Bien que représentant la puissance invitante, le chef d’État-major de la Marine (française), l’amiral Rogel, a pris la parole en premier pour rappeler une donnée de base: compte tenu de la vitesse de construction d’une marine de guerre, il faut se livrer à un périlleux exercice d’anticipation d’une trentaine d’années. La mer représente trois espaces différents, a-t-il poursuivi. Un espace nécessaire aux échanges marchands de biens et d’informations (internet passe essentiellement par des câbles sous-marins). Sept détroits sont des sources potentielles de menace sur les échanges. Ces derniers ne sont pas tous légaux, devant ainsi être combattus (drogues, armes, immigration illégale).
La mer est également un espace à très fort potentiel d’industrialisation grâce aux ressources minérales du sous-sol et halieutiques. Les premières sont déjà sources de tensions nationalistes en mer de Chine méridionale ou en Méditerranée orientale. La lutte contre la pêche illégale occupe beaucoup la Marine nationale dans sa dimension action de l’État en mer. Enfin, la mer permet un libre accès aux côtes, bien utile pour évacuer des populations civiles dans certains cas; au Liban en 2006 ou plus récemment en Libye. Ce qui suppose, a rappelé l’amiral Rogel, de disposer de moyens nautiques adaptés.
À horizon 2025, l’une des « intuitions » du chef d’État-major de la Marine (CEMM) française est qu’il faudra pouvoir se déployer sur tous les océans et pour de longues durées. Même en repositionnement des navires au plus près des zones potentielles de crise, « il sera impossible de tout faire, tout seul ». D’où la nécessité d’être interopérable avec le plus grand nombre.
Autre nécessité justifiant de coopérer avec le plus grand nombre, l’acquisition de renseignements terrestres et surtout maritimes.
Cela exprimé, l’amiral Rogel est passé rapidement sur les moyens de conserver à la fois une force sous-marine nucléaire et des « outils de souveraineté » que sont les patrouilleurs de moyen tonnage.
Ressources contre moyens navals
Le contexte africain est plus régional et se décline en trois points, a rappelé le contre-amiral Cheikh Bara Cissokho, CEMM sénégalaise: il s’agit de protéger les ressources marines, de garantir la sécurité du transit des navires dans les eaux territoriales et de bien encadrer le fonctionnement des gardes armés privés.
Pour fixer les idées, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée représente une perte de recette de 290 M$ pour le Sénégal qui n’a pas les moyens d’intervention pour y mettre un terme.
Concernant le risque de conflit territorial lié à l’offshore profond, les marines nationales occidentales offrent une solution « temporaire » en attendant le renforcement des moyens africains. Compte tenu des réalités financières et géographiques de l’Afrique de l’Ouest, une solution pourrait être le « troc », moyens navals contre pêche ou ressources minérales, a suggéré le contre-amiral sénégalais. Le suivi des armes et des munitions des gardes armés privés est souhaité ainsi que la définition précise des règles d’engagement.
L’industrie espagnole de la pêche est la première en Europe, a souligné le CEMM espagnole (les intérêts français en savent quelque chose et pas uniquement en Atlantique ou en Méditerranée). Cela oriente le champ d’actions de la Marine espagnole. En 2013 est paru en Espagne un livre blanc de la sécurité maritime définissant des zones plus particulièrement à risques: à savoir les Caraïbes, l’Arctique et le golfe de Guinée.
L’interopérabilité avec les autres marines est une nécessité.
Le Sud Atlantique brésilien
Outre ses 7 500 km de linéaires de côtes, le Brésil dispose d’archipels situés à plus de 1 000 km de son littoral et à 1 824 km de la côte ouest-africaine. La ZEE est donc conséquente (3,540 Mkm2 en ne considérant que la zone des 200 Miles) et, compte tenu des gisements pétroliers en exploitation, mérite toute l’attention de la Marine brésilienne, a rappelé l’amiral Juilio Soares de Moura Neto. En 2004, elle a lancé le programme « Amazone bleue » pour sensibiliser la population à l’importance des richesses que peuvent receler les eaux et le sous-sol marin brésiliens. De proche en proche, le Brésil a établi des liens avec les États africains atlantiques, d’abord lusophones, et a passé des accords de coopération avec ses voisins sud-américains, remontant jusque dans les Caraïbes. Un système de suivi du trafic maritime commercial (Sistram IV) est opérationnel et concerne tous les navires de commerce.
