Pérou, la construction du nouveau port de Mariel à Cuba, tous ces projets actuellement en chantier sont menés par la société brésilienne Odebrecht. Présente aujourd’hui dans douze pays d’Amérique latine (ainsi qu’en Afrique et en Asie), Odebrecht est la première du continent en matière d’ingénierie et de construction. Elle aménage et exploite aussi des centrales hydroélectriques, des routes et des ponts, des logements, des métros, des aéroports, des chantiers navals, des mines… L’an dernier, elle a facturé pour plus de 33 Md$ de chantiers à travers la planète.
L’arrestation de Marcelo Odebrecht, son grand patron, au mois de juin pour corruption et blanchiment d’argent, a surpris tout le continent. Il serait impliqué dans un réseau de pots-de-vin qui aurait coûté 2 Md$ à Petrobras, le géant brésilien du pétrole. Depuis juin, Marcelo Odebrecht dort en prison. Dans les pays où intervient sa société, un flottement a suivi son arrestation. Les chantiers allaient-ils se poursuivre? Et aussi: la corruption qu’on lui reproche au Brésil a-t-elle aussi porté sur les contrats obtenus dans les autres pays? Dans plusieurs de ces pays, la justice s’est mise à éplucher les contrats signés avec Odebrecht Infrastructure.
Menace d’annulation des contrats en Colombie
Au Pérou, le contrôleur général a mené des auditions sur le chantier d’une route interocéanique en cours de réalisation. Des irrégularités ont été relevées qui semblent indiquer un non-respect du contrat initial et les comptes-rendus d’auditions transmis au ministère public. En plus de cette route, Odebrecht construit également deux nouveaux quais et des hangars de réception pour les minerais, plomb, zinc et cuivre, sur les ports de Callao, à une quinzaine de kilomètres de Lima, et de Matanari, plus au sud. Là aussi, des vérifications sont prévues.
En Colombie, Odebrecht réalise de grands travaux routiers et surtout fluviaux, ces derniers visant à améliorer la navigabilité du Magdalena qui relie Bogota à Barranquilla, sur la côte atlantique. Le gouvernement a averti l’entreprise que si elle était condamnée pour corruption dans un autre pays, elle pourrait perdre son habilitation pour l’exécution de contrats de travaux publics dans le pays.
Au Mexique, c’est l’immense complexe Etileno XXI, construit par Odebrecht à Veracruz en joint venture, qui est dans l’œil du cyclone. Avec un investissement de 5,4 Md$, ce complexe pétrochimique sera le plus important du pays. D’autres grands projets sont menés par l’entreprise de BTP brésilienne dans le pays. La presse économique mexicaine se pose la question: « Est-il possible qu’une entreprise se comporte comme un délinquant dans son pays d’origine et comme un citoyen exemplaire dans un autre? » Interrogés par la presse locale, les dirigeants d’Odebrecht au Mexique se veulent rassurants: « La compagnie agit en totale indépendance dans chacun des pays où elle est présente. Pour cette raison, ce qui arrive au Brésil n’a aucun lien avec les affaires menées ici au Mexique. » Le maire de Veracruz a cependant promis une enquête sur le processus d’attribution des marchés. Mais la justice mexicaine ne marque aucun empressement à la mener.
Des comptes qui tombent trop juste
Au Panama, les critiques à l’égard de l’entreprise brésilienne avaient commencé à se faire entendre avant l’arrestation de son dirigeant. Là, le projet attaqué en justice concerne l’aménagement d’une autoroute côtière autour du Casco antiguo, la partie la plus ancienne de la ville de Panama. L’investissement s’élève à 777 M$. Dans un avenant au contrat est indiqué que plusieurs travaux prévus dans le projet originel sont finalement annulés et qu’ils représentent un montant précis de 4 690 180,50 $. Mais Odebrecht n’a pas eu à rendre un seul centime. En effet, dans le même avenant, des travaux imprévus sont ajoutés. Et leur coût est, par chance sans doute, de précisément 4 690 180,50 dollars…
Le scandale dans lequel est impliqué Marcelo Odebrecht rejaillit aussi indirectement sur Cuba. Le dirigeant a reconnu que le contrat pour la réalisation du port de Mariel, l’aménagement de voies ferrées et d’une autoroute entre le port et La Havane ainsi que la construction du nouvel aéroport de La Havane avait été facilité par l’ex-président brésilien Luis Inacio Lula da Silva. Celui-ci aurait usé de son influence pour favoriser la candidature d’Odebrecht. Cuba, à son habitude, reste coite.