Ebola: conséquences juridiques sur le transport maritime

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Sans sombrer dans la psychose, il est évident que des mesures sanitaires et de prévention doivent être prises par les acteurs maritimes. Les mesures restrictives et le risque d’expansion de l’épidémie d’Ebola sont de nature à compliquer l’exécution des transports. Quelques exemples seront retenus à titre d’illustration.

Refus de l’armateur de desservir les ports atteints par l’épidémie

Dans le cadre d’un affrètement à temps, il conviendra de déterminer si le port peut être considéré ou non comme « un port sûr », c’est-à-dire un « port que le navire en cause peut atteindre, utiliser et quitter, sans être exposé, sauf événement extraordinaire, à un danger qui ne pourrait être surmonté par une bonne pratique » (Eastern City, Queen’s Bench, 30 juillet 1958, LLR 1958.2.17).

Le seul fait qu’un pays soit atteint par l’épidémie n’impliquera pas nécessairement qu’un port de ce pays soit considéré en droit comme un « port non sûr ». Les parties à la charte devront analyser précisément les éléments de fait (notamment la fiabilité des sources sur les cas d’épidémie dans la zone concernée, les mesures prises par le port, les conditions du déchargement, etc.). En cas de litige, les arbitres ou les juges compétents tiendront compte de tous ces éléments de fait pour juger du bien-fondé ou non d’une décision de l’armateur de ne pas entrer dans un port et de la prise en charge d’éventuels frais supplémentaires (par exemple en cas de blocage du navire dans le port). Dans le cadre d’un affrètement au voya­ge, si le port est désigné dans le contrat, l’armateur ne peut pas prétendre que le port n’est pas sûr (la charte Synacomex 2000 le prévoit expressément). Que l’affrètement soit au voyage ou à temps, certaines chartes prévoient des « liberty clause » qui permettent à l’armateur de refuser de desservir un port dans certaines circonstances.

Retard

En cas de retard dû à des mesures d’inspection ou à une mise en quarantaine du navire, se posera la question de savoir si, pour un affrètement à temps, le loyer est suspendu (" off-hire ») ou non. Certaines chartes (Sheltime 4, par exemple) se réfèrent expressément à la période de quarantaine comme période de off-hire. La charte NYPE 46 ne contient pas une telle référence mais l’affréteur pourra tenter de soutenir que la mise en quarantaine devrait être considérée comme " toute autre cause » empêchant le fonctionnement normal du navire.

Pour une charte au voyage, la question se posera de savoir si le temps de planche peut commencer à courir ou non. La charte Synacomex 2000 prévoit qu’en cas de mise en quarantaine, le temps de planche ne court pas.

Réclamations sur le fondement du connaissement

En cas de dommage à la marchandise ou retard excessif, une action pourrait être engagée contre le transporteur sur le fondement du connaissement. Si les règles de La Haye-Visby s’appliquent, le transporteur pourra tenter d’invoquer les exonérations du fait du prince – article IV 2 (g) – et restrictions de quarantaine – article IV 2 (h).

Obligations de l’armateur à l’égard de l’équipage

En vertu des contrats de travail qui lient l’armateur aux membres de l’équipage, au-delà du droit applicable, ce dernier devra vérifier l’application du code ISPS et prendre toute mesure de protection et de prévention des risques.

Anticiper les problèmes dans les contrats à venir

Les organisations professionnelles, notamment le Bimco, ont édité des modèles de clauses dites Ebola, dont l’objet est d’anticiper les difficultés commerciales liées à cette épidémie (www.bimco.org). Les affréteurs seront enclins à exiger des armateurs des engagements sur la mise à disposition d’un navire n’ayant pas desservi pendant une certaine période les ports affectés par l’épidémie. Les armateurs chercheront quant à eux à minimiser le risque en assouplissant les critères leur permettant d’éviter les ports susceptibles de présenter un danger.

Enfin, il sera utile pour les opérateurs de se rapprocher de leurs assureurs pour prévoir une couverture adaptée à leurs risques.

Ce premier aperçu permet de mesurer l’importance des risques juridiques liés à l’épidémie d’Ebola et la nécessité de les anticiper en prévoyant des clauses contractuelles adaptées pour couvrir les difficultés résultant de cette situation.

État actuel de développement de l’épidémie d’Ebola

L’Organisation mondiale pour la santé (OMS) a décrété au mois d’août que l’épidémie de fièvre hémorragique Ebola frappant l’Afrique de l’Ouest était « une urgence de santé publique de portée mondiale ». Ce constat a été maintenu le 23 octobre, date à laquelle l’OMS comptait 9 936 cas de personnes atteintes de l’épidémie. Le chiffre de 5 000 décès serait désormais dépassé.

Malgré certains signes positifs comme l’arrêt de l’expansion de l’épidémie au Nigeria (20 octobre) et au Sénégal (17 octobre), l’épidémie est encore mal maîtrisée en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia, et l’évolution dans cette zone reste préoccupante (notamment au Mali).

La mise en place de mesures sanitaires dans le transport maritime

Le transport maritime est un vecteur évident de propagation de l’épidémie, d’où l’importance de mettre en place des mesures de protection pour les navires et leur équipage.

L’OMI a ainsi émis au mois de septembre des recommandations sanitaires pour aider à contenir une possible extension de l’épidémie à l’occasion des transports maritimes (circulaires no 3484 et 3485) et avant elle, trois organisations maritimes internationales (Itef, ICS et Imec) ainsi que l’administration des Philippines (POEA).

Les mesures de sécurité indispensables pour tout navire ont ainsi été rappelées, notamment le respect des mesures du code ISPS pour éviter que des personnes non autorisées montent à bord du navire pendant une escale au port, les exigences d’équipements protecteurs pour les membres de l’équipage, éviter les changements d’équipage dans les ports affectés, porter à la connaissance de l’équipage les symptômes de l’épidémie d’Ebola et la nécessité de reporter immédiatement au capitaine tout risque.

L’administration française a mis à la disposition des entreprises des recommandations pratiques sur la conduite à tenir devant un cas suspect et sur les mesures préventives à mettre en place dans les zones exposées (www.developpement-durable.gouv.fr/EBOLA)

Restrictions d’accès aux ports

Le 10 septembre , l’OMS et l’OMI ont adressé aux ministres des Transports, aux administrations portuaires et aux entreprises maritimes une lettre dans laquelle elles prennent position contre toute interdiction du commerce avec les pays affectés par l’épidémie d’Ebola. Elles ont dénoncé la panique déraisonnable suscitée par le virus et alerté sur les conséquences particulièrement néfastes pour les populations locales d’un arrêt du commerce avec ces pays.

Certains ports ont cependant interdit l’accès aux navires provenant d’un pays atteint par l’épidémie (à Pointe Noire), d’autres exigent une mise en quarantaine pendant une période correspondant à la période d’incubation (Douala et Gibraltar pendant 21 jours, Libreville et Dakar pendant 22 jours). À Cotonou, les navires passés par un pays atteint doivent subir une inspection en rade. Il est souvent exigé que les navires fournissent aux équipages des équipements adéquats (gants, masques).

À Hambourg, tous les navires passés par un pays touché dans les 30 derniers jours sont inspectés et si des membres de l’équipage présentent des symptômes de la maladie, le navire est mis en quarantaine. Les États-Unis demandent aux navires d’informer les autorités portuaires avant l’arrivée de tout symptôme de la maladie présenté par un membre de l’équipage. En France, le président de la République a annoncé le 23 octobre que des mesures accrues de contrôle allaient être prises dans les ports français.

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