Les associations européennes des armateurs (Ecsa), des agents maritimes (Ecasba), de remorqueurs (ETA), des sociétés de dragage (Euda) ainsi que l’association internationale des compagnies de croisières (Clia) – sans oublier le World Shipping Council (dont sont membres bon nombre de compagnies cotisant à l’Ecsa via leurs syndicats nationaux) – en ont profité pour adresser à la Commission européenne une longue feuille de route. Il s’agit d’aider la Commission européenne à rédiger le rapport d’étape demandé par les États membres en juin, concernant la politique maritime de l’Union européenne (UE) jusqu’en 2018 et ses évolutions possibles au-delà.
Ces syndicats patronaux rappellent donc que le shipping (secteur hétérogène) est une activité internationale qui est confrontée à une concurrence de plus en plus « féroce ». Les armateurs ont donc besoin d’un régime fiscal européen stable et prévisible ainsi que d’un cadre réglementaire compatible avec les règles internationales afin de conserver leur compétitivité et d’assurer leur contribution au bon fonctionnement de l’économie et de la société de l’UE. Les règles internationales (y compris celles concernant l’environnement et la sécurité) qui doivent être adoptées par l’OMI afin d’assurer leur caractère mondial devraient promouvoir les standards les plus élevés pour le shipping mondial, « en cohérence avec les intérêts du secteur ».
Le discours de l’UE sur la « durabilité » du maritime devrait être réévalué. Le shipping est le mode de transport le plus efficace en termes d’émissions par tonne/km et il transporte environ 90 % des volumes mondiaux. En ce qui concerne les émissions de CO2, ce mode n’est pas à l’origine du problème mais bien une partie de la solution. En favorisant le report modal passagers et marchandises sur le transport maritime, l’UE pourrait ainsi utiliser au mieux l’efficience énergétique du maritime. Ce secteur « ne se repose pas sur ses lauriers » et recherche activement les moyens de réduire son empreinte carbone et toutes les autres émissions polluantes. « Mais pour faire cela de façon efficace, les standards environnementaux européens devraient être alignés avec ceux du reste du monde. »
Besoin d’une main-d’œuvre qualifiée
Le secteur a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée, aussi bien en mer qu’à terre. Sans une nouvelle génération de navigants et de sédentaires, toute la filière maritime risque de perdre son savoir-faire. L’objectif principal doit être l’amélioration de l’attractivité de la profession de navigant. Cela peut être obtenu, entre autres, par « la réduction des formalités administratives, la lutte contre la tendance à la criminalisation des marins à la suite d’accidents ou contre les restrictions discriminatoires aux débarquements durant les escales ».
La mise en œuvre du marché unique n’a pas encore atteint tout son potentiel maritime car des lourdeurs administratives et douanières importantes pèsent sur lui. Cela prive l’Europe des bénéfices d’un réel espace de transport maritime sans frontière. Le transport maritime intra-européen est donc inutilement désavantagé par rapport aux modes terrestres.
Traiter les possibles restrictions abusives d’accès aux services portuaires et autres blocages constatés dans certains ports européens serait favorable à l’économie et au shipping de l’UE. En rendant plus attractif aux chargeurs l’accès au transport maritime intra-européen, l’UE ferait un grand pas vers son objectif de réduction de ses émissions de CO2.
L’Europe, un poids lourd commercial
Pour que le shipping reste un facilitateur du commerce, un fournisseur d’emplois et un secteur économique dynamique, l’Europe doit continuer à faire ce qu’elle fait le mieux: rester un poids lourd commercial. Les accords de libre-échange sont favorables à l’économie européenne et aux intérêts du secteur maritime, affirme-t-on, car ils assurent la prospérité dans l’UE grâce aux services proposés par le secteur. « Il est donc vital de s’assurer que la haute mer est sûre en éliminant toute menace de piraterie et de vols armés qui pèsent sur les équipages et les chaînes logistiques. »
Le manque de stations de réception de déchets d’hydrocarbures dans certains ports européens et autres problèmes de relève d’équipages non européens dans l’espace Schengen, sans parler des visas exigés par les passagers non européens souhaitant embarquer à bord de paquebots, retiennent l’attention du secteur. Ce dernier rappelle également aux États membres et à la Commission européenne que les équipages des navires marchands n’ont pas vocation à récupérer des centaines de migrants perdus en Méditerranée. Ils le font par obligation de porter assistance à toute vie humaine en mer mais, comme pour la piraterie, ils n’ont pas à se substituer aux États qui n’assurent pas leurs prérogatives régaliennes.
Immigration clandestine
En poste depuis le 1er novembre, la commissaire européenne aux Transports, Violeta Bulc, leur a répondu de façon plus générale mais a été précise en ce qui concerne l’immigration en Méditerranée: « Il est intolérable qu’un chimiquier soit obligé de recueillir à son bord un nombre de réfugiés plusieurs fois supérieur à celui de son équipage et sans pouvoir leur offrir un abri. Mais pour le moment, cela semble sans solution. Nous devons trouver les moyens de changer cette situation et travailler sur les causes de cette immigration, même si elles ne sont pas directement liées au transport. » Tout est dit, les armateurs et leurs équipages resteront en première ligne durant un certain temps…