Le Club des ports africains du Crans Montana Forum s’est réuni le 13 mars dans la cité de Dakhla, au Maroc. Avec le développement du trafic vers l’Afrique, les intervenants ont débattu de l’importance des liaisons avec l’hinterland. « La modernisation des infrastructures est un sujet majeur pour l’Afrique dans sa globalité, mais encore plus pour les pays enclavés de notre continent », a commencé par expliquer Sérigne Thiam Diop, expert maritime qui a remplacé Alain-Michel Luvambano, le président du Club des ports africains, à la tribune de cette conférence. Il a commencé son exposé en dressant un constat peu réjouissant de la situation des transports terrestres en Afrique. Le ferroviaire est quasi inexistant pour le fret, le fluvial et les ports maritimes sont peu compétitifs et les accès routiers aux terminaux ne sont pas suffisants. « Au final, les coûts de transport terrestre sont les plus chers du monde », a continué Sérigne Thiam Diop. Pire, dès lors que le pays n’est pas pourvu d’un accès maritime, le coût du transport augmente exponentiellement. Selon des chiffres tirés de la Banque mondiale, le coût de transport d’un produit vers un pays enclavé est 46 % plus cher que vers un pays doté de littoral. « Le financement des infrastructures en Afrique est au centre des problèmes. Il faudrait que l’Afrique investisse 40 Md$ par an sur une décennie pour rattraper son retard », a continué Sérigne Thiam Diop. Et parmi les solutions, les intervenants ont cité la création de ports secs.
Toute la question de la fluidité du trafic repose sur le financement. « Nous avons la volonté de créer un chemin de fer entre Djibouti et l’Éthiopie, a souligné un responsable du ministère des Transports de Djibouti. Pour cela, nous avons besoin de trouver des partenaires financiers. »
Ces plates-formes dédiées à l’intérieur des pays et destinées à recevoir les conteneurs permettent un désengorgement des ports maritimes. Mais ce dispositif n’est pas unique et l’Afrique doit aussi regarder ce qu’il se passe dans ses ports maritimes.
Pour le directeur de Tanger Med Engineering, Youssef Imghi, la construction d’un port ne doit pas se limiter à l’espace de manutention. « Quand les ingénieurs construisent un port, ils le font dans un souci de lieu de transit sans toujours prendre en considération les problématiques autour. Il faut désormais davantage réfléchir en zone économique spéciale qu’en port, avec tout ce que cela suppose autour. » Et le directeur de Tanger Med Engineering va plus loin en souhaitant un partage de connaissances entre les différentes autorités des zones économiques spéciales.
Intégrer les zones économiques spéciales dans les ports
Les ports secs sont perçus comme un élément important pour la chaîne logistique. « Si celui qui vient nous soigner nous donne le mauvais traitement, la situation ne s’améliorera pas », a rappelé Ambroise Germina Banas, président du conseil d’administration de l’Oprag (Office des ports et rades du Gabon). Il a rappelé qu’il a existé au niveau de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) un plan de développement intermodal pour relier les différents pays par voie ferroviaire. « Nous sommes liés entre tous les pays et nous devons faire jouer la solidarité Sud/Sud pour nous développer », a appelé le président du conseil d’administration de l’Oprag. Une solidarité qui doit avant tout se manifester par la mise en place des premiers efforts au niveau national. « Nous n’obtiendrons pas d’aides si nous ne fournissons pas les premiers un effort et sans une coopération entre les pays africains », a rappelé Sérigne Thiam Diop.
À titre d’exemple, le Kenya a d’ores et déjà engagé des travaux dans ce sens. Il coopère avec les États d’Éthiopie et du Sud Soudan pour la construction d’une liaison ferroviaire qui desservira ces pays jusqu’au futur port de Lamu, au Kenya. Au Mali, pays enclavé, le directeur national des transports terrestres, maritimes et fluviaux au ministère de l’Équipement, des Transports et du Désenclavement, Malick Kassé, a plaidé pour que les corridors vers les pays enclavés soient plus fluides. « Il faut que le gouvernement soit partie prenante des ports secs. Nous devons nationaliser les ports secs », a lancé le responsable ministériel du Mali. Un concept qui n’est pas partagé par tous les participants. Néanmoins, les différents représentants politiques et économiques d’Afrique présents à ce Club des ports africains ont souligné que ces ports secs ne sont pas l’unique solution à la facilitation du commerce intra-africain. « Les ports secs ne présentent pas uniquement un intérêt pour les pays enclavés, mais aussi pour ceux disposant de ports maritimes », a indiqué Ambroise Germain Banas, président du conseil d’administration de l’Oprag. Le Gabon est d’ailleurs entré dans une réflexion pour construire des ports secs. Pour les Tchadiens, représentés par un responsable du ministère, toute la question de la fluidité du trafic dépend en large partie des infrastructures. « Nous avons besoin de routes et de transport ferroviaire, cela est indéniable. Nous avons aussi besoin d’une fluidité générale. Le Tchad, pays enclavé, souffre du manque de fluidité du trafic dans les ports. Les marchandises attendent parfois plusieurs semaines voire des mois, et cela malgré le fait que nous ayons signé des conventions internationales pour fluidifier notre trafic. » Pour remédier à ces engorgements et développer plus encore le commerce intra-africain et le commerce africain vers l’international, les pays ont besoin d’une solidarité internationale.
Recherche investisseurs
Pour le ministre de l’Économie nationale de la république démocratique du Congo (RDC), Modeste Bahati Lukwebo, la RDC est un pays semi-enclavé avec une situation particulière. Le seul port de sortie est celui de Matadi avec un tirant d’eau faible. « Nous cherchons des investisseurs sur le port de Banana. Nous exploitons 1/20ede nos réserves minérales et nous disposons de la seconde forêt au monde. Il faut trouver des investisseur pour développer ce port. » Actuellement, les exportateurs de RDC empruntent les ports kenyans pour expédier leurs marchandises. Un projet de pont reliant Kinshasa à Brazzaville est à l’étude. Il favoriserait les ports du Congo Brazzaville au détriment de ceux de la RDC.
Paris Africa Ports: les ports secs au cœur des débats
Les ports secs seront au cœur des débats de la première table ronde du Paris Africa Ports, qui se tiendra le 17 avril à Paris. Organisé par le Journal de la Marine Marchande le Paris Africa Ports recevra des représentants d’armateurs, de manutentionnaires, d’autorités portuaires et de chargeurs européens et africains. Pour tous renseignements et demande de participation, envoyer un mail à: