Les prix du gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe, en Asie et aux États-Unis ont été pris dans la tourmente de la forte baisse des cours du brut dans la deuxième partie de l’année 2014, a expliqué Évariste Nyouki, responsable recherche économique de GDF Suez Trading, lors de la convention de l’Association française du gaz (AFG), le 18 mars. Aussi, « les velléités de hausse des prix du GNL en Asie en début d’hiver ont été rapidement contrariées ».
Après avoir atteint un pic au-delà de 20 $/Mbtu en février, le prix du GNL en Asie est tombé à 8 $/Mbtu en décembre 2014. À ce niveau, le prix du GNL en Asie rejoint celui du GNL en Europe (6 à 8 $/Mbtu), voire même lui est inférieur. « En conséquence, les cargaisons de GNL et les navires reviennent en Europe, puisque l’effet attractif des prix asiatiques se réduit ». C’est un renversement de tendance, car entre 2011 et courant 2014, les importations de GNL en Europe ont été divisées par deux, passant de 64 Mt à 32 Mt. Le GNL européen a été dérouté pour 25 Mt vers le Japon et la Chine et pour 5 Mt vers le Brésil et l’Argentine. Selon GDF Suez Trading, le retour de flux plus élevés de GNL vers l’Europe pourrait se poursuivre en 2015. Cette situation n’empêche pas qu’au global, en 2014, le marché du GNL ait été « confortable », avec une consommation mondiale en progression de +2 % contre 1 % en 2013, tirée par les pays d’Asie et d’Amérique Latine.
Du côté de l’offre de GNL, 2 trains de liquéfaction sont entrés en service en 2014 en Papouasie–Nouvelle-Guinée et n’ont pas contrarié le rapport entre offre et demande. Toutefois, « la détente actuelle du marché du GNL pourrait être remise en cause avec l’entrée en service de nouvelles capacités de liquéfaction à partir de 2015-2016 », continue GDF Suez Trading. Entre 2015 et 2018, la capacité mondiale de liquéfaction devrait augmenter de 8 % en moyenne, notamment avec l’entrée en service de nouveaux trains aux États-Unis, Australie, Trinidad et Tobago. Concernant l’évolution de la consommation en GNL, GDF Suez Trading a présenté 2 scénarios sans se prononcer sur lequel il pourrait s’imposer. Le premier table sur une demande de + 9 % par an en moyenne sur 2016-2017, soit le taux moyen de progression enregistré entre 2006 et 2011: « Le marché du GNL resterait équilibré au détriment de la fourniture par gazoducs qui serait surapprovisionnée ». Le deuxième se fonde sur une demande de + 3 % par an en moyenne sur 2016-2017: « Il y aurait un surplus massif sur le marché du GNL ».
Rassurer les producteurs
Pour Geoffroy Hureau, secrétaire général de Cedigaz, le fait marquant d’ici 2035 en Europe va être la diminution de la production locale (− 37 %) et, logiquement, une hausse des importations de gaz. Et ce, malgré une consommation stagnante. La dépendance extérieure de l’Europe pour son approvisionnement en gaz passerait de 47 % en 2013 à 70 % en 2035.
En 2013, le GNL représente 8 % des flux gaziers à destination de l’Europe et pourrait atteindre 23 % en 2035. Le gaz en provenance de Russie par gazoducs pourrait passer de 30 % en 2013 à 36 % en 2035. « La dépendance entre la Russie et l’Europe est mutuelle », a assuré Cedigaz. De son côté, Fabrice Noilhan, responsable pôle Études et développement d’EDF a souligné: « Avec la volonté de la Russie de ne plus faire transiter du gaz par l’Ukraine, ce sont jusqu’à 50 Mdm3 de gaz qui doivent trouver d’autres voies pour arriver en Europe. Alors que les importations européennes vont augmenter, car les lieux de production s’éloignent du Vieux continent, il faut rebâtir une attractivité sur ce marché ». Selon EDF, pour faire venir davantage de GNL en Europe, « il faut rassurer les producteurs sur le niveau des prix et de la demande par des contrats de long terme ». Et comme le GNL revient depuis quelques mois en Europe, c’est maintenant qu’il faut assurer ce retour de manière pérenne. Il s’agit de « reconstruire un partenariat avec les fournisseurs et de redéfinir un cadre clair pour l’approvisionnement en gaz et le marché gazier européen ». Sachant que l’Europe est largement doté de terminaux méthaniers et en accueille toujours de nouveaux, par exemple en Lituanie en décembre 2014 ou en France à la fin 2015.