Le navigant Enim a les mêmes droits que le sédentaire

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Dans le cadre du petit-déjeuner Shipping du 12 février, Maîtres Stéphanie Schweitzer et Christopher Brehm, du cabinet Holman Fenwick Willan, ont présenté la « nouvelle » responsabilité de l’armateur-employeur devant une trentaine de personnes.

C’est la décision du Conseil constitutionnel du 6 mai 2011 qui a permis au navigant immatriculé à l’Enim de bénéficier du même droit qu’un salarié sédentaire « ordinaire » en cas de faute inexcusable de son employeur en matière d’accident du travail (AT) ou de maladie professionnelle (MP). Avant cette date, seule la faute « intentionnelle » de l’employeur ouvrait la possibilité d’obtenir une indemnisation complémentaire à celles versées par l’Enim. Les choses se compliquent rapidement, au moins pour l’employeur et ses assureurs, car la décision du conseil constitutionnel est applicable même à des AT ou MP survenus avant mai 2011.

L’AT est défini comme étant un « événement imprévisible et soudain, survenu au cours ou à l’occasion du travail afférent au métier de marin ». Un accident survenu à terre lors d’une escale ou durant le trajet entre le domicile et le navire est donc bien un AT. Par contre, l’employeur peut plaider que la lésion a une origine totalement étrangère au travail. Symétriquement, la victime ou ses ayants droit peuvent plaider l’AT même si ce dernier survient en dehors du temps de travail (suicide, par exemple).

La maladie professionnelle est « essentiellement et directement » causée par l’exercice d’une activité professionnelle ou résultant d’une insuffisance de soins à bord. Toute maladie inscrite aux tableaux des MP est considérée comme étant professionnelle. Par contre, une maladie qui survient en mer n’est pas nécessairement une MP.

La faute inexcusable, notion dont les marins peuvent se prévaloir depuis septembre 2012, est constituée par un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité qui est une obligation de résultat et non pas de moyen. En d’autres termes, commet une faute inexcusable un employeur qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qui n’a pas pris les mesures pour l’en protéger. Exemple douloureux: l’amiante à bord. Sauf que la cour d’appel de Lyon, en septembre 2012, a donné raison à la SNCM qui soutenait qu’elle n’avait pas conscience du danger car elle n’était pas un professionnel de l’amiante, qui n’était pas en contact direct avec le marin. Cet arrêt a été cassé en novembre 2013.

Le non-respect des normes internationales ou nationales concernant la prévention des risques professionnels constitue également une faute inexcusable. Ainsi en serait-il de l’inobservance de la convention de 2006 sur le travail maritime, du code ISPS, du code du travail, etc. Pratiquement, l’absence du document unique de prévention comme de formation sont autant de fautes inexcusables de l’employeur.

En ce qui concerne les risques psychosociaux, l’employeur ne peut ignorer ou s’affranchir des données médicales afférentes au stress au travail et ses conséquences pour les salariés qui en sont victimes, estime la Cour de cassation dans un arrêt du 8 novembre 2012. Il commet une faute inexcusable lorsque, conscient des conditions particulièrement stressantes de travail et de l’incapacité du salarié à assurer l’exécution de ses nouvelles attributions dans des conditions satisfaisantes, il ne prend aucune mesure, précise la Cour de cassation dans un arrêt du 19 septembre 2013. Ceci écrit, tout suicide, par exemple, sur le lieu de travail, n’implique pas nécessairement une faute inexcusable de l’employeur.

Indemnisations complémentaires

En cas d’AT ou MP « simples », l’Enim prend en charge les indemnités journalières, les frais médicaux et, selon le cas, verse un capital ou une rente. En cas de faute inexcusable, le montant du capital ou de la rente est majoré selon le taux d’incapacité du salarié. Diverses autres indemnités (souffrance physique, perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle) sont versées par l’Enim qui fait l’avance de fonds pour le compte de l’employeur et de ses assureurs.

Enfin depuis 2010, d’autres frais peuvent également être pris en charge, toujours via l’Enim qui avance les fonds. Cependant, tous les coûts occasionnés par un AT ou une MP ne sont pas remboursés, même en cas de faute inexcusable. Ainsi en est-il par exemple des frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement.

Seul le tribunal des affaires de sécurité sociale est compétent pour fixer le montant des indemnisations complémentaires, et seulement pour cela. Il peut être saisi par la victime ou ses ayants droit. L’employeur et ses assureurs (pour que le jugement leur soit opposable) ainsi que l’Enim seront appelés en défense.

Sur un navire immatriculé au RIF, seuls les navigants relevant de l’Enim pourront invoquer la faute inexcusable. Concept différent de la notion de faute inexcusable en droit des assurances ou dans le code des transports.

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