Ce sujet éternel, depuis que les banques financent en tout ou partie les navires, a été traité par Me Ezio Dal Maso du cabinet Stephenson Harwood. Ces banques veulent tout et son contraire: des garanties sur les navires, certaines et facilement mobilisables; un registre d’exploitation souple en ce qui concerne les normes d’équipage, mais rigoureux en termes de sécurité juridique avec une fiscalité qui privilégie la taxe forfaitaire au tonnage mais refuse la mesure protectionniste du prélèvement à la source pour la banque non-résidente (Italie). Si en plus le contribuable, personne physique ou morale, prend à sa charge une Marine nationale capable de protéger un navire financé par une banque non-résidente, cela est encore mieux.
Ébola et droit de retrait
Concernant le danger maritime, entre autres, que représente le virus Ébola, Jean-François Rebora, d.g. de France P&I, a rappelé que le marin bénéficie d’un droit de retrait s’il estime qu’il s’expose à un danger « grave et imminent ». En pleine mer, lorsque le marin d’Europe centrale et d’Extrême-Orient apprend que son navire se dirige vers un port dont le pays est officiellement en proie à une épidémie, l’exercice de son droit de retrait semble très théorique.
Cybersécurité: le grand flou
Incontournable: la cybersécurité maritime ou non. Me Sébastien Lootgieter, du cabinet Villeneau Rohart Simon, a rappelé qu’en France une note technique du 25 février relative à la certification de sûreté d’un navire battant pavillon français précise que « lors de la rédaction de cette évaluation de la sûreté du navire, le CSO (Company Security Officer) intègre la notion de cybersécurité du navire […] afin de déterminer à l’issue de l’estimation le degré de vulnérabilité du navire dans ce domaine ». La cybersécurité étant définie comme un « élément périphérique » participant à la sûreté globale du navire, au même titre que la mise en œuvre d’une citadelle ou qu’une équipe privée de protection du navire. D’où la question restée en suspend: l’état de navigabilité du navire est-il réel si son exploitant met peu de moyens de protection en place alors qu’il ne peut plus maintenant soutenir que la menace lui est inconnue? Par parallélisme, un port est-il « sûr » si le système informatique de la place portuaire ne tient pas ou peu compte de menaces numériques? Quelle est alors la responsabilité du fournisseur?
Il y a à ce jour en France peu de produits d’assurance couvrant le risque numérique, qu’il soit lié au transport maritime ou non. D’autant plus que les assurances maritimes installées en France ont explicitement exclu ce risque de leur police corps de navires, tous risques depuis le 1er janvier 2012, a rappelé l’avocat.
Des critères communs de certification
Le traitement réservé aux sinistres étrangers laisse perplexe. Ainsi l’assureur CNA Financial Corp a-t-il refusé de couvrir les frais résultant du vol des dossiers médicaux de son client Cottage Health System qui était spécifiquement couvert pour cela. Raison invoquée: la faiblesse du niveau de protection de ces données sensibles. Tout le monde attend avec impatience la décision de la justice américaine qui a été saisie.
Impertinent, Sébastien Lootgieter s’est interrogé sur le rôle des sociétés de classification concernant les logiciels embarqués qui ne sont pas certifiés et pas toujours compatibles les uns avec les autres. Philippe Boisson, président de l’AFDM, par ailleurs conseiller juridique de la division marine du BV, a laissé comprendre que l’IACS réfléchissait à la définition de critères communs de certification numérique des logiciels embarqués. Le DNV GL semble avoir pris une certaine avance en la matière.
Ayant participé, dans les années 1990, à un groupe de réflexion sur les avantages et inconvénients du connaissement électronique, Me Patrice Rembauville-Nicolle a rappelé la conclusion: cette dématérialisation risque de devenir une source « considérable » de fraude. Il a invité le secteur du transport maritime à s’emparer de la protection de leurs systèmes et ne pas attendre que les États le fassent, d’autant que la « volonté des assureurs de ne pas payer » est manifeste.
La Fédération française des sociétés d’assurance réfléchit à cette problématique, a répondu Jean-Paul Thomas, directeur des assurances transports.
Alexandre Charbonneau, maître de conférences à la faculté de droit de Bordeaux a expliqué les difficultés à mettre en œuvre la convention internationale sur le travail maritime au Bénin et au Togo. Pourquoi ces États ont-ils ratifié ce texte alors qu’ils n’ont plus de marine marchande à vocation internationale et plus de marins du commerce naviguant sous leur pavillon?