Le pays est progressivement sorti de sa zone d’influence naturelle en signant des accords de coopération avec l’Italie et Singapour. En février 2011, le Brésil a assuré son premier commandement de la Finul-Marine Task (force intérimaire des Nations unies au Liban).
La Marine brésilienne poursuit le développement des accords de coopération, de préférence en bilatérale.
Un nouveau mode de fonctionnement semble donc se renforcer pour les Marines qui ne disposent pas des moyens de l’US Navy.
Marsur opérationnel
Le 28 octobre, au Bourget, en présence de 18 officiers de Marine représentant les 17 États-membres concernés et la Norvège, la directrice générale de l’Agence européenne de défense, Mme Claude-France Arnould, a officiellement coupé le ruban symbolisant la mise en service opérationnel de l’interface Marsur (Maritime Surveillance). Démarré en septembre 2006, ce programme a pour objectif de faire en sorte que les 18 marines de guerre puissent échanger, sur une base volontaire, des informations, tout en ménageant les coûts et les susceptibilités nationales. Concrètement, le programme Marsur permet d’interfacer les systèmes informatiques qui sont utilisés par chaque Marine et ainsi de permettre les échanges d’informations entre systèmes incompatibles: image de navires suspects ou de la progression d’une pollution, etc. Pour l’instant, les informations relevant de la Défense nationale ne sont pas partagées. L’interface Marsur n’est pas réservée aux Marines nationales. D’autres systèmes informatiques nationaux pourraient être interfacés, si les États membres le souhaitent, d’autant que l’organisation de l’action de l’État en mer varie d’un pays à un autre.
Canon à eau mobile et autonome
On trouve de tout au supermarché de l’armement naval: depuis les dispositifs antivibratoires jusqu’aux porte-avions en passant par les sous-marins et les munitions les plus performantes. Quelques fournisseurs proposent également des systèmes d’armes non-léthales comme les canons à eau embarqués sur des drones plus ou moins autonomes. Ainsi la société israélienne Rafael Advanced Defense Systems présente-t-elle une version plus puissante de son Protector. En service dans la Marine israélienne depuis au moins cinq ans, la première version du drone se limitait à des coques de 7 à 9 m embarquant un système de détection des cibles et de l’environnement du plan d’eau ainsi que de conduite automatique du flotteur. Quelques armes léthales complétaient la charge utile. Depuis 2012, Rafael propose une coque de 11 m équipée de deux moteurs pour augmenter la vitesse d’intervention et le rayon d’action ainsi que la résilience. Pour cette version, le constructeur insiste sur l’usage du canon à eau pour contrer certains types de menaces.
Interrogé sur la pertinence que ces engins, Stéphane Papillon, spécialiste français de la sûreté des navires marchands, ne voit pas bien l’utilité de ces derniers pour lutter contre les actes illicites au large de la Somalie. Par contre, pour protéger des plates-formes pétrolières ou des navires marchands transitant dans le golfe de Guinée, ces drones pourraient avoir une certaine utilité. Leurs cibles étant désignées par les radars de la plate-forme ou ceux installés le long du littoral. Encore faudrait-il que les États côtiers, en particulier le Nigeria, acceptent leur présence.
Si l’on en croit l’US Navy, le niveau d’automatisation des drones maritimes est tel qu’ils peuvent agir en « meute ». Au mois d’août, l’US Navy a réalisé un test de protection, en zone restreinte, d’un navire de haute valeur par une meute de 13 drones fonctionnant de façon totalement automatique. Après le déclenchement de l’alerte, ils devaient s’interposer entre le navire supposé « ennemi » immobile et l’unité à protéger, et non pas utiliser leurs armes.
Le scénario du prochain test sera de simuler une attaque faite par plusieurs navires en mouvement avec une meute de 20 drones marins.
Lorsque des drones du pays A se battront contre des drones du pays B, l’humanité aura progressé.
Parmi les armes léthales embarquées, outre la traditionnelle mitrailleuse lourde, le site américain