Nouvelles tensions en mer de Chine orientale

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Pour cette deuxième édition, les organisateurs ont voulu donner la parole à des experts indirectement concernés. Venant d’Inde, du Japon, d’Indonésie, de Russie, du Québec, de Grande-Bretagne, d’Italie et de France, ils ont souligné le risque grandissant de voir les oppositions historiques entre la Chine et le Viêt-nam, notamment, dégénérer en conflit armé. De façon disproportionnée, ces États s’équipent en armements lourds maritimes. Le Viêt-nam a commandé six sous-marins à la Russie. Ses équipages s’entraînent en Inde. Le programme d’armement naval de la Chine laisse perplexe sur les objectifs chinois.

Ces deux États se disputent le contrôle des îles Paracels (au Nord de la mer de Chine) depuis des siècles, en particulier pour leurs ressources halieutiques. Par ailleurs, la Chine, le Viêt-nam, la Malaisie, les Philippines et Brunei se disputent la souveraineté en tout ou partie de l’archipel des îles Spratly (au Sud) dont les réserves en hydrocarbures suscitent de grands appétits bien que non-confirmées à ce jour. Cet archipel est composé de 180 îlots, récifs et hauts fonds dont seulement 36 sont constamment émergés.

Au fil des siècles, les uns et les autres se sont installés sur les quelques petites îles plus ou moins habitables, puis en ont été chassés. La Chine estime qu’elle connaît les Paracels et les Spratly depuis le IIe siècle avant l’ère chrétienne. Le Viêt-nam remonte aux empereurs d’Annan pour justifier ses liens historiques. En 1974, la Chine chasse l’armée sud-vietnamienne des Paracels. Soutenu par la Chine, le Nord Viêt-nam reste discret.

Mauvaise tournure

L’histoire prend une mauvaise tournure en mai 2014 lorsque la Chine installe une plate-forme d’exploration dans les Paracels que le Viêt-nam considère comme faisant partie de sa ZEE. Des manifestations antichinoises violentes éclatent, plus ou moins spontanément. La Chine retire sa plate-forme. Depuis, des images satellite montrent que la Chine bétonne massivement – le terme diplomatique est « poldérise » – des hauts fonds afin d’en faire des îles « habitables ». La motivation se trouverait dans l’article 121 alinéa 3 de la convention internationale sur le droit de mer: « Les rochers qui ne se prêtent pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre n’ont pas de zone économique exclusive ni de plateau continental. » La Chine est prévoyante, d’autant que le Viêt-nam a demandé en décembre 2014 à la Cour internationale pour le Droit de la mer à La Haye d’examiner ses droits sur les archipels des Paracels et des Spratly ainsi que sur les ZEE et les plateaux continentaux rattachés à ces archipels. La Chine a rapidement prévenu qu’elle refusera de considérer cet arbitrage attendu pour 2016. Le ton monte, mais les deux États se limitent à des postures de garde-côtes et non pas de marines de guerre. Le dialogue entre les deux est toujours maintenu, souligne le professeur Éric Motter, de l’université du Québec. Il estime que le gouvernement vietnamien gère une partie de ses problèmes internes en utilisant la menace chinoise. Tout le monde constate cependant que la Chine rejette toute médiation multilatérale pour ne travailler qu’en bilatéral sur le plan diplomatique comme économique. Elle finance beaucoup de projets dans les États membres de l’Asean (Association of Southeast Asian Nations, constituée actuellement par Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Mayanmar, les Philippines, Singapour, la Thailande et le Viêt-nam). Face à une position ferme de l’Asean, la Chine reculerait, estime le professeur indien Baladas Ghoshal, mais cette position tarde à venir. Le libre passage en mer de Chine méridionale est très important pour le commerce maritime indien, a-t-il souligné. Le commerce indien n’est pas le seul concerné. Les revendications historiques des uns et des autres font sourire Baladas Ghoshal qui rappelle que l’océan Indien pourrait bien alors être revendiqué par son pays.

Accéder à la haute mer

Le contrôle de ces archipels est vital pour assurer à la Chine la continuité de ses approvisionnements maritimes et la pleine utilisation de ses bâtiments de guerre, souligne Vasily Kashin, directeur de recherche au centre d’analyse stratégique et technologique de Moscou. Cela lui permettra d’accéder sans contrainte à la haute mer. Cela rappelle l’obsession russe d’accéder aux mers chaudes. La Russie entend rester la plus « invisible » possible dans cette zone, précise Vasily Kashin.

L’attitude des États-Unis face à la Chine est encore incertaine et pousse les États de la région au sens large, Japon compris, à rechercher des alliances, estime Christian Lechervy, ambassadeur, secrétaire permanent pour le Pacifique. Les États-Unis ferment leurs bases dans le Pacifique « lointain » pour se replier au plus près du territoire national. L’Union européenne n’est pas perçue par les États du Sud-Est asiatique comme étant particulièrement légitime à agir dans la zone. Elle est surtout considérée comme une puissance économique et non politique. Ceci dit, il s’est créé depuis 1972 une habitude de se parler entre l’UE et l’Asean notamment pour gérer des situations de catastrophes naturelles, note Christian Lechervy. La France reste présente dans la zone pour des raisons historiques, économiques et politiques. La Marine nationale y fait circuler quelques unités.

D’ici un an environ il sera possible, pour le meilleur ou le pire, d’y voir plus clair avec l’arbitrage de la Cour internationale pour le Droit de la mer.

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