Le Portugal, qui a présenté récemment son plan stratégique pour les transports et infrastructures 2014-2020, tenait à organiser cette rencontre professionnelle afin de mieux faire connaître sa position intéressante entre l’Atlantique et la Méditerranée. Surtout, la conférence a été l’occasion de découvrir en avant-première le résultat de l’enquête menée par l’European Shortsea Network (ESN) et réalisée par les 22 bureaux de promotion qui compose l’ESN. Un travail de titan qui a commencé en septembre 2012 et qui aborde les différents aspects du dossier shortsea, avec une importante composante statistique. La Conférence de Lisbonne s’est tenue dans un climat plutôt serein après la déclaration d’Athènes, le 7 mai, des ministres européens des Transports qui se sont clairement prononcés en faveur du développement du transport maritime à courte distance (shortsea shipping). Les ministres européens ont en effet envisagé un soutien à la mise en conformité des navires shortsea avec les réglementations, comme la directive soufre qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2015. Le shortsea représente aujourd’hui 37 % du total du trafic maritime de marchandises intra-européen. La Méditerranée, avec 28,4 % de ce trafic, devance de justesse le Nord, avec 26,1 %. Mais malgré le poids évident du secteur, les rapporteurs de l’enquête de l’ESN se montrent prudents. Selon John Corres, président de l’ESN, s’il est vrai que les systèmes intermodaux ont progressé et que le shortsea s’inscrit dans les corridors verts et le RTE-T, il n’en reste pas moins en retrait par rapport à l’expansion du transport routier et il est confronté à la fragmentation du littoral de l’Union européenne. John Corres a fait remarquer à ses interlocuteurs que la flotte est vieillissante, construite essentiellement dans la période du boum des années 2003-2008, et les marges bénéficiaires sont étroites.
L’Union est-elle prête à devenir une région GNL?
Cependant, le dossier évolue puisque l’Europe est sur le point d’apporter des aides comme l’a confirmé la conférence d’Athènes. Avec l’entrée en vigueur des directives sur les nouvelles normes d’émission de polluants pour la zone Seca, c’est une application à l’ensemble de l’Union européenne qui est en marche. Mais l’Union est-elle prête à devenir une région GNL? « Il faudra créer un réseau d’avitaillement en GNL, ce qui prendra entre cinq et dix ans au bas mot. Je ne m’avancerai sur aucune estimation des coûts, mais il est évident qu’il faudra partir à la recherche de clients pour diluer les coûts. Même si on peut s’attendre à une subvention des infrastructures », a expliqué John Corres. En revanche, en ce qui concerne les navires, les choses sont plus compliquées. « Il faudra 25 ou 30 ans pour renouveler la flotte et la convertir en GNL. Les navires conventionnels devront être détruits ou modifiés. J’estime le coût de l’opération entre 150 Md€ et 200 Md€. En commençant tout de suite, l’horizon est repoussé à 2040. » Il est urgent de repenser certaines stratégies de l’Union européenne, a conclu le président de l’ESN, afin de faciliter la navigation dans l’espace maritime européen. Il faudra pour cela modifier le règlement sur le cabotage (3577/92), ou tout simplement l’abandonner: c’est la condition pour que l’Europe puisse se doter d’une flotte GNL efficace en 25 ans.
L’intermodalité progresse
« Nous sommes résolument optimistes, l’inter et la co-modalité progressent. Toutefois, nous sommes confrontés à des défis économiques et politiques régionaux très importants. Le développement du projet des eurovignettes (écotaxe) pour les routiers sera profitable au maritime, à condition que ce secteur ne soit pas à son tour pénalisé par des réglementations comme celle appliquée au 1er janvier dans la zone Seca », explique Jean-Marie Millour, rapporteur du dossier Observation du marché shortsea de l’enquête ESN. Cette partie de l’enquête, qui identifie les partenariats les plus complets en cabotage, a également mis en évidence des pans de l’activité méconnus ou oubliés: l’importance de la Russie ou le redémarrage économique des îles britanniques. L’étude a permis également de mettre en évidence l’impact de l’entrée en jeu de nouveaux « players » comme les Turcs de U.N. RO-RO, des transporteurs routiers qui ont créé leur compagnie maritime shortsea. « Personne n’avait mesuré l’urgence dans laquelle nous nous trouvons. Pendant des années, l’Europe a encouragé un report modal de la route vers la mer, mais certaines décisions entraînent la fermeture de lignes ou la fin de service. Ce qui provoque un report modal de la mer vers la terre. Notre enquête fait ressortir ces contradictions », conclut Jean-Marie Millour.
La conférence de Lisbonne a permis de mettre en évidence les préoccupations du secteur du shortsea shipping face à l’éminence de l’entrée en vigueur de la directive soufre des combustibles applicable au 1er janvier 2015 en zone Seca. Elle a permis aussi aux professionnels présents de découvrir l’existence de formations spécifiques comme celle proposée par le centre de formation Case, qui a organisé en septembre un voyage intermodal entre les ports de Gijón et de Nantes réservés aux professionnels du secteur des transports.