Luno: le moteur chauffait trop

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Reprenant la mer après un arrêt technique de 22 jours et une attente au mouillage d’une durée non précisée, le Luno (100 m hors tout) se dirige à vitesse lente vers Bayonne. La météo est encore maîtrisable pour entrer au port. Le pilote est informé que le moteur principal est arrêté et que la barre est bloquée « tout à gauche ». En fait, il trouve le navire en black-out. Il informe le Cross et la capitainerie. À la demande du commandant, le pilote assure les liaisons avec la terre. Le moteur est relancé mais il ne doit pas être utilisé à plus de 40 % à 50 % de sa puissance nominale, prévient le chef mécanicien. Il stoppe à nouveau de façon définitive. Un remorqueur tente en vain de l’écarter de la digue. Le remorqueur est pris dans un train de houle qui le couche à 70o. Le Luno se brise en deux sur la digue. L’hélicoptère de la gendarmerie n’arrive pas à se positionner pour récupérer l’équipage. Ce dernier est sauvé in extremis par un hélicoptère de l’armée de l’air. Le pilote est le dernier à quitter le château. Un blessé à l’arcade sourcilière. Accident « très sérieux », selon la classification de l’OMI.

Le VDR autolarguable n’a pas été retrouvé. Les restes de la coque disponibles n’ont pas permis d’examiner le moteur et en particulier son système de refroidissement, prévient le rapport.

« La cause immédiate de l’accident est la présence d’air dans le circuit de refroidissement du moteur », concluent les enquêteurs. Ni l’équipage, ni les automatismes embarqués n’ont détecté la présence indésirable d’air dans le circuit jusqu’au dernier moment. C’est-à-dire lorsque le circuit de refroidissement ne refroidissait plus rien. La hausse de la température a dans un premier temps déclenché une alarme sonore et, quelques minutes plus tard, la sécurité protégeant le moteur, en coupant son alimentation en combustible. Après simulation des mouvements de la coque et analyse des témoignages de l’équipage, il apparaît que l’entrée d’air a pour origine la fréquente émersion des prises d’eau durant le voyage entre Pasajes et Bayonne. Ces prises d’eau ont été plus fréquemment à l’air libre à certains moments, notamment après 8 h 54 ce matin du 5 février. La prise d’eau haute de bâbord était « probablement » ouverte ou partiellement ouverte (ou restée ouverte après l’arrêt technique). L’équipage n’a pas vérifié la position ou l’état de la vanne.

Le circuit de refroidissement pourrait avoir été contaminé par une certaine quantité d’air du fait d’une purge insuffisante ou de son accumulation dans une zone inaccessible. Cet air a réduit la capacité de refroidissement du circuit sans conséquence visible jusqu’à ce qu’une nouvelle quantité d’air n’entre par les prises d’eau.

Trois autres facteurs ont « contribué » à l’accident, indique le rapport. Le chef mécanicien n’a envisagé aucune autre alternative en cas de nouvel arrêt du moteur principal.

« Apparemment », le commandant du Luno n’avait pas pris en compte la possibilité que se reproduise un nouvel arrêt du moteur principal car le chef mécanicien lui avait seulement recommandé de ne pas utiliser plus de moitié de la puissance du moteur et de demander l’assistance de remorqueurs. Il y avait un « évident » manque de communication entre ces deux responsables.

Enfin, la communication entre le navire et son exploitant n’a pas été « appropriée ». Le second n’a pas été assez rapide pour fournir une réponse permettant d’identifier les causes de l’échauffement et les solutions possibles.

Deux recommandations

Le BEAmer espagnol formule donc deux recommandations:

– revoir les procédures de la gestion de la sécurité, en particulier celles concernant les communications et la mobilisation des ressources disponibles. Cela concerne la liaison entre le navire et son exploitant tout comme les relations à l’intérieur de la compagnie et au sein des équipages.

« Ceci est essentiel dans les cas exceptionnels car l’effectif embarqué est déterminé pour gérer des situations normales. » Le BEAmer espagnol veut-il dire que le rôle d’équipage était très juste et que l’État d’immatriculation serait bien inspiré de revoir lui aussi ses procédures?

– reprendre les procédures opérationnelles en particulier les plus critiques afin de s’assurer qu’elles respectent bien les spécifications des constructeurs et les normes industrielles en vigueur.

Rappelons pour la bonne forme que la météo était mauvaise: vagues de 5 m à 7 m de hauteur significative, venant du 290o. Le facteur déterminant est bien la force et la direction du vent et des vagues. La forme de ce rapport est un peu surprenante. On recherchera en vain l’analyse des facteurs naturels, matériels et humains qui ont contribué ou non à l’accident, de façon certaine ou hypothétique à l’accident. Ont-ils été des facteurs déterminants, sous-jacents aggravants, etc.? Le code pour la conduite des enquêtes sur les accidents de l’OMI semble n’être encore qu’un concept pour le BEAmer de l’État d’immatriculation, pourtant membre de l’UE.

